Hillary Clinton, Donald Trump, WikiLeaks et le “russiagate” (2016) – Julian Assange

JULIAN ASSANGE, UNE VIE
Épisode 30

2016 est une année d’élection présidentielle aux États-Unis… C’est aussi l’année où WikiLeaks fête ses 10 ans. Souvenez-vous, le 4 octobre 2006, Julian avait fait enregistrer le nom de domaine de WikiLeaks (WANTED 8/34). Pendant ces 10 années, WikiLeaks a révélé pas moins de 10 millions de documents originaux, ce qui représente 10 milliards de mots et en moyenne 3.000 documents par jour. Bon anniversaire, WikiLeaks !

« Tous les documents relatifs aux élections américaines sortiront avant le 8 novembre »
À cette occasion, un livre revient sur ce que nous ont appris ces publications : The WikiLeaks Files : The World According to US Empire, dont Belgium4Assange vous recommande la lecture. Une conférence de presse sera aussi organisée, à Berlin. Julian, vêtu d’un T-shirt Truth (« vérité ») y assiste par vidéoconférence depuis l’ambassade d’Équateur à Londres et… annonce que de nouvelles fuites sont au programme : « Tous les documents relatifs aux élections américaines sortiront avant le 8 novembre ».

Dès le 4 juillet 2016, jour de la fête nationale, mais aussi date du début de la Convention nationale démocrate, WikiLeaks avait déjà publié une première salve de ces courriels, dérobés par des hackers sur les serveurs du DNC (la direction du parti démocrate). Les leaks révélaient la partialité du DNC qui soutenait Hillary Clinton en dénigrant son principal challenger, Bernie Sanders, dont le succès ne cessait de croître. Ces révélations avaient fait tomber les têtes du DNC, mais n’avaient pas fait obstacle à la victoire d’Hillary Clinton sur son concurrent.

Le 7 octobre 2016, la publication de nouveaux documents révèle des extraits de conférences d’Hillary Clinton payées par Goldman Sachs en 2013, ou encore le financement de la Fondation Clinton par l’Arabie saoudite et le Qatar. Or, jamais les États-Unis n’avaient vendu autant d’armes aux Saoudiens que sous le mandat de la Secrétaire d’État … des armes dont une partie finira entre les mains de terroristes, comme ceux de Daesch par exemple.

En réalité, les ennuis d’Hillary Clinton n’ont pas commencé avec WikiLeaks, loin de là. L’ex-secrétaire d’État était alors sous le coup d’enquêtes du Congrès et du FBI pour avoir enfreint toutes les règles de sécurité en utilisant une adresse mail unique à la fois pour sa fonction de ministre, pour sa messagerie privée et pour celle de la Fondation Clinton. Bien qu’elle résiste pendant des mois, les enquêteurs finissent par obtenir qu’elle livre des dizaines de milliers de courriels, mais qui n’ont rien à voir avec ceux dévoilés par WikiLeaks. En juillet 2016, le FBI décide de clore l’enquête sans poursuites.

Mais, coup de théâtre, le directeur du FBI annonce 10 jours avant l’élection présidentielle qu’il rouvre l’enquête avec de prétendus éléments nouveaux… avant de la refermer sans résultat 4 jours avant le scrutin ! Trop tard, le mal est fait, et l’incident nuit bien entendu à l’image d’Hillary Clinton…

WikiLeaks est accusée d’avoir soutenu la candidature de Donald Trump
À Julian Assange aussi, puisqu’un grand nombre d’Américains confondent les deux affaires, pourtant bien distinctes. Après la défaite d’Hillary Clinton, les démocrates et les médias qui leur sont proches vouent une haine corse à Julian et WikiLeaks : WikiLeaks est accusée d’avoir soutenu la candidature de Donald Trump. Les contacts de l’adresse Twitter de Wikileaks avec des membres de la campagne Trump sont avérés. Et Donald Trump lui-même s’est amusé à ponctuer sa campagne électorale de « I love WikiLeaks ». Mais le tableau d’ensemble est loin d’être clair : en réalité, Wikileaks a des contacts avec des acteurs de tous bords…

Et la défaite d’Hillary s’explique avant tout par la légèreté avec laquelle elle a traité son courrier électronique et par le système électoral américain : la démocrate jouissait en réalité d’une avance de plus 3 millions de voix. Mais elle n’en a cure et impute son échec à Julian Assange, en affirmant que WikiLeaks est à la solde de la Russie : des services russes auraient piraté les ordinateurs du Parti démocrate et transmis les documents à WikiLeaks.

