Un électeur sur dix est tué. Un électeur sur dix est raflé.
Dimanche 30 mai 2021. Dimanche 28 mai 1871. 150 ans plus tard. Sept jours après. Ils sont entrés dans la ville le 21. Le dernier coup de feu a été tiré à l’aube, à Belleville, dans le cœur ouvrier de Paris. Dernier coup de feu. Dernière barricade de la Commune insurrectionnelle. Elle dirigeait Paris depuis le 18 mars, élue par 300.000 Parisiens, Français de naissance ou de préférence. Des quelques milliers qui défendaient la ville contre 150.000 soldats versaillais surarmés, il ne reste rien. Il y a 30.000 cadavres dans les rues. 30.000 : ils ont tué un électeur sur dix. Nous sommes le 28 mai 1871. On n’exécute plus. On juge. Ce soir, 46.835 prisonniers – dont 819 femmes et 538 enfants – s’entassent dans les camps militaires de Versailles. 46.835. Ils ont raflé un électeur sur dix. Les rafles continuent : l’Archevêché et la Préfecture ont donné aux soldats des listes de milliers de noms, l’armée épluche des milliers de lettres de dénonciation. Dix mille communards en fuite se terrent dans les caves, les mansardes, les entre sols.
Derniers appels au secours de Paris à la France
Dimanche 28 mai. Sept jours après. Dans l’air, des fragments de papiers brûlés volent comme des papillons noirs. Cendres de l’état civil de l’Hôtel de Ville, parti en fumée, cendres du greffe du Palais de Justice, incendié, cendres des tableaux du Louvre en flammes, cendres des tapisseries du Palais des Tuileries, en ruines. Au loin, dans les campagnes, quelques montgolfières aux nacelles remplies de dépêches, atterrissent dans les champs : derniers appels au secours de Paris à la France. Une de ces lettres disait : « Ce que Paris voulait, c’est la terre au paysan, l’outil à l’ouvrier, le travail pour tous. Plus de très riches ni de très pauvres. Plus de travail sans repos, plus de repos sans travail. Notre guerre était une guerre à l’usure, au mensonge, à la paresse. Frères des campagnes, si Paris tombe, le joug de la misère tombera sur votre nuque et passera sur celle de vos enfants. Aidez-nous. Nous ne sommes pas agresseurs, nous sommes agressés. Si nous agissions comme nos adversaires, comment le monde choisira-t-il entre eux et nous ? » Ces mots sont d’Andrée Léo, communarde, journaliste, écrivaine. Depuis trois jours, Andrée et son amie Lucienne Prins, infirmière sur les barricades, se cachent dans un grenier, 19 rue de Montmorency (1)..