Comment nourrir la ville de façon saine et durable, tout en permettant aux producteurs de vivre dignement ? Comment limiter notre dépendance énergétique et à la grande distribution ? Telles sont les questions posées par Clara Thomine et ses invitées lors de la soirée Délestage qui s’est tenue le vendredi 10 mai au Lac.
Le principe des soirées Délestage: réunir public, intervenant-es et artistes lors d’une soirée sans électricité, pour réfléchir aux problématiques écologiques locales et globales. En cette deuxième édition, Louise Martin des Gastrosophes et Clara de la Ferme du Chaudron viennent parler d’une idée qui fait du bruit, la Sécurité Sociale Alimentaire.
Le cadre est ludique et théâtral. Pas de micro, pas d’enceintes. Juste des chaises, des tapis et des bougies dans une galerie à l’acoustique agréable. En guise de press kit, on nous distribue papier et marqueurs de couleur pour écrire ou dessiner nos impressions de la soirée. Je passe la soirée remplir des pages grosses lignes illisibles et à la fin je collecte les dessins que les autres ont fait.
La soirée commence. Ça fait longtemps que je n’ai pas écrit à la main. C’est difficile de faire en sorte que les gens puissent lire. J’écoute le résumé de Grégoire V qui nous explique ce qu’est le délestage électrique. Il s’agit d’une coupure pour éviter que le courant saute et en laisser pour ceux qui en ont vraiment besoin.
Clara Thomine parle de slow heating. De brupower, une coopérative qui se monte comme fournisseur d’énergie. Un Engie coopératif à St-Gilles.
C’était le résumé des épisodes précédents, ce dont elle avait parlé lors de la première soirée Délestage, que j’ai ratée.
Deux filles, Louise Martin des Gastrosophes et Clara de la Ferme du Chaudron, parlent de sécurité sociale alimentaire. J’en ai déjà entendu parler à Liège, à La Casa Nicaragua.
Clara Chaudron: C’est rare pour nous de parler de ça dans ce genre de lieu. On va présenter nos idées sur la sécurité sociale alimentaire.
Elle hésite.
Si il y a un délestage, on va garder de l’énergie pour l’alimentation.
Clara Thomine: Quels sont les enjeux ?
Louise Martin: En cas de délestage, y aura de grosses pénuries. La PAC (Politique Agricole Commune) et les investissements européens partent du techno-solutionnisme.
Ces dispositifs représentent 260 milliards sur 6 ou 7 ans. 20% des exploitations captent 80% du budget et reposent sur la technologie pour produire de la nourriture.
On ne se rend plus compte du réseau logistique pour nourrir la ville. Les réseaux sont gigantesques.
Si on coupe les routes, en quarante-huit heures il n’y a plus à manger.
Cette question est intéressante pour beaucoup de gens.
Je ne sais plus qui parle, ça commence à aller vite.
À Bruxelles, il y a 184 hectares pour produire l’alimentation. Ce n’est pas suffisant pour nourrir les habitants. Il s’agit donc de penser des réseaux paysans locaux.
Penser le réseau local à plus grande échelle.
Une autre porte d’entrée à cette problématique, c’est l’enjeu de l’accès à l’alimentation.
En Belgique, en 2021 (ce sont les chiffres les plus récents dont elles disposent), 600.000 personnes ont recouru à l’aide alimentaire. Iels n’ont pas accès à assez de nourriture.
On retient deux aspects:
– La PAC bénéficie aux gros industriels.
– De plus en plus de gens ont besoin d’aide pour se nourrir.
À propos d’aide alimentaire.
Les Gastrosophes, dont Louise Martin fait partie, nourrissent les pauvres avec les poubelles des riches.
L’aide alimentaire est une variable d’ajustement des plus gros industriels. En Belgique, l’état dépense un milliard d’euro par an pour l’aide alimentaire. C’est tout bénéfice pour les industriels.
