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L’interview de Georges-Louis Bouchez ne dit alors rien d’autre que la guerre prête à être menée, que la guerre prête, que la guerre menée. Ne nous méprenons pas, là-dessus. Un tout petit livre,
Le Coup d’Etat climatique de Mark Alizard, vient à point pour aider à penser cela, avec cette phrase destinée à la gauche écologiste : «
Elle croit que le dérèglement climatique n’est qu’une conséquence du capitalisme alors qu’il est précisément la manière qu’il a trouvé de se perpétuer ». Ceci est évidemment fondamental. La thèse de Mark Alizard tient pour beaucoup dans l’inventaire qu’il a établi de faits et de situations ordinairement considérés comme des conséquences et qu’il traite pourtant comme des causes (ce que je disais un autre jour du récit capitaliste fonctionne évidemment ici à plein…) : telle déforestation de masse russe ou brésilienne, pour prendre cet exemple, ne se produirait ni par inconséquence ou par inconscience, mais serait le fait d’une projection et d’une vision délibérées : «
Quel genre de projet politique la crise écologique servirait-elle si elle entraîne la fin du monde – puisque les collapsologues ne nous prédisent rien de moins que ça au rythme où vont les choses ? Sauf s’il n’y a ni effondrement ni fin du monde, mais une multitude de petites et de grandes catastrophes s’égrainant dans le temps et se distribuant inégalement à la surface de la planète. Autrement dit, sauf s’il y a du chaos et qu’il y a moyen d’en tirer profit ». Le carbo-fascisme nommerait alors ce point de fusion où se retrouvent toute une série
de gens pour qui la fenêtre d’Overton n’est pas une fenêtre, mais une baie vitrée dont nous parlions hier.
Pour le reste, la Wallonie fait appel à l’armée pour pallier le manque de personnel dans les homes pour personnes âgées ou dépendantes.
Pour le reste, de la nourriture avariée est servie aux résidents du centre fermé pour demandeurs d’asile de Merksplas qui est resté en activité et n’a « libéré » personne contrairement à d’autres lieux de détention pour personnes innocentes du pays et où il n’y a pas d’eau chaude, où les douches se prennent avec un seau, où les distances de sécurité ne sont pas respectées, où les malades sont mis au cachot, où les contrôles parlementaires sont interdits, où, en gros, on s’en fout.
Pour le reste, on enterre à la va-vite celles et ceux qui meurent du virus ou d’autre chose, on enfouit clandestinement, on incinère en secret. La disparition du corps, son escamotage, est totale. Pas de corps mort à voir et accompagner, pas de corps vivant à serrer et embrasser. Cette violence symbolique rejoint celle du pain corrompu, elle dit comment nous nous perdons nous-mêmes un peu plus. Caroline Lamarche a commencé à écrire des poèmes aux morts, des fleurs de funérailles : C’est une saison d’exception, celle où le printemps ressemble au printemps sans garnir de fleurs le lit, la chambre, la tombe…
Paul Hermant – 9 avril 2020
[1] Les Acteurs des temps Présents, nés à la fin 2013 sont une alliance assez singulière entre des métallurgistes de la MWB et des fermiers de la FUGEA. Pourtant ce front commun inédit a contaminé d’autres secteurs sociaux, culturels ou économiques : artistes, allocataires sociaux, monde académique, secteur associatif… Les politiques néolibérales et leurs conséquences en termes de logiques d’austérité et d’appauvrissements de toutes sortes étaient au cœur de la création des Acteurs des temps Présents. Elles le sont toujours aujourd’hui.