Staline, Hitler : deux dictatures aux antipodes (1/2)

Dans nos médias, Adolf Hitler et Joseph Staline font depuis plusieurs années l’objet de comparaisons plus ou moins fondées, quoiqu’à l’évidence inspirées par des motivations idéologiques. Dire cela n’est pas récuser d’emblée la valeur du comparatisme historique. La RTBF vient une fois de plus d’y sacrifier ce 20 juin avec le documentaire Hitler-Staline, le choc des tyrans (dans l’intimité des deux monstres) de Michaël Prazan.

Jean-Marie Chauvier, spécialiste de l’ex-URSS, ancien correspondant du Drapeau rouge à Moscou et collaborateur du Monde Diplomatique, nous fait la faveur de ce texte que nous vous présenterons en deux parties.

Partie I

Les restituer à leurs histoires et sociétés respectives.

Le 5 mars 1953 meurt Joseph Staline. À l’INR (ancêtre de la RTBF), l’annonce, solennelle, est suivie de l’hymne soviétique. En pleine guerre froide ! Mais il y a 8 ans à peine que la victoire sur l’Allemagne nazie a eu lieu, et nul ne feint d’oublier, à l’époque, le rôle majeur qu’y ont joué l’Armée rouge et son chef, Staline.

Le 22 juin 1941, il y a 80 ans, l’Allemagne nazie (et ses nombreux alliés européens) entament l’invasion de l’Union soviétique. Son chef, Adolf Hitler inflige de lourdes défaites aux « rouges » qui l’arrêtent en décembre aux portes de Moscou et signeront la défaite allemande à Stalingrad début 1943. L’URSS a pour alliés la Grande-Bretagne, qui héberge la « France libre » du général de Gaulle, les États-Unis, aux prises avec le Japon, allié des Allemands, dans le Pacifique. La Chine, on l’oublie, paiera aussi un lourd tribut à la lutte contre l’Axe Berlin-Rome-Tokyo. Les Résistances, notamment grecque et yougoslave, n’étaient pas « de reste ».

De nos jours, le vent politico-médiatique a tourné. L’Europe aurait été libérée grâce au débarquement de Normandie en juin 1944
L’URSS vaincra ses agresseurs au prix de la perte de 25 à 27 millions de vies humaines. La victoire de Staline en fera « le héros » célébré avec faste en 1945 tant à Londres et Paris ou Washington et Bruxelles qu’à Moscou. Pour Churchill comme pour De Gaulle, le rôle de l’Armée rouge fut décisif dans l’écrasement du nazisme. Elle a longtemps fait face, seule, aux 3/4 de la Wehrmacht. La guerre nazie en URSS n’est pas une occupation dure, mais « respectueuse » des institutions soumises. Les villages sont brûlés avec leurs habitants, les partisans et les « races maudites » remplissent ravins et fosses communes après fusillades, les prisonniers de guerre et les habitants de Leningrad sont exterminés par la faim et le froid, des millions d’esclaves sont recrutés pour les camps de travail sous bonne garde des SS, mais aussi, au service des grandes entreprises allemandes. Et ce n’est pas tout : le Generalplan Ost des nazis, prévoyait l’anéantissement de l’État russe, la déportation de 30 à millions de Slaves au-delà de l’Oural, la colonisation de la Russie d’Europe par les « races nordiques » européennes – ce devait être notre Lebensraum commun. Ce Plan ne pourra être accompli. Mais le génocide aura eu lieu. C’était il y a 80 ans.