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Le coût de l’énergie impacte la capacité à se nourrir de beaucoup de gens. Ça coute 30 milliards par an de soigner les gens qui doivent mal se nourrir. En général, seulement 15% des gens se nourrissent correctement.
Ce ne sont pas que les pauvres!
Dans certains quartiers, il y a très peu de choix. On a accepté que c’est le marché qui décide de ce qu’on peut trouver dans les magasins.
Une proposition locale, la Ferme du Chaudron.
Une fille s’incruste: “je fais un stage à la ferme du Chaudron. C’est super. On peut venir aider le mercredi.”
“Désolé si on vous a sapé le moral. On doit faire une intro avant de parler des rêves.”
L’objectif des différentes initiatives, la souveraineté alimentaire. S’attabler et parler de ces différents enjeux.
La Ferme du Chaudron commence en 2020.
Des assos découvrent une opportunité dans les Champs du Chaudron. Les Gastrosophes sont chaud-es, avec DoucheFlux en plus. Iels commencent à bosser ensemble. Il y a d’autres assos que je n’ai pas le temps de noter.
De nombreux objectifs et intérêts différents convergent vers la création d’une maison de la souveraineté alimentaire: production, transformation, distribution.
Un point de vente, une conserverie, une maison de pédagogie, un restaurant, et beaucoup d’espace public.
Il n’y a pas vraiment de lieu public dédié à l’accès à l’alimentation. Elles veulent donc le créer.
Le principe est le même que celui des maisons médicales lancées dans les années 80. Ce sera comme une maison de l’alimentation. Voilà la base du projet de la Ferme du Chaudron. Il faut maintenant gérer ça tous-tes ensemble.
Faire de l’alimentation un fait politique tonitruant
On est conscientes que c’est pas avec ça qu’on va résoudre tous les problèmes. On va pas nourrir tous-tes celleux qui ont besoin de nourriture. On travaille à un projet politique de grande ampleur.
La Sécurité Sociale de l’Alimentation
Sur le même principe que la sécurité sociale de la santé. Créer des caisses pour assurer ce risque.
L’alimentaire c’est un territoire de liberté.
D’où une question fréquente: on pourra choisir ce qu’on mange ?
La solution qu’on propose, c’est une carte de type “sodexo” avec 150 euros par mois pour acheter dans des magasins conventionnés.
On veut le modèle ancien de la sécu.
Avec des caisses locales gérées démocratiquement, pour décider ensemble de ce qu’on peut acheter avec nos 150 euros par mois.
Pour l’industrie, ça fait un gros budget. Il y a un collectif en Belgique avec de gros acteurs. ONG, mutualités, assos d’agriculteurs. Beaucoup de gens sont motivés pour rétablir le lien entre consommateurs et producteurs. La Ferme du Chaudron peut servir de test, de terrain d’expérimentation.
Entamer une ère de projets pilotes.
Il y en a déjà un à Montpellier et deux à Bruxelles. À Montpellier, c’est une assemblée de quatre cent habitants. À Bruxelles, il y a un projet à l’ULB et un à Schaerbeek.
Elles parlent du projet de Montpellier. Ça va très vite et je perds des infos dans mes notes. Je reconstitue avec ce que j’ai compris.
L’assemblée de Montpellier fonctionne selon une contribution progressive à la caisse collective, proportionnellement aux revenus.
Ça veut dire que les plus pauvres contribuent peu, voire pas du tout, tout en recevant une “carte” identique à celle de chaque participant-e. Les intervenantes rapportent que ces familles les plus pauvres devaient se passer de fruits auparavant, puis que la caisse alimentaire leur a permis de diversifier et améliorer leur alimentation à moindre coût.
Par ailleurs, les riches ne se nourrissent pas forcément bien, mais en plus ils le font souvent de façon plus polluante. Il y a aussi un intérêt à créer un espace social commun aux différentes classes sociales.
