Y’en a pas un sur cent et pourtant ils sévissent : les patrons

Y’en a pas un sur cent et pourtant ils sévissent. Je parle ici des patrons, auxquels Michel Offerlé s’est intéressé pour le compte des éditions Anamosa et de leur collection Le mot est faible. Cette introduction, sarcastique, pourrait laisser entendre que l’auteur a plongé sa plume dans le vitriol pour évoquer ces premiers de cordée vilipendés par les uns, honorés par les autres. Il n’en est rien.

Le patron carnassier se nourrissant de la chair des prolétaires, le patron-vampire décrit par Marx, le patron visionnaire et mécène à ses heures, passionné autant par l’art que par la défiscalisation, ne sont pas au coeur du livre.

Michel Offerlé nous propose, et c’est plus judicieux, une plongée en terres patronales, où se côtoient, se mêlent et s’entrechoquent les grands et les petits entrepreneurs ; entrepreneurs et non pas patrons, de la même façon que les subordonnés sont devenus des collaborateurs, et les licenciements des plans de sauvegarde de l’emploi.

Michel Offerlé souligne que, chahutés par des décennies d’insubordination ouvrière, les patrons ont cherché à « évacuer le stigmate de l’exploiteur », en se nommant entrepreneurs. Au pater familias gérant ses gens, il valait mieux préférer l’audacieux au souffle créateur, le meneur d’hommes, le dirigeant ou, aujourd’hui, le startuper décontracté et disruptif. Avouons-le, cette « mue onomastique » n’a pas fait long feu…

Combien sont-ils, ces patrons ? Quelques centaines de milliers, mais tout dépend de qui l’on range statistiquement dans la catégorie. Pour l’INSEE, 200.000 personnes répondent à son critère : « chef d’entreprise d’au moins onze salariés », ce qui exclut de fait nombre d’artisans et d’auto-entrepreneurs, ces nouvelles figures de la France réconciliée avec l’entreprise.

Il serait évidemment vain de chercher une quelconque homogénéité du côté des revenus, faramineux pour certains, et fort moyens pour beaucoup. A ce sujet, Michel Offerlé nous invite à « redonner de la complexité aux raisons d’agir » des patrons : la cupidité n’est pas le seul moteur ou même l’origine de leur aventure entrepreneuriale ; celle-ci a également sa source dans leur volonté d’indépendance, leur désir de transmettre ou leur goût pour l’innovation.