Rémission
Des vedettes sont revenues à des valeurs humaines, des malheureux ont retrouvé des raisons de se consoler, un favori tombe de haut, par usure du pouvoir, aucune petite équipe ne sortira ridiculisée de la campagne de Russie.
En attendant un Belgique-Angleterre qui, espérons-le, ne sera pas un sommet de ridicule, des raisons de distinguer des éléments de justice réapparaissent, après quelques dénouements désolants. La Belgique dans une partie ridicule ? Ben oui. Car selon les « analystes », ces gourous qui pensent à notre place et doivent rythmer nos engouements, il vaudrait mieux terminer deuxième du groupe, derrière les Anglais, pour tomber plus tard sur des équipes jouables. Le sélectionneur doit épargner des vedettes, faire monter des joueurs qui autrement ne joueraient pas, trouver un équilibre avec des remplaçants, tester la résistance de ceux qui reviennent de blessure, éviter les longs déplacements, etc., etc. Comme le sélectionneur adverse se dit la même chose, le jeu des discours d’avant-match est un jeu de faux-culs.
Il convient de se méfier de ce genre d’ambiguïté, car l’adversaire futur peut encore être totalement inattendu. La preuve par LA disqualification du jour, celle de l’Allemagne passée en un match de la première à la dernière place de son groupe. La mannschaft retourne au pays. Belle partie de la Corée qui a résisté, sauvé son honneur, alors qu’elle n’avait rien à perdre ni à gagner, et retourne au pays avec un sentiment positif. Il en va ainsi également pour le Costa Rica, qui a marqué ses premiers buts, dans une ambiance de joie qui devrait faire pâlir les calculateurs cités plus haut. Dans les dernières secondes (encore !), les footballeurs du pays sans armée sont revenus à 2-2 sur la neutre Suisse.
Et les Suédois ? Ils ont subi l’Allemagne en dernière minute au match précédent, ils ont un joueur blessé par le racisme, Jimmy Durmaz, qui regardait les événements depuis le banc… et tout est racheté puisqu’ils se qualifient au détriment de leur bourreau d’hier, comme leur vaincu du jour, le Mexique, qu’ils battent sèchement 0-3 mais qui est sauvé par les Coréens de l’autre match. Rien de logique, comprenne qui pourra, à méditer encore par les calculateurs.
Et la Belgique ? Bonne chance et bon match à ceux qui sont passés par Dortmund, Magdebourg, Berlin, Poznan et Gdansk avant d’arriver à Kaliningrad pour fraterniser avec des Anglais qui pensent comme eux qu’il faut combattre dans l’honneur. Quelques-uns, interrogés, trouvent que la ville est plus grande que prévu (un million d’habitants pour la région – oblast pour les Russes). Fille de Yalta, donc de Staline, mélange d’influences allemande, polonaise, lituanienne, biélorusse et russe, l’ancienne Königsberg est une aventure historique étonnante, une enclave encore bien éloignée de Moscou. Elle a tout pour vivre, un littoral baltique, des navires sur toutes les mers du monde, des équipements adaptés, une superficie qui fait la moitié de la Belgique, et un mystère russe insondable coincé dans l’Union européenne.
Gérard Lambert