Ce dimanche 11 juin 2017, près de 80% des participants à la consultation populaire ont dit «Non!» à l’extension du centre commercial. C’est un énorme pourcentage. Si l’on conjugue ces résultats avec un taux de participation de plus d’un quart de la population en âge de voter, c’est un véritable souffle démocratique qui vient de se répandre sur Ottignies-Louvain-la-Neuve. Il clôture des mois de débats autour de cette question de société.
Sur la forme, d’abord, les débats ont enflammé tous les «camps» en présence. Dans un contexte officieux de pré-campagne électorale pour 2018, où chacun affirme être le premier et meilleur défenseur des intérêts de la population, les attaques entre les groupes ont fusé de justifications politiques et considérations juridiques. Y a-t-il des intérêts financiers ou des enjeux pré-électoraux qui biaisent les procédures et les questions? Entre combats politicards et accès peu évident à l’information juridique, le citoyen a tenté d’y voir clair. Heureusement, les positions en présence ont été argumentées, des débats formels et informels ont eu lieu, les médias ont relayé en masse. La démocratie, en somme, s’est mise en mouvement.
Sur le fond ensuite, les argumentaires pragmatiques et idéologiques ont provoqué bien des réflexions. D’un point de vue pragmatique, en effet, qui peut être contre une construction qui va contribuer à compléter la dalle piétonne de Louvain-la-Neuve, chère à financer, mais qui augmenterait le confort de pas mal d’usagers? Qui ne voudrait pas que Louvain-la-Neuve devienne un pôle commercial en Brabant Wallon, transférant ainsi des emplois d’un lieu à l’autre et captant davantage le pouvoir d’achat? D’un autre côté, qui voudrait augmenter l’affluence automobile et l’émission de particules fines? Qui voudrait que la gare soit potentiellement couverte par des galeries commerçantes, aux publicités agressives? Quid de la création ou de la perte d’emploi, du développement ou du déséquilibre commercial de la ville?
Des pour, des contre, et des interrogations si on ne regarde que les aspects pratiques du projet.
Du côté idéologique, ce sont les modèles économiques et les choix de société qui sont questionnés. Les limites et dangers environnementaux planétaires sont incontestables, tout comme les conditions de vie de misère des travailleurs du Sud qui produisent pour notre économie. Peut-on encore, dans ces conditions, cautionner le développement de centres commerciaux dont les loyers seront tellement chers que seules pourront s’y installer des multinationales, généralement peu scrupuleuses du respect de l’environnement et des droits humains? Et si les loyers seront exorbitants, c’est que l’objectif explicite du propriétaire de l’Esplanade est d’augmenter les dividendes de ses actionnaires, ce qui ne sera possible qu’en rentabilisant ses futurs espaces commerciaux. Là encore, est-ce cette inégalité de l’accumulation des richesses d’une minorité que l’on veut promouvoir en acceptant de donner notre argent à des promoteurs immobiliers ne cherchant que l’accroissement de profits?
Un choix de société
À Louvain-la-Neuve, c’est un autre modèle de société qu’une majorité prône. Elle dit oui aux petits commerces locaux et aux emplois de qualité, oui au respect des travailleurs du Sud. Elle dit stop aux émissions de gaz carboniques provoquées par les transports de marchandises, à la surconsommation et à l’exploitation inconsidérée des ressources naturelles. Elle veut la construction d’un fonctionnement alternatif, ici et maintenant.
Sont-ils à ce point idéalistes et irréalistes, ces opposants? L’irréalisme n’est-il pas de croire que l’on va pouvoir continuer indéfiniment à fonctionner selon des modèles économiques de plus en plus obsolètes, dans un monde où les ressources sont déjà presque épuisées?
C’est sur de véritables questionnements économiques et choix de société que les citoyens d’Ottignies-Louvain-la-Neuve étaient invités à s’exprimer en ce dimanche ensoleillé. Ils ont majoritairement et fermement cru en l’espoir d’une société démocratique et émancipée. Osons croire qu’elle a de beaux jours devant elle.
Myriam Ghilain