A POUR, nous avons déjà publié à diverses occasions des articles relayant les activités de l’Ong SOS Faim. Récemment, SOS Faim a participé à la diffusion d’une carte blanche réalisée par plusieurs ONG de développement au Sud, texte qui s’inquiète des conséquences terribles de l’actuelle pandémie sur les populations les plus fragiles qui, déjà auparavant, voyaient leur situation se dégrader. Nous relayons avec plaisir le constat alarmant que dressent les associations belges qui œuvrent à promouvoir l’agroécologie paysanne afin que l’ensemble de l’humanité soit enfin délivrée du fléau des famines.
Selon un rapport de la FAO, la faim continue d’augmenter dans le monde et ce, sans compter sur les conséquences désastreuses de la pandémie, qui vont faire sensiblement grossir le rang des affamés en 2020. Face à ce tableau peu reluisant, il est nécessaire de transformer en profondeur nos systèmes alimentaires, de soutenir les chaînes de valeur locales ainsi que la transition agroécologique et de garantir le droit à l’alimentation pour toutes et tous.
En 2015, furent adoptés en grande pompe les « Objectifs de Développement Durable », dans lesquels un objectif international clair concerne la lutte contre la sous-alimentation : d’ici à 2030, mettre un terme à la faim dans le monde et aux autres formes de malnutrition (carences, obésité). Ce lundi est sorti le rapport annuel sur l’état de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, publié par la FAO et 4 autres organisations internationales. Son constat est clair, nous ne sommes pas dans la trajectoire pour éradiquer la faim d’ici à 2030. Que du contraire… car la faim, au lieu de diminuer, continue d’augmenter ! Sur les 5 dernières années, ce sont 60 millions de personnes de plus qui ont sombré dans la faim. 2 milliards de personnes n’ont quant à elle pas accès à une alimentation suffisante, nutritive et sûre tout au long de l’année (c’est ce qu’on appelle l’insécurité alimentaire) et pas moins de 3 milliards de personnes ne peuvent pas se permettre des régimes alimentaires sains. En effet, un régime alimentaire sain et diversifié coûte en moyenne 5 fois plus qu’un régime qui vise surtout à délivrer le nombre de calories nécessaires… ce type de régime sain est, selon ce nouveau rapport, tout simplement trop cher pour 57% de la population d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud.
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La pandémie de Covid-19 accentue une situation déjà extrêmement alarmante. Le Programme Alimentaire Mondial estime qu’il pourrait y avoir 132 millions de personnes supplémentaires qui souffrent de faim aiguë en conséquence de la pandémie, et craint qu’il y ait, d’ici à la fin de l’année, jusqu’à 12.000 personnes qui meurent de faim chaque jour… La faim engendrée par la pandémie sera-t-elle plus mortifère que le virus lui-même ? Les victimes se trouvent en tous cas parmi les millions de personnes qui ont perdu leur travail dans cette crise ou parmi les paysannes et paysans qui ont perdu leur récolte, qui n’ont pas pu semer ou cultiver leurs champs à cause des mesures de restriction. Les inégalités préexistantes entre pays et groupes de populations sont exacerbées par la crise du Covid-19. Ce sont les femmes, les jeunes, les peuples indigènes, les travailleurs informels, les migrants et les paysans sur petite surface qui portent le plus lourd fardeau.
Pourtant, l’alimentation est un droit humain et les États sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour réaliser le droit à l’alimentation. Notre responsabilité individuelle est importante pour faire des choix alimentaires durables et sains, mais elle n’est pas suffisante. Les gouvernements doivent prendre leur responsabilité et donner plus de poids politique au droit à l’alimentation. Les responsables politiques doivent également développer une vision globale des systèmes alimentaires, qui tient compte du droit à l’alimentation et des autres droits (santé, travail décent) ainsi que des capacités et limites des écosystèmes de notre planète. La gestion des systèmes alimentaires ne peut être laissée aux seules forces du marché : les derniers chiffres de la faim et de la malnutrition nous démontrent à nouveau que, malgré un monde d’abondance, beaucoup trop de personnes sont laissées sur le côté.
Reporter l’action à plus tard, ou simplement investir davantage dans le système existant n’est pas une option, car les coûts sociaux, économiques et environnementaux associés aux systèmes alimentaires actuels vont devenir rapidement hors de contrôle. Comme pour la crise climatique, des mesures doivent être prises sur de nombreux fronts. Il faut éviter les solutions simplistes : stimuler l’entrepreneuriat agricole de quelques filières destinées à l’exportation dans des pays qui dépendent de plus en plus des importations pour se nourrir ne résoudra pas l’insécurité alimentaire, un focus unique sur le rendement non plus. La Belgique met en avant les droits humains comme un pilier de sa coopération au développement, il est grand temps de passer des paroles aux actes. Il est également temps de se concentrer sur le renforcement des chaînes alimentaires et marchés locaux, qui fournissent un revenu à la plupart des producteurs et productrices, et qui nourrissent la majorité de la population mondiale. Il est enfin plus que temps de soutenir la transition agroécologique, qui permet aux agricultrices et agriculteurs de produire une alimentation saine, diversifiée et adaptée aux conditions locales, tout en respectant la nature. Voici donc certains éléments de base nécessaires à la construction de systèmes alimentaires équitables et durables, systèmes dans lesquels les paysans et paysannes peuvent nourrir la population sans avoir eux-mêmes à souffrir de la faim. Ce paradoxe de la faim, nous ne pouvons plus le tolérer.
Une opinion rédigée par Thierry Kesteloot (Oxfam-Solidarité), Suzy Serneels (Broederlijk Delen) et François Grenade (Iles de Paix) au nom de la Coalition Contre la Faim.
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