Quand Macron demande pardon

Nous avons tous vu, en août, des Afghans tenter de s’accrocher aux ailes des avions américains pour fuir leur pays. Qui se souvient qu’en 1962, de Algériens tentaient de s’accrocher aux ridelles des camions militaires français dans le même espoir ? De quoi les harkis sont-ils l’enjeu ?

« Algériens » dites-vous ? Ces hommes n’étaient-ils pas des « traîtres » ? Des supplétifs de l’armée coloniale qui, appréciés pour leur connaissance du terrain, avaient mené à partir de 1956 à ses côtés la sale guerre de répression des indépendantistes algériens contre le FLN/ALN[1]. Et qui, comme elle, avaient  tué, tabassé, torturé, mutilé, violé. Ces faits expliquent que très peu, en Algérie, les considèrent encore comme leurs compatriotes.

Au yeux du peuple algérien, écrit Al-Watan[2], les harkis représentent ce que ce que les collaborateurs ont représenté pour la France sous occupation nazie.
 En novembre dernier encore, le gardien des archives nationales algériennes, Abdelmadjid Chikhi, a rappelé dans une interview à la revue de l’armée algérienne El Djeich, qu’aux yeux de l’Algérie, les harkis étaient « un dossier français », « leur départ en France ayant été un libre choix »[3]… Pour autant, les autorités algériennes ne reconnaissent pas les harkis comme citoyens français : eux et leurs descendants – ils sont aujourd’hui entre 500 et 800.000 en France, une fourchette qui fait s’interroger… – ne peuvent pénétrer en territoire algérien, même pour se rendre sur les tombes de leurs proches restés en Algérie. Et l’historienne Fatima Besnaci-Lancou[4] rappelle que des cercueils de harkis décédés, envoyés au pays pour y être inhumés, ont été bloqués puis renvoyés en France par les autorités algériennes. Notons aussi que certaines fonctions, e. a. politiques, restent interdites aux descendants de harkis en Algérie…

By Paul Delmotte

Professeur de Politique internationale, d'Histoire contemporaine et titulaire d'un cours sur le Monde arabe à l'IHECS, animé un séminaire sur le conflit israélo-palestinien à l'ULB. Retraité en 2014.