Lors de la réunion du 24 février, l’UE a exhorté Israël à accroître l’aide à Gaza, à cesser les implantations en Cisjordanie et à respecter l’intégrité territoriale de la Syrie. Mais, surprise, Israël s’est empressé de faire exactement le contraire. À quoi servait donc le conseil d’association ? Si l’UE veut être prise au sérieux, elle doit utiliser son influence.
Lors du Conseil d’association UE-Israël qui s’est tenu le 24 février, l’UE a présenté à Israël une déclaration globale, approuvée par les 27 États membres, exprimant ses positions politiques sur la situation dans la région et sur les relations bilatérales.
La réunion, qui s’est tenue dans le contexte d’un cessez-le-feu chancelant à Gaza et d’une escalade israélienne majeure en Cisjordanie, était présidée par la haute représentante de l’UE, Kaja Kallas, et le ministre israélien des affaires étrangères, Gideon Sa’ar. Fait inhabituel, presque tous les ministres des affaires étrangères de l’UE étaient présents. La déclaration de l’UE, négociée depuis plus d’un mois, comprend une trentaine de préoccupations et d’appels urgents de l’UE à Israël.
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L’UE a notamment demandé « l’accès total et sans entrave de l’aide humanitaire à la bande de Gaza » et a insisté sur la « mise en œuvre intégrale » du cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Pourtant, quelques jours seulement après la réunion, Israël a bloqué toute aide humanitaire à Gaza, violant ainsi les termes du cessez-le-feu, puis a coupé l’électricité.
L’UE a également réaffirmé « sa ferme opposition à la politique d’implantation d’Israël » en Cisjordanie, exhortant Israël « à mettre un terme à l’expansion continue des colonies et aux activités qui y sont liées », y compris les démolitions de structures palestiniennes. Pourtant, depuis le Conseil d’association, Israël a encore intensifié ses approbations hebdomadaires de nouvelles unités de logement dans les colonies : 1 170 unités le 26 février, 1 408 unités le 5 mars, et un record de 1 439 unités attendues le 12 mars. Pour la première fois, Israël a également démoli des maisons palestiniennes à Jérusalem pendant le ramadan, rompant ainsi avec une pratique de plusieurs années qui consistait à suspendre ces démolitions pendant le mois sacré.
L’UE a également affirmé que « la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie à l’intérieur de frontières sûres doivent être pleinement respectées, conformément au droit international », a appelé Israël à « respecter les termes de l’accord de désengagement des forces de 1974 » et a souligné que « la zone tampon démilitarisée [saisie par Israël en décembre] doit être respectée ». Pourtant, quelques jours après la réunion, Israël a mené une vague de frappes aériennes et de raids terrestres dans le sud de la Syrie, tandis que ses dirigeants menaçaient de s’enfoncer davantage en Syrie en donnant l’ordre à Tsahal de « se préparer à défendre » une banlieue druze de Damas.
En résumé, le résultat du Conseil d’association est qu’Israël a fait exactement le contraire de ce que l’UE avait demandé. Cela soulève une question : l’UE va-t-elle faire quelque chose ? Et si ce n’est pas le cas, à quoi servait tout ce conseil d’association ? L’UE est le premier partenaire commercial d’Israël et le Conseil d’association est la plus haute plate-forme politique pour le dialogue bilatéral. L’UE discute et prépare le Conseil d’association depuis neuf mois, depuis que les ministres des affaires étrangères de l’UE ont demandé qu’il ait lieu en mai 2024.
L’idée a été lancée en réaction à la demande hispano-irlandaise d’examiner le respect par Israël de la clause relative aux droits de l’homme de l’accord d’association UE-Israël, afin de permettre sa suspension potentielle en réponse au carnage de Gaza. D’autres États membres s’y sont opposés, préférant un dialogue au sein du Conseil d’association pour « faire part de nos positions et de nos préoccupations ».
Cet argument manquait cruellement de sérieux. Il aurait dû être évident que le simple fait d’exprimer des préoccupations n’aurait aucun effet. Lors du précédent conseil d’association avec Israël, en 2022, l’UE avait également demandé l’arrêt des implantations, des démolitions et des violences commises par les colons, alors que tout cela n’a fait que s’accélérer depuis.
Israël ignore les positions de l’UE parce qu’il sait qu’il n’y a pas de conséquences. Alors que la déclaration de l’UE lors du dernier Conseil d’association a soulevé de nombreuses préoccupations, elle a également fait l’éloge de ses liens étroits avec Israël en matière de commerce et de recherche, s’engageant à les maintenir – ce qui signifie que les affaires continuent malgré les actions dévastatrices d’Israël. Un tableau que nous avons compilé illustre ce décalage, listant les préoccupations et les appels politiques de l’UE d’un côté et les éloges des relations bilatérales de l’autre.
Si l’UE veut qu’Israël prenne ses préoccupations au sérieux, elle doit commencer à relier les deux côtés de la table.
Et si l’UE – ou du moins une coalition d’États membres volontaires – ne veut pas que le Conseil d’association soit complètement ignoré, elle doit maintenant faire pression pour un suivi solide. Pour commencer, ils devraient évaluer la réponse d’Israël dans le mois qui suit la réunion. Si Israël n’a pas répondu aux préoccupations de l’UE – ou a aggravé la situation, comme cela est déjà évident – ils devraient faire pression pour que des conséquences soient tirées.
Puisque le dialogue s’est avéré inefficace, ils devraient se recentrer sur la proposition hispano-irlandaise d’invoquer la clause des droits de l’homme en vertu de l’article 2 de l’accord d’association UE-Israël.
Pour rappel, l’article 2 stipule que l’accord est « fondé sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques », ce qui constitue un « élément essentiel ». Une violation grave de l’article 2 permet à l’UE de prendre des « mesures appropriées » en vertu de l’article 79 – un terme diplomatique pour suspendre tout ou partie de l’accord.
Cette possibilité n’est pas théorique. Depuis les années 1990, l’UE a invoqué au moins 25 fois des clauses similaires relatives aux droits de l’homme dans des accords avec des pays tiers, principalement en Afrique, pour imposer de telles mesures.
L’UE reste divisée sur Israël. Mais une majorité simple d’États membres pourrait faire le premier pas : demander à la Commission européenne de proposer une suspension partielle de l’accord d’association. Cette seule mesure inciterait Israël à prendre les positions de l’UE plus au sérieux.
Le volet commercial de l’accord, qui accorde à Israël un accès préférentiel au marché de l’UE, est la principale source d’influence de l’Union. Une proposition de la Commission visant à suspendre le pilier commercial devrait alors être approuvée par une majorité qualifiée d’États membres (contrairement à la suspension de l’ensemble de l’accord, qui nécessiterait l’unanimité).
Les États membres qui cherchent à promouvoir cette approche peuvent se référer à la déclaration du Conseil d’association de l’UE, dans laquelle l’article 2 est explicitement souligné au paragraphe 3 – alors qu’en 2022, il n’est mentionné qu’au paragraphe 32.
Ils peuvent également se référer à la compilation interne de l’UE des évaluations des Nations Unies et des tribunaux internationaux, préparée l’année dernière par l’envoyé de l’UE pour les droits de l’homme, Olof Skoog, qui peut servir de preuve des graves violations de l’article 2 commises par Israël.
Compte tenu des divisions au sein de l’UE et du contexte géopolitique sauvage actuel, il s’agit là d’une tâche ardue. Mais si l’UE veut être pertinente – et empêcher les pires scénarios d’annexion et de nettoyage ethnique – c’est la direction à prendre.
Européenne Middle East Project, traduction AFPS.