Un gars dans le public lève la main pour intervenir. Il parle du rapport de Jean Ziegler pour l’ONU, qui a donné son livre L’Empire de la honte, où il relate comment le capitalisme néolibéral organise le manque de nourriture pour assurer ses profits, tout en maintenant une surproduction de denrées alimentaires. Il arrive enfin à sa question: quid de la production excédentaire ?
La réponse arrive sous forme d’une autre question, comment faire pour arrêter de produire tous ces trucs qui servent à rien?
Aux USA, Bill Gates est un des plus grands propriétaires terriens. Elizabeth d’Angleterre fut une des plus grandes bénéficiaires de la PAC. Cet enjeu démocratique est bien compris dans le principe des caisses locales.
On arrive au break.
Il y aura des sandwichs puis des concerts. Comme il n’y aura pas d’amplification, il ne faudra pas faire de bruit.
Avant la pause, cinq minutes de méditation pour imaginer le futur.
Exercice: imaginer ce qu’on ferait avec la carte alimentaire. Imaginer ces endroits où on pourra acheter de la nourriture.
Respirer bien doucement.
Bien sentir sa respiration. Sentir le sol qui nous soutient.
Prendre la carte en main. Sentir la pression entre le pouce et l’index.
Une belle rue. Vous avancez, marchez. Il fait assez beau.
Un peu de soleil sur le visage.
Vous arrivez devant le magasin. Il est grand ? Petit ? Un hangar ?
Vous entrez.
Vous sentez l’odeur.
Vous approchez un rayon, choisissez un produit.
Vous le prenez.
Vous continuez à avancer.
L’objet est lourd ou léger ?
Vous arrivez à la caisse, tendez l’objet et la carte.
La personne à la caisse vous les rend, vous explique deux ou trois trucs.
Cresson, asperges, quelques idées du public.
Vous repartez vers la rue. Votre premier achat dans un magasin conventionné. Maintenant vous pouvez raconter ce que vous avez vu.
Et on va manger!
Des sandwichs délicieux sont servi par Set de Table. Deux gars qui font des sandwichs sur une table qu’il portent par des lanières passées à l’épaule. Je prends un pain saucisse avec de la coriandre et d’autres trucs que je n’arrive pas à identifier. Ma pote a pris l’option vegan mais je gloutonne mon pain avant qu’elle ne puisse y goûter.
Les concerts commencent. J’ai raté la présentation des artistes. Clara T. va tirer au sort l’ordre de passage. Une série de petits concerts acoustiques, quelques minutes chacun. II va falloir organiser l’espace avec des bougies et des tapis.
Ce récit s’achève déjà. Les artistes m’ont laissé un souvenir inoubliable, comme seul peut le laisser le contact immédiat avec la musique.
Ont contribué musicalement à cette soirée: Kaito Winse , Marine Debilly Amarante (Amarante-Cerisier), Frank Williams, Antoine Loyer, Nina Skywokeur, Rachel M.Cholz.
Merci à tous-tes les artistes présent-es qui ont bien voulu partager leurs dessins, dont notamment Antoine Boute, qui participe également à l’organisation des soirées Délestage.
By Antoine Kopij
Après avoir participé à la campagne du CADTM contre les fonds vautours en 2016, Antoine se met à apprendre le code pour pouvoir accéder aux données du marché secondaire de la dette des états. En 2019, Il reçoit un coup de main technique du civic lab de la Open Knowledge Foundation et lance le blog Show Me Finance. Avec l’aide d’une équipe de bénévoles de la finance, il analyse les données publiques de la finance européenne. Le groupe se dissout en 2020, et Antoine rejoint la campagne Change Finance contre l’influence de BlackRock sur la régulation européenne de la finance durable.
Antoine est formateur de langues en freelance, aime l’analyse de données et enquêter sur les paradis fiscaux.
antoinekopij [at] gmail [dot] com
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