JULIAN ASSANGE, UNE VIE
Épisode 16
Julian Assange se sent en danger de mort et se retire pendant un temps en Australie où il vit caché
Après la diffusion de
Collateral Murder, Julian Assange se sent en danger de mort et se retire pendant un temps en Australie où il vit caché… Toutes les personnes dont les noms figurent au générique de la vidéo sont harcelées par le contre-espionnage américain qui leur propose des collaborations. Julian n’accepte plus de monter dans un avion que s’il est invité par une organisation qui a pignon sur rue. En juin 2010, il quitte l’Australie à l’invitation du Parlement européen pour participer à une session sur la liberté d’expression à Bruxelles.
Il garde en réserve 15.000 documents compromettants en guise d’« assurance vie »
Afin de « maximiser l’impact » de ses prochaines publications (
voir l’épisode 11), Julian profite de son séjour à l’hôtel Léopold à Bruxelles pour rencontrer des journalistes du
Guardian, du
New York Time et du
Spiegel. Il veut publier la suite des
leaks de Chelsea Manning : les
Afghan War Diaries, 92.000 documents de l’armée américaine sur les opérations des troupes américaines et de l’OTAN pendant la guerre en Afghanistan. Il garde en réserve 15.000 documents compromettants en guise d’« assurance vie ». A partir du 26 juillet, les journaux publient et commentent des centaines de documents, tandis que Wikileaks publie 76.000 documents et retarde la publication de 15.000 autres pour les expurger des noms de personnes civiles qui, proches des armées américaines, pourraient être inquiétées.
Ces documents brossent un tableau dévastateur de la guerre qui échoue en Afghanistan : des centaines de civils ont été tués dans des incidents non signalés, les attaques des talibans ont monté en flèche et les commandants de l’OTAN craignent que les pays voisins, le Pakistan et l’Iran, alimentent l’insurrection… Plus grave encore, les Afghans War Diaries montrent comment, à mesure que la guerre progresse, les États-Unis se livrent de plus en plus à des violations des droits humains et de l’interdiction des crimes de guerre : « exécutions extra-judiciaires » par frappes de drones, y compris sur des enfants et des citoyens américains ; enlèvement de personnes, incarcérations sans procès dans des endroits comme Guantanamo ; « techniques d’interrogation renforcées », autrement dit… de torture. Des pratiques qu’ils condamnaient autrefois.
Julian observe que la recrudescence de telles pratiques exige que les États-Unis renforcent le contrôle de la couverture médiatique et exercent une surveillance la plus large possible, afin de prévenir toute dissidence et de surveiller les journalistes.
LA RÉACTION DES ÉTATS-UNIS
Les USA cherchent à faire passer Julian Assange pour un irresponsable qui publie sans se soucier des conséquences. Dès juillet 2008, le secrétaire de la Défense, Robert M. Gates, et l’amiral Mike Mullen déclareront :
M. Assange peut dire ce qu’il veut sur les liens qu’il entretient avec sa source, mais la vérité est qu’ils ont peut-être déjà sur les mains le sang d’un jeune soldat ou celui d’une famille afghane.
Face à cette stratégie, Julian aura beau rétorquer que : «
Robert Gates parle de sang hypothétique, mais les terrains de l’Irak et de l’Afghanistan sont couverts de sang réel », son image va en prendre un coup.
Wikileaks a même sollicité le Pentagone, en proposant de lui communiquer tout le fichier pour qu’il procède lui-même à l’effacement des noms. Le Pentagone a refusé et nié d’ailleurs que ces échanges aient eu lieu
Plusieurs associations de droits humains, journaux, journalistes et chroniqueurs vont reprocher – sans doute trop vite et sans examen approfondi – à Wikileaks d’avoir laissé dans les documents publiés des noms de collaborateurs afghans de l’armée américaine, les exposant ainsi à des représailles potentielles des talibans. Qu’en est-il au juste ? Tenues par un calendrier de publication conjoint et très serré avec les grands médias qui veulent tout publier sans délai, les équipes de WikiLeaks ont travaillé d’arrache-pied pour purger un maximum de noms. Wikileaks a même sollicité le Pentagone, en proposant de lui communiquer tout le fichier pour qu’il procède lui-même à l’effacement des noms. Le Pentagone a refusé et nié d’ailleurs que ces échanges aient eu lieu, mensonge que Wikileaks démontera plus tard en les publiant. Résultat : sur les 92.000 documents, 76.000 sont publiés sans délai, et malgré un travail intense, quelques noms subsistent. Il s’agit, selon Julian Assange, souvent d’officiels déjà connus des talibans. 15.000 documents plus sensibles, ne seront publiés qu’après avoir été complètement purgés.
