Les élections législatives françaises annoncent un raz-de-marée pro-Macron. La République en Marche (REM) court vers la victoire avec 30% des intentions de vote. Plus de 200 députés sortant sur 570! Donc pas mal de petits nouveaux en piste! C’est à la fois une bonne lessive, mais également courir le risque de renforcer l’influence de l’exécutif et par là peut-être l’autorité d’un seul homme, le Président.
Lors de la première AG de la coopérative Pour écrire la liberté ont été rappelées ces quelques phrases de l’Américain Benjamin Barber, professeur en sciences politiques et écrivain [1]:
Nous naissons incomplets, nous avons besoin de coopérer;
nous naissons dotés d’un potentiel naturel, nous avons besoin de la société pour le réaliser;
nous naissons inégaux, nous avons besoin de la politique pour nous rendre égaux;
nous naissons en partie esclaves et en partie libres, nous ne pouvons garantir une liberté complète que grâce à la communauté démocratique.
C’est de son livre Démocratie forte que sont extraites ces paroles.
Par démocratie forte, Barber vise plus loin qu’une démocratie simplement participative qui souvent se restreint à:
– une citoyenneté surtout réservée aux élites ou aux professionnels de la politique;
– une rationalité imposée par des «experts» ou des théoriciens idéologues basée sur un éventail de visions contradictoires allant du communisme au néo-libéralisme.
Il est souhaitable, au contraire, de viser un consensus où l’individu-citoyen trouve son identité civique en mettant en retrait l’idée de son moi au profit d’un développement collectif dans lequel il va retrouver une autonomie d’adulte raisonnable conscient de ses devoirs d’humanité.
Des règles justes avec des citoyens volontaires
Barber promeut une communauté de citoyens s’autogérant en repensant profondément les possibles de l’associatif et de la société civile qui est le troisième axe indispensable, selon lui, à côté de ceux que constituent le politique et l’économique. Pour lui, la politique est faite par les citoyens, et non pas pour eux comme ce l’est souvent par une élite gouvernante, celle dénoncée à l’envi sous le nom de «système» lors de l’élection présidentielle française.
La démocratie forte se doit d’établir des règles fonctionnelles et justes. Elle fait travailler les consciences, elle éduque au jugement, elle apprend à estimer ses propres choix, mais elle doit aussi façonner de nouvelles institutions politiques favorisant une participation civique constante en matière de programmes et d’ordres du jour, de délibération, de législation, et pour la mise en oeuvre de projets politiques.
La volonté démocratique n’est jamais assise une fois pour toutes mais c’est un processus constant de façonnage et de remodelage de la société, comparable en cela à l’évolution de la vie humaine.
Le politique, par le biais de la société civile, pourra-t-il reprendre sa prééminence sur l’économique et la finance? C’est au citoyen de l’y forcer. Et à partir de sa solitude naturelle, de développer son humanité dans une interdépendance où ses besoins et désirs privés seront transformés en objectifs et en biens publics.
Espérons que les Français, par leur vote, auront à cœur d’avancer vers ces principes de bonne gouvernance. Et qui sait, traceront-ils quelques nouvelles voies pour faire entendre aux élites européennes les changements nécessaires [2] à une construction démocratique, sociale, juste et durable que les Européens attendent impatiemment.
[1] Barber B., Démocratie forte, Paris, Desclée De Brouwer, 1997
[2] Changeons l’Europe, Cahiers d’analyse, Pour écrire la liberté, 2017