Si l’argument démocratique est toujours instrumentalisé par l’Occident pour défendre ses pratiques coloniales, la réduction des luttes contre l’autoritarisme à une préoccupation occidentale revient à nier l’existence des nombreux mouvements de contestation interne aux pays concernés. L’actualité africaine regorge d’exemples de luttes pour l’autodétermination et la bonne gouvernance, depuis les mouvements anticoloniaux jusqu’aux mobilisations actuelles.
Depuis 2020, l’Afrique connaît une recrudescence des coups d’État ou tentatives de coup, incluant des événements marquants au Mali, en Guinée, et au Burkina Faso.
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Des mouvements sociaux sous plusieurs formes
Au Mali, le mouvement M5-RFP a joué un rôle crucial dans la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020. Des manifestations de grande envergure, déclenchées par la gestion controversée de l’insurrection djihadiste et des irrégularités électorales, ont abouti à des confrontations violentes avec les forces de l’ordre. Face à la pression populaire croissante, Keïta a été contraint de démissionner, mettant fin à ses sept années au pouvoir.
Si la junte à bénéficié du soutien populaire à ses débuts en réponse au défaut de gouvernance du précédent parti au pouvoir, de nombreuses voix oppositionnelles. Désormais, la junte multiplie les dissolutions de mouvements de contestation civile menée par l’opposition. En avril dernier, le gouvernement de transition a dissous le mouvement de «Coordination des organisations de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali». Une coalition de parti politique et de membres de la société civile opposée au gouvernement avec à sa tête Ismaël Sacko, homme d’État malien et personnage politique influent de la république malienne.
Un phénomène similaire se passe en Guinée, où tandis que la Junte ambitionne de s’installer jusqu’en 2026, de nombreuses manifestations ont éclaté dans le pays, menées par les forces d’un regroupement de partis politiques et de la société civile, réclamant des élections d’ici décembre 2024.
En revanche, dans d’autres pays comme le Burkina Faso, la junte bénéficie d’une certaine acceptabilité populaire en réponse à la mauvaise gouvernance des gouvernements précédents. Par exemple, récemment, des manifestations de soutien à la junte ont eu lieu en réaction aux critiques, dressées par Washington, et Londres, basées sur un rapport de Human Rights Watch accusant la junte d’avoir exécuté plus de 223 civils.
Enfin, dans d’autres pays, l’opposition réagit avant même le coup d’État en réponse à diverses tentatives de recul démocratique. On peut citer le cas récent au Sénégal, où en 2023, une tentative de révision constitutionnelle par le président Macky Sall visant à réduire le nombre de mandats présidentiels a déclenché une vague de manifestations populaires qui ont contraint le gouvernement à faire marche arrière. Ou plus récemment au Togo où de nombreuses protestations émergent en réponse à la transition vers un régime parlementaire légitimement jugé par l’opposition comme un coup d’État constitutionnel.
En somme, le véritable enjeu des mouvements sociaux africains en Afrique de l’Ouest n’est donc «pas d’importer la démocratie, mais plutôt de la réinventer notamment pour faire obstacle au libéralisme» comme le soulève Ndongo Samba Sylla, auteur des mouvements sociaux en Afrique de l’Ouest : entre les ravages du libéralisme économique et la promesse du libéralisme politique.
En Afrique, face à la complexité de la question démocratique, il est essentiel de conserver une approche nuancée qui critique les formes de néocolonialisme cachées sous le masque de la démocratie, tout en dénonçant les discours autoritaires prétendant défendre l’indépendance.
Source : https://alter.quebec/decoloniser-le-discours-democratique-la-societe-civile-face-a-lautoritarisme-en-afrique-de-louest/
Illustration : Aboubacarkhoraa – Parade des militaires dans les rues de Kaloum après le Coup d’état 2021 en Guinée. – CC BY-SA 4.0 -via WikiCommons – Date de création : 6 septembre 2021