Au-delà de la réduction du temps de travail… une autre perspective

Le chômage, énormément de monde en souffre et peu de forces politiques proposent des solutions efficaces pour le supprimer. Certains s’accommodent aisément d’une situation qui permet d’exercer une pression sur les salaires et les conditions de travail…

Mais la proposition “réduction du temps de travail” existe bien, elle joue sur la durée hebdomadaire de l’emploi. Elle utilise l’opération arithmétique de la soustraction pour faire passer cette durée de 38 à 35 heures, 32 dans les cas les plus audacieux.

Inspiré de cette idée, le partage des emplois joue sur la durée de la carrière. Comme tout partage, il utilise l’opération arithmétique de la division. Il est à la fois plus consensuel et plus ambitieux.

Les données

61,4% de la population est dite “active”, c’est à dire en âge d’emploi, et 62% de cette population active est effectivement employée. Les personnes employées représentent donc 38 % de la population belge1. La durée hebdomadaire moyenne de l’emploi étant de 33 heures2, un tiers de la population est employée à temps plein.

27 années de carrière

Sur base d’une espérance de vie de 80 ans, si l’on partageait les emplois actuels, chacun y consacrerait un tiers de sa vie, soit 27 années à temps plein (38h/semaine). Nous sommes loin de l’exigence de 40 ou 45 années de carrière à temps complet qu’on nous impose aujourd’hui.

Emploi et travail

Il existe une différence entre l’emploi et le travail. L’emploi est un travail que l’on effectue pour un employeur. En-dehors de l’emploi, il y a mille choses à faire : cultiver son potager, rencontrer des amies, aller au cinéma, jouer avec les enfants, compter les étoiles… C’est du travail, défini comme activité consciente visant à satisfaire un besoin, n’en déplaise au comptable national qui ne les mentionne pas dans son Produit Intérieur Brut. Et c’est justement pour augmenter le temps de travail libre qu’il faut partager l’emploi.

Employeurs contents

Le partage des emplois se jouant sur l’âge de la retraite, il est immédiatement acceptable pour un employeur. Car les retraites ne lui coûtent que peu ou rien, c’est le problème de la sécurité sociale. Bien plus, il peut ainsi se débarrasser des salariés âgés qu’il considère comme moins productifs et les remplacer par des jeunes.

Employés contents

Certes, il restera toujours parmi les salariés des stakhanovistes pathologiques ou des obsédés du revenu, et nous devrons leur laisser la possibilité de mourir debout en serrant un boulon. Mais l’immense majorité des êtres humains, lorsqu’on leur propose une retraite confortable, ce qui devra être négocié, ont vite fait le choix.

Un pas vers l’objection de croissance…

Autoriser la retraite à 52 ou 42 ans, selon que l’on a commencé son travail salarié à 15 ou 25 ans, c’est permettre à chacun de se poser la question du choix entre le bien-être et le toujours plus. Chacun, vous comprenez ?

… Et vers la fin du capital

Les effets de cette mesure seront loin d’être anodins. Il va se produire une chose terrifiante pour les tenants de l’ordre établi : il y aura moins de demandeurs d’emploi. Ceci mettra les salariés en position de force vis-à-vis du capital. À leurs côtés, une foule de jeunes retraités auront tout le loisir de se poser les bonnes questions et toute l’énergie d’y apporter les bonnes réponses. Pour peu qu’ils comprennent que le capital est non seulement nuisible mais parfaitement inutile, ce à quoi nous ne manquerons pas de contribuer, nous aurons là, potentiellement, une armée de personnes capables de fournir des propositions de société qui soient révolutionnaires, en lieu et place de la traditionnelle armée industrielle de réserve qu’entretient le capital.

Et le financement ?

Notre calcul se base sur les données actuelles de l’emploi, avec toutes les absurdités liées à la logique du système. Pensons aux nombreux contrôles pris en charge par l’Etat : Forem, Onem, CPAS, police, etc. Pour le reste, un peu de création monétaire, à condition que celle-ci ne reste pas le monopole des banques. Mais ceci est une autre histoire…

Patrick Dessart

1 https://www.belgium.be/fr/la_belgique/connaitre_le_pays/Population et https://www.rtbf.be/info/economie/detail_le-tauxd-emploi-belge-de-62-est-en-dessous-de-la-moyenne-de-l-ocde?id=9434169 juin 2017

2 OCDE, heures moyennes annuelles ouvrées par travailleur http://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=ANHRS&Lang=fr juin 2017 D’un côté, ce temps est surévalué, car basé sur les données contractuelles de l’emploi : il ne tient pas compte des congés exceptionnels, pour maladie, sans solde etc. Mais ce même temps est sous-évalué car de nombreuses personnes prestent des heures supplémentaires, qui n’apparaissent pas non plus sur les contrats.