JULIAN A-T-IL RÉELLEMENT DU SANG SUR LES MAINS ?
Le sang sur les mains de Julian Assange était avant tout un storytelling américain destiné à détruire sa réputation de journaliste…
Au procès de Chelsea Manning, le général de brigade Robert Carr, agent de contre-espionnage américain a été forcé d’admettre sous serment que malgré une recherche approfondie, les Américains n’ont pas pu trouver le moindre cas de personnes qui auraient subi des blessures physiques à la suite de la diffusion de WikiLeaks. Un haut responsable de l’OTAN à Kaboul a déclaré à CNN en octobre 2010 qu’il n’y a pas eu «
un seul cas d’Afghan ayant besoin de protection ou devant être déplacés à cause des fuites de WikiLeaks ». Lors du procès d’extradition à Londres en septembre dernier, même constat. Le sang sur les mains de Julian Assange était avant tout un
storytelling américain destiné à détruire sa réputation de journaliste…
Wikileaks a tout de même tiré des leçons de cet épisode en mettant au point un logiciel de purge des noms et qui sera utilisé pour les carnets de guerre d’Irak.
Voilà. C’était le 16ème épisode de WANTED, la série qui vous emmène au cœur du réacteur de notre monde et vous en dévoile les faces cachées…
Demain, les vents vont tourner… Julian va se retrouver dans la tourmente…
Belgium4Assange
Texte écrit par Delphine Noels,
Avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir
SourcesThe unauthorized autobiography, Julian Assange, Canongate Books Ltd, 2011.The most dangerous man in the world, Andrew Fowler, Skyhorse Publishing, 2011.
Le 4 janvier 2021 sera une date historique : à Londres, la justice britannique rendra son verdict dans le procès d’extradition de Julian Assange. Quels sont les enjeux de ce procès ? En quoi nous concernent-t-ils directement ? Difficile d’avoir les idées claires à ce sujet tant la mésinformation et la désinformation ont été grandes.
A partir du 1er décembre et jusqu’au 4 janvier, Belgium4Assange diffusera quotidiennement un épisode de WANTED, série Facebook qui raconte la vie de Julian Assange en 34 épisodes.
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Source / Pour en savoir plus
The most dangerous man in the world, Andrew Fowler, Skyhorse Publishing, 2011.
The unauthorized autobiography, Julian Assange, Canongate Books Ltd, 2011.
http://www.entelekheia.fr/2019/05/12/les-revelations-de-wikileaks-n-2-la-fuite-qui-a-montre-la-verite-de-la-guerre-en-afghanistan/.
Ligne pour aller consulter par soi-même les War Logs : https://wardiaries.wikileaks.org.
Intervention de Julian Assange, Oslo Freedom Forum 2010 : https://www.youtube.com/watch?v=qDvfQ5gZ-Jw&feature=share&fbclid=IwAR2EAikA4hO7XkpzCWQ7ek49WwBnfZT6BuxwfIUQ2DR5hvJY0Q6zGxF5UBI
Iraq : https://www.wsws.org/en/articles/2010/10/pers-o26.html.
Article du Guardian sur les War logs : https://www.theguardian.com/world/2010/jul/25/afghanistan-war-logs-military-leaks.
Archive du New York Time sur les War Logs : https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/interactive/world/war-logs.html.
Article du Guardian : https://www.theguardian.com/world/2010/jul/30/us-military-wikileaks-afghanistan-war-logs.
Session du parlement européen sur la liberté d’expression : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-7-2010-0226_FR.html?redirect/
Le sang sur les mains : Article de Ed Pilkington: Bradley Manning leak did not result in deaths by enemy forces, court hears, Guardian,3 juillet 2013. Archive.today/lYznz.
Article d’Adam Levine: GatES: Leaked documents don’t reveal key intel, but risks remain” CNN, 17 octobre 2010, archive.today/HzJxM.
La plupart des gens qui ont travaillé autour de la video Collateral Murder ont été harcelés : https://wikileaks.org/gottfrid-docs/.