L’Ahlu Sunna wal Jamaa (ASJ)
Une secte islamiste à l’existence relativement pacifique
«
Les Gens de la Tradition [du Prophète]
et du consensus ». Le groupe est également appelé
Ansar-al-Sunna (« Partisans de la Tradition »). Une étude d’Eric Morier-Genoud
[1] précise que l’
ASJ est née en 2007 dans le district de Balama, peut-être sous l’égide d’un prêcheur d’ethnie Makua
[2], Sualehe Rafayel. Pour le
Terrorism Monitor, ses premiers membres étaient des disciples d’Aboud Rogo Mohammed, un religieux radical kényan, abattu, probablement par la police kényane, en 2012
[3]. Les premiers adeptes se fixèrent d’abord à Kibiti, dans le sud de la Tanzanie, avant d’entrer au Cabo Delgado. En tant que secte islamiste d’abord
quiétiste, l’
ASJ a mené une existence relativement pacifique jusqu’à la moitié des années 2010, aspirant à se retrancher dans une « contre-société ». Quoi qu’ayant mené des actions plus violentes dès 2015, elle ne serait passée à la lutte armée qu’en 2017, avec l’attaque contre Mocimboa da Praïa, d’où la plupart des assaillants de Palma seraient d’ailleurs natifs. Son armement, constitué au début d’armes traditionnelles, proviendrait aujourd’hui en partie de chez l’ennemi, auquel il aurait pris des mortiers et jusqu’à des transports de troupe blindés
[4]. Le
Diario de Noticias[5] fait même état de l’utilisation par les
Chabab de bateaux à moteur pour couler un patrouilleur de la flotte mozambicaine…
Des attaques de plus en plus meurtrières
Dès 2018, les insurgés, comptant aussi dans leurs rangs des Tanzaniens, des Somaliens et des Congolais
[6], s’enhardirent à mener leurs attaques de jour.
The Citizen[7] fait état d’attaques de plus en plus meurtrières. En 2019, ils s’en prirent à de petites villes, à des postes militaires et des convois routiers. La même année, le groupe fit allégeance à
l’État islamique (EI) en 2019 et déclara faire du Cabo Delgado la
wilaya (province) de l’État
islamique d’Afrique centrale (ISCAP).
Paul Delmotte,
Professeur retraité de l’IHECS
[1] Spécialiste du religieux en Afrique lusophone à la Queens University de Belfast. L’étude est parue dans le Journal of Eastern Africa Studies (pp. 396-412, mise en ligne le 6.7.20.) et est citée par Jean-Christophe Servant, in Au Cabo Delgado, brouillard de guerre, tambours d’internationalisation, in Médiapart, 20.8.20
[2] Ethnie majoritaire au nord du Mozambique et que l’on retouve en Tanzanie, au Malawi, au nord de Madagascar et aux Comores. Les locuteurs de la langue makua et de ses sous-groupes (chuabu et momwe) totalisent quelque 5 millions de personnes, c. à d. 20% de la population mozambicain[3] Sunguta West, Terrorism Monitor (Volume 16, publication 12), 14.6.18
[4] Le Monde, 30.3. & 1.4.21
[5] Courrier international, 30.4.21.
[6] Le Monde, 1.4.21.
[7] 7.6.20
[8] African Centre for Strategic Studies, 25 mars 2020
[9] Initiative globale contre la criminalité transnationale (Global Initiative Against Transnational Organized Crime – GI-TOC, 23.4.20
[10] Tigrane Yégavian, art. cit.
[11] Les chrétiens ont installé de plus en plus de croix aux entrées des quartiers où ils sont majoritaires, comme à Mocimbao da Praïa, où les Makondé chrétiens ne constituent pourtant que 30 % de la population. Ce qui offenserait les Mwani
[12] Dans le district voisin d’Ancuabe
[13] Qui commémore l’accord conclu entre Frelimo et Renamo en 1992
Palma, Nangade, Mocímboa da Praia et Montepuez. L’ASJ était aussi présente dans les districts de Macomia et de Quissanga
[14] Nampula (477.500 habitants et 3e ville du pays, dans la province du même nom, à 130 km du caal du Mozampique et à 1385 km au nord de Maputo. Elle est surnommée « capitale du Nord »
[15] Stefano Liberti, Mozambique : les paysans font reculer l’agro-industrie, in Le Monde diplomatique, juillet 2018
[16] Ex-rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies, cité par S. Liberti
[17] En novembre 2011, au 4e Forum sur l’aide au développement, en Corée du Sud, Hillary Clinton, alors Secrétaire d’État, saluat l’effort de « ces économies émergentes qui œuvrent ensemble à trouver des solutions aux défis communs ». Bill Gates évoqua « un exemple de partenariat innovant » …
[18] C’est lui qui formula le parallèle entre le Mato Grosso et le nord du Mozambique…
[19] Parallèlement, Maputo et Tokyo ont créé un Fonds pour l’initiative de développement ProSavana
[20] Dans la province de Nampula
[21] Direito de uso e aproveitamento da terra (DUAT), « droit d’usage et d’exploitation de la terre ». Vestige du Mozambique « socialiste », la terre y appartient à l’État et ne peut pas être vendue. Le gouvernement accorde aux communautés ou aux individus un DUAT pour cultiver leurs petites parcelles agricoles. Cette prérogative est garantie par la Constitution de 1990. Mais, dans les zones rurales, tout le monde ne possède pas de DUAT et l’importance de ce document est parfois sous-estimée par les paysans…
[22] Féminisme au Mozambique : pour la terre, la liberté, la sororité et une vie sans violencehttps://capiremov.org/fr/analyse/feminisme-au-mozambiqu, 19.4.21
[23] N. Deus rappelle que 17 langues se côtoient au Mozambique et « qu’aucune ne communique avec l’autre »
[24] Bras de mer de l’océan Indien séparant Madagascar de l’Afrique, en l’occurrence du Mozambique. Il mesure environ 1 600 km de long sur 419 km de large en son point le plus étroit
[25] Lire Le Mozambique inaugure son méga-projet de corridor logistique de Nacala, in Jeune Afrique, 15.5.17