La trahison de la transition

Il y a un peu moins de 2 ans, POUR publiait un Cahier d’analyse titré Quelle transition vivrons-nous ? Une douzaine de contributeurs avaient apporté leur éclairage à ce mouvement politique original. S’ils lui donnaient des perspectives différentes, ils étaient d’accord pour le définir comme des « expérimentations existentielles » de personnes qui se mettaient en retrait d’une société qu’ils n’appréciaient guère et tentaient de construire des alternatives concrètes. Aujourd’hui, quasi tout le monde a récupéré le terme « transition » et le met à toutes les sauces, même les plus insipides.

Transition écologique, transition énergétique, transition numérique… : la multiplication des qualificatifs accolés au substantif « transition » montre bien que ceux qui l’emploient sont loin de ce qu’avait imaginé Rob Hopkins en créant, en 2006, le Réseau Transition. Cet enseignant en permaculture avait conscience, avant bien d’autres, que le changement climatique et la raréfaction des ressources naturelles, en particulier le pétrole, menaçait l’avenir de nos sociétés. Ne faisant guère confiance aux décideurs politiques et économiques (l’avenir allait lui donner raison), il imaginait de créer des groupes de citoyens s’organisant entre eux pour créer des mini-sociétés développant des pratiques post-matérialistes. De telles communautés visaient la résilience, c’est-à-dire la capacité à encaisser les crises économiques et/ou écologiques.

Au départ de Totnes, petite ville du Devon anglais, cette logique de transition autogérée allait connaître un succès croissant et aujourd’hui, elle est devenue un réseau mondial qui s’est étendu dans plus de 50 pays et dans des milliers d’initiatives dans des villages, des villes, des universités et des écoles. Lisons ce que dit l’antenne belge de cette « multinationale » différente : « La Transition est un mouvement de citoyens qui se réunissent pour ré-imaginer et reconstruire notre monde. Le mouvement soutient ces citoyens pour les aider à relever les grands défis auxquels ils sont confrontés, en commençant au niveau local. En se rassemblant, les citoyens sont capables de proposer de nouvelles solutions innovantes, de les partager et de les améliorer collectivement. En pratique, ces citoyens se réapproprient l’économie, suscitent l’esprit d’entreprise, ré-imaginent le travail, développent de nouvelles compétences et tissent des réseaux de liens et de soutien. C’est une approche qui se propage principalement en racontant des histoires inspirantes… »

Les trois écologies[1]

En prenant un peu de recul, on peut considérer que le mouvement de la transition est le développement, l’organisation, la mise en réseau… des écologistes du quotidien, une des trois variantes de l’écologie que l’on distinguait dans les années 70 ou 80, quand émergeait le mouvement écologiste. On voyait coexister les écologistes scientifiques, les écologistes du quotidien et les écologistes politiques.

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Alain Adriaens


[1] Nous ne parlerons pas ici du livre Les trois écologies publié en 1989 par le philosophe Felix Guattari. Les trois écologies qu’il jugeait (déjà) nécessaires pour dépasser les blocages, toujours connus aujourd’hui, sont l’écologie de la nature, l’écologie sociale et l’écologie mentale.
[2] Un endroit où se déroule le plus en profondeur ce patient travail de tissage des solidarités qui doivent converger est le cycle de conférences-rencontres-ateliers « (Re) Politiser l’écologie, un champ de bataille! ».