Le fait qu’un conservateur de musée belge intervienne dans le débat public français témoigne de la nervosité qui anime le milieu muséal de notre pays. La perspective d’une restitution d’œuvres d’art, notamment congolaises, dans leur pays d’origine relève en effet du cauchemar pour une institution telle que le musée de Tervuren. Premier musée d’objets africains au monde, le MRAC détient autour de 180.000 pièces, dont 120.000 d’origine congolaise, ce qui lui permet de se targuer d’une expertise claire au sujet de la région « des grands lacs”.
Musées africains : quand les conservateurs dérapent
Le Sénat français qui a, à son tour, adopté ce projet de loi, mais en modifiant l’intitulé du projet de loi, remplaçant le terme « restitution » par le mot « retour »
Début octobre, paraissait dans Marianne une tribune au titre assez limpide quant à son message : « Restitution du patrimoine africain : une faute politique »[1]. Son auteur ? Julien Volper, conservateur ethnographique au Musée Royal de l’Afrique Centrale (MRAC), mieux connu sous le nom de Musée de Tervuren. En substance, la tribune est une charge en règle contre le (timide) processus de restitution d’œuvres d’art africaines, entamé par le président français Emmanuel Macron au début de son mandat et dont les résultats, jusqu’alors, se faisaient attendre. En l’occurrence, Paris a décidé de restituer au Bénin 26 œuvres d’art qui avaient été volées en 1892, lors de l’expédition du général français Albert Dodds, dans les ruines du palais du roi béninois Béhanzin, lors de la campagne de colonisation du Dahomey. Pour procéder à ces restitutions, les autorités françaises ont recouru à une loi de circonstance, s’appliquant aux seuls cas d’espèce. L’Assemblée nationale française a ainsi adopté, le 22 octobre 2020, un projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal[2]. Le 4 novembre 2020, c’est le Sénat français qui a, à son tour, adopté ce projet de loi, mais en modifiant l’intitulé du projet de loi, remplaçant le terme « restitution » par le mot « retour ». Le rapport Sarr-Savoy (2018), commandé par l’Élysée et qui ouvrait la porte à un processus de restitution, préconisait la mise en place d’un cadre général permettant de traiter la restitution de l’ensemble des biens culturels issus des États d’Afrique subsaharienne conservés dans les musées français. Cette loi ne prévoit pourtant qu’une dérogation limitée au principe d’inaliénabilité qui protège les collections publiques françaises.
Suite aux demandes de restitution, ont fleuri dans bon nombre de médias européens des tribunes adoptant une attitude défensive en la matière
Particulièrement depuis la publication du rapport Sarr-Savoy, nombre d’États africains ont exprimé leur désir de voir les anciennes puissances coloniales leur restituer une partie de leur patrimoine, souvent acquis dans des contextes de pillage, de brutalité ou, tout simplement, dans un contexte colonial laissant peu de marge de manœuvre aux populations locales pour protéger ou conserver leur patrimoine. De manière assez prévisible, suite aux demandes de restitution, ont fleuri dans bon nombre de médias européens des tribunes adoptant une attitude défensive en la matière, quitte à formuler un discours où se mêlent mesures dilatoires, contre-vérités historiques, évitement des sujets de fonds et mauvaise foi évidente. La tribune de Julien Volper en est un exemple canonique.