La quatorzaine s’achève, on continue d’attendre le pic de l’épidémie mais d’où viendra-t-il alors, puisque nous sommes toutes et tous dans cette incubation prolongée ?
Prolongée, puisque le Centre National de Sécurité, une institution découverte récemment et qui a bizarrement conservé un nom souverain (et martial), a décidé le soir venu d’une prolongation que les médias appellent tout aussi étrangement un prolongement, comme s’il s’agissait d’une route. Un prolongement nomme l’action de prolonger dans l’espace ; une prolongation nomme l’action de prolonger dans le temps. Que l’on convoque l’espace là où il est question du temps répète encore une fois la question de notre place dans cette crise.
CROYEZ-VOUS QUE NOUS POUVONS VIVRE SANS VOUS ?
Vous ne pouvez lire cet article que parce que d’autres lecteurs se sont abonnés.
Vous aussi, soutenez une presse libre !
Il n’y a aura pas de retour à la normale et il n’y aura pas plus de jour d’après. Il n’y aura pas de retour à la normale car ce qui va déferler une fois le volet de la crise sanitaire refermé est quelque chose de totalement inédit et inimaginé et il n’y aura pas de jour d’après non plus car la bonde ne sera pas lâchée d’un coup. Si les pouvoirs spéciaux peuvent servir, c’est à cela : à garantir la remontée par paliers de la question sociale. Il faudra être très imaginatifs pour prévoir dans un jour d’après qui n’existera pas une manif impossible plutôt qu’un festif contingenté. Mais il s’agit pourtant et évidemment de le faire vivre pendant les semaines qui viennent ; des semaines qui ne demandent pas à être simplement traversées mais arpentées, marchées, scandées, même si c’est autour de sa chambre. Sur cette question, revenir à Blaise Pascal : «
Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre ». Suggérons que le bonheur serait alors de savoir comment en sortir…
Pour le reste, le Ministre fédéral de l’Intégration sociale a donc attribué un budget de secours de 0,83€ par personne nécessitant une aide alimentaire. C’est à ce résultat que l’on parvient si l’on divise le montant alloué et le nombre de bénéficiaires potentiels. Comprenons-nous, c’est 0,83€ pour toute la durée de la crise sanitaire. On ne rigole pas avec l’intégration sociale.
Paul Hermant – 27 mars 2020
[1] Les Acteurs des temps Présents, nés à la fin 2013 sont une alliance assez singulière entre des métallurgistes de la MWB et des fermiers de la FUGEA. Pourtant ce front commun inédit a contaminé d’autres secteurs sociaux, culturels ou économiques : artistes, allocataires sociaux, monde académique, secteur associatif… Les politiques néolibérales, portées alors par un gouvernement fédéral de coalition, et leurs conséquences en termes de logiques d’austérité et d’appauvrissements de toutes sortes, étaient au cœur de la création des Acteurs des temps Présents. Elles le sont toujours aujourd’hui.