Les acteurs russes ont en effet été actifs sur les réseaux sociaux pendant la campagne électorale. L’enquête menée plus tard aux États-Unis montrera que des services proches/ou de l’État russe étaient responsables du piratage. Mais cette enquête elle-même est controversée : des anciens des services secrets avancent des arguments techniques pour écarter la possibilité d’un piratage externe. Par ailleurs, Julian (que les enquêteurs ont refusé d’interroger) nie de son côté catégoriquement avoir obtenu les leaks via un « acteur étatique ». C’est la première et la seule fois qu’il évoquera ses sources, puisque tout le dispositif de WikiLeaks repose sur leur anonymisation et qu’en principe Julian lui-même ne connaît pas leurs auteurs. Enfin, Julian dément aussi que WikiLeaks soit une organisation anti-USA… et Belgium4Assange vous a en effet rappelé l’étendue planétaire des leaks, qui concernent d’ailleurs aussi la Russie (voir en particulier WANTED 8 et 9).

Avant Wikileaks, un autre site inconnu, DCleaks, créé en Roumanie avait commencé à diffuser ces documents. De plus, d’autres médias en avaient obtenu et publié certains, sans les avoir reçus de Wikileaks. Et plus tard encore, des médias américains reconnaîtront que s’ils avaient eux-mêmes reçu ces informations, ils les auraient publiées… Pourtant, le parti démocrate n’a porté plainte que contre Julian Assange et Wikileaks.

Dans l’Ambassade d’Équateur, l’accès internet de Julian est bloqué
Dès le 16 octobre, dans l’Ambassade d’Équateur, l’accès internet de Julian est bloqué. Wikileaks assure que cette mesure a été réclamée par le Secrétaire d’État américain John Kerry. Mais L’Équateur – encore sous la présidence de Correa – affirme avoir agi « souverainement », pour que Julian Assange conserve une attitude neutre pendant les élections américaines.

Les 14 et 15 novembre 2016, Julian est enfin entendu par un procureur suédois au sein de l’ambassade (WANTED 17). Cette démarche suscite l’espoir, mais ce n’est qu’en novembre 2019 que le ministère suédois de la Justice clôturera définitivement le dossier…Et le 31 juillet 2019, le juge fédéral de New York a rejeté les accusations du parti démocrate : WikiLeaks n’a pas participé au piratage des ordinateurs du parti. Et même si les leaks étaient le fruit d’un hacking, c’est en toute légalité et légitimité que, comme organe de presse, l’organisation a publié des informations qu’elle avait reçues…

Hélas ces heureux rebondissements judiciaires ne vont pas modifier le cours des événements pour Julian…

Voilà, c’était le 30ème épisode de WANTED, la série qui vous emmène au cœur du réacteur de notre monde pour vous en révéler les petits secrets. Demain, nous accompagnerons Julian dans sa descente aux enfers…

Belgium4Assange

Texte écrit par Delphine Noels,
Avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir

Le 4 janvier 2021 sera une date historique : à Londres, la justice britannique rendra son verdict dans le procès d’extradition de Julian Assange. Quels sont les enjeux de ce procès ? En quoi nous concernent-t-ils directement ? Difficile d’avoir les idées claires à ce sujet tant la mésinformation et la désinformation ont été grandes.

A partir du 1er décembre et jusqu’au 4 janvier, Belgium4Assange diffusera quotidiennement un épisode de WANTED, série Facebook qui raconte la vie de Julian Assange en 34 épisodes.

Sources / Pour en savoir plus

Discours de Julian pour les 10 ans de WikiLeaks : https://www.lefigaro.fr/international/2016/10/04/01003-20161004ARTFIG00139-wikileaks-dix-ans-de-vie-et-autant-de-critiques.php.

 

Assange et Wikileaks s’expliquent sur la publication des documents du parti démocrate :

https://defend.wikileaks.org/2019/07/25/russiagate-smears-against-wikileaks/.

https://www.repubblica.it/esteri/2016/12/23/news/assange_wikileaks-154754000/.

https://plus.lesoir.be/148387/article/2018-03-29/julian-assange-je-veux-temoigner-sur-cambridge-analytica-mais-des-pressions.

https://www.lapresse.ca/international/dossiers/maison-blanche-2016/201611/08/01-5039060-revelations-sur-clinton-wikileaks-nie-avoir-ete-manipule-par-la-russie.php.

 

Documents publiés par WikiLeaks sur la Russie et Poutine :

https://search.wikileaks.org/.

https://www.nbcnews.com/news/us-news/wikileaks-julian-assange-no-proof-hacked-dnc-emails-came-russia-n616541.

https://www.nbcnews.com/meet-the-press/video/full-mtp-interview-julian-assange-on-dnc-emails-and-2016-735529027883.

 

Affaire suédoise : https://www.voaafrique.com/a/assange-donne-pour-la-premiere-fois-sa-version-des-faits-a-la-justice/3595240.html

 

Article du New York Times sur les soi-disant attaches russes de Wikileaks: http://archive.is/my52v.

Réponse Wikileaks :

http://www.twitlonger.com/show/n_1sp2gjj

https://www.letemps.ch/monde/wikileaks-sacharne-contre-hillary-clinton.

https://blogs.letemps.ch/etats-unis/2016/10/08/wikileaks-les-revelations-qui-font-mal-a-hillary-clinton/.