« Il est mauvais d’accomplir un travail dans la servitude,
fut‑ce pour la cause de la liberté,
et de lutter à coups d’épingles au lieu de combattre à coups de crosse.
J’en ai assez de l’hypocrisie, de la sottise, de l’autorité brutale,
j’en ai assez de notre docilité, de nos dérobades et de nos courbettes,
j’en ai assez de jouer sur les mots… »
Marx «Lettre à Ruge» 25 janvier 1843 (Correspondances, T. 1).
Lors de son récent fracassant départ du gouvernement Macron, l’écologiste Nicolas Hulot a notamment déclaré : « nous sommes prisonniers d’un modèle économique intenable ». Il ne croyait vraiment pas si bien dire ! Cette déclaration renvoie à au moins deux ou trois de mes précédentes contributions. Contributions dans lesquelles je m’attaquais au statut scientifique du profit, à « l’impossibilité thermodynamique » de son existence ; au caractère (si on considère l’étymologie du mot) « économiquement létal » de la finance, des stratégies des grandes entreprises, des banques, de la bourse… Bref à tout ce que j’ai mis sous la rubrique « modèle insoutenable qui marche sur sa têtedepuis deux siècles ». Je voudrais par la présente contribution, inaugurer une série d’autres qui s’attacheront, le plus directement possible, à expliquer comment et pourquoi M. Hulot a parfaitement raison, et aussi comment et pourquoi pratiquement tous les piliers théoriques de l’économisme néolibéral dominant ne sont que poudre aux yeux soit disant « scientifiques », commodes pseudo concepts « rationnels », destinés principalement à justifier l’ordre établi, tel que le désirent les nantis[1]. C’est ainsi que nous procéderons à une déconstruction systématique de tous les « dogmes » qui servent d’arcs-boutants à une pensée économique qui n’est qu’idéologie au service des dominants. Je propose donc de « déboulonner », un à un, les concepts-clés de la dite « science » économique, en particulier ceux de son courant néolibéral. Nous commencerons aujourd’hui par une analyse des sacro-saints PNB et PIB, avant de nous attaquer plus tard aux notions de croissance, de concurrence, de marché, de rareté, de compétitivité, de mondialisation… à des « mesures » comme les prix, la valeur, l’amortissement, l’inflation, le taux de chômage… Et aussi à la capacité même de prétendre « mesurer » quoi que ce soit en économie.
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[1]Nous verrons plus tard que, en fait de « sciences » ou de « théories » économiques, il n’y a en réalité dans le discours dominant, que descriptiondu fonctionnement d’un modèle économique tel qu’il fonctionne pour convenir le plus possible aux désirs des riches. On verra plus tard que cela a commencé avec les fondateurs de l’école néoclassique, dès le milieu et fin du 19èmesiècle, Auguste et Léon Walras, qui ont (surtout le second) « frauduleusement » contribué à introduire – afin de lui conférer les oripeaux de l’apparence scientifique-, l’usage des mathématiques et la prétention de « mesures » de choses telles que la valeur, l’utilité (plus tard dite marginale), la rareté… et des concepts de la physique newtonienne pour donner assise à la théorie de « l’équilibre général » (masses, élasticités, tensions, accélérations, gravités, équilibres…) dans le vocabulaire, jusque-là éminemment anthropologique, philosophique et sociologique de la dite « science » économique.