Le communisme de tous les jours (1)

L’asbl d’éducation permanente Action et Recherche culturelles (ARC) entend promouvoir « une société plus juste par le biais de la promotion et de la protection des droits culturels et lutte donc pour une société où les droits culturels sont considérés non pas comme une conséquence de l’exercice des droits sociaux, politiques et économiques mais comme sa base essentielle ». L’ARC considère que les droits culturels de tous les citoyens sont menacés par « une politique qui crée de la pauvreté culturelle, une perte de pouvoir des personnes face au marché et une application aveugle des évolutions technologiques ».

Sur son site, l’ARC publie notamment des analyses qui répondent à une ligne éditoriale exigeante qui entend mener « une démarche réflexive et collective qui permet de saisir toutes les significations présentes dans les événements et les phénomènes sociaux ».

POUR a ainsi découvert une analyse de Fabio Bruschi, titrée Le communisme de tous les jours, qui développe des « réflexions économiques, anthropologiques et stratégiques à partir de l’expérience du désastre ». Ce texte avance des constats et des propositions de stratégie qui répondent à beaucoup des interrogations et des défis que révèlent les articles et vidéos que nous publions.

Aussi, avec l’accord de l’ARC et de l’auteur, nous avons souhaité publier en trois « épisodes » cette analyse que, si vous êtes impatients, vous pouvez trouver dans son intégralité sur le site de l’ARC.

Alain Adriaens – 29 janvier 2020

Et si le désastre était déjà là ?

Cette analyse soutient que la perspective du désastre peut être pertinente pour penser comment agir face à la crise écologique, à condition que l’on parte du présupposé que le désastre a déjà eu lieu. Ce renversement permet d’identifier une anthropologie, et la stratégie permettant de l’entretenir, que l’on pourra caractériser comme communistes, en les opposant à l’anthropologie qui soutient l’économie dominante. Cela permet alors d’adopter par rapport aux pratiques visant à affronter la crise écologique un point de vue qui soit capable de se nourrir de l’expérience des opprimés qui ont été les plus affectés par les désastres passés.

Face à la « crise écologique », les réponses se multiplient. Par-delà leur multitude on pourrait identifier deux tendances se déployant sur deux échelles différentes. La première est la tendance catastrophiste, dont les ouvrages de « collapsologie » constituent le versant à prétention scientifique et les discours Greta Thunberg le versant à visée populaire. Cette perspective consiste à faire appel aux élites économiques et politiques pour que, face à la perspective de la catastrophe, elles fassent le choix rationnel, qui rencontre l’intérêt de tous et toutes, de préserver l’environnement[1]. « Je veux que vous paniquiez », lançait Greta lors du forum de Davos. « Politicians talk, leaders act » [« les politiciens parlent, les leaders agissent »], énonçait une banderole de Greenpeace fort adroitement posée sous la statue de Léopold II près du Palais Royal lors d’une des manifestations pour le climat du printemps 2019. La deuxième tendance peut se résumer dans la devise (ou injonction) « Do-It-Yourself » (acronyme : DIY). Dans ce cas-ci, une évaluation rationnelle devrait conduire chaque individu à comprendre qu’il est dans son intérêt d’opérer une transformation de ses comportements dans le sens d’une auto-soustraction des logiques consuméristes peu respectueuses de l’environnement[2]. Entre les deux tendances, qui sont bien entendu loin de se contredire, se déploie tout le spectre des initiatives individuelles ou collectives visant, à des échelles plus ou moins vastes, à promouvoir l’écoresponsabilité.