Les zadistes de Haren

Arnaud, Bérénice, Cédric, Denise (prénoms fictifs) sont actifs dans la CLAC

POUR : Comment avez-vous entendu parler de la mobilisation contre la méga-prison de Haren ?

Arnaud : Via le réseau de lutte paysanne, parce que c’est sur 19 hectares que s’étendra la maxi prison. Il ya quand même une bonne partie, plus de la moitié, qui était cultivable et cultivée. C’est comme ça que j’ai participé à la première plantation de patates en 2014.

Bérénice : Moi, c’était quand j’étais ado, j’étais à l’école et on entendait déjà parler de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et j’ai découvert qu’il y avait une ZAD en train de se créer. Pour moi c’était un rêve d’ado que de pouvoir créer d’autres mondes. J’idéalisais à fond. Du coup je suis allée sur les lieux.

POUR : Que représente ce projet de maxi-prison ? Que vous évoque-il ?

Arnaud : Déjà c’est méga, donc c’est une certaine échelle pour traiter les humains. C’est une façon de construire propre, de ne plus faire à échelle humaine. De faire des supers structures. Et puis il y a prison. C’est un lieu où on enferme les gens, où on les déshumanise. C’est-à-dire qu’on paie pour détruire des êtres humains. En plus, c’est un méga-business. Ça concentre vraiment plein de chose.

Cédric : C’est de la provocation.

POUR : C’est créer une zone à défendre qui vous motive ? Créer une nouvelle société ?

Cédric : Nous commençons par vivre nous-mêmes les changements que nous voulons.

Bérénice : Lutter contre la prison c’est aussi lutter contre l’exclusion. Et la ZAD c’est aussi un lieu pour ça. Parfois on a des problèmes, des conflits et du coup on doit les gérer nous-mêmes. On ne veut pas faire appel à la police. On doit faire face. Essayer de voir où sont nos limites et par quoi elles sont posées. Comment organiser différemment et être confrontés à des choses qu’on ne vit pas normalement. En vivant à Haren, j’ai été confrontée à des choses que je ne vois pas d’habitude parce que je suis blanche, parce que je suis privilégiée. Ca permet de ne pas vivre dans un monde de Bisounours : « Tout le monde il est gentil, pas de prison ». Nous ne sommes pas naïfs, même si nous ne voulons pas de prison.

POUR : Beaucoup de personnes s’imaginent que, quand on créer une ZAD, on se créer une bulle. Que le monde extérieur n’existe pas, alors qu’en vérité, les mêmes problèmes existent ? Mais on cherche des moyens différents, est-ce exact ?

Cédric : Oui. Avec ce projet spécifique qu’on défend, il me semble important de l’incarner. Ça permet de décreuser la distance qu’on met tout le temps entre les projets qui vont se faire et qui sont décidés par les puissants et qui paraissent un peu loin de nous. Et nous en tant qu’humain nous prenons le pouvoir, nous incarnons la lutte. Nous la rendons visible. Je n’aurais jamais entendu parler du projet maxi-prison si je n’avais pas entendu parler les gens qui vivent là. Les réseaux ont beaucoup aidés aussi.

Arnaud : Ça permet aussi d’expérimenter la théorie. Mettre en pratique ce qu’on voudrait. Comment rendre justice, sans exclure. Pas de manière naïve, en se confrontant vraiment. Et puis c’est devenu un lieu d’accueil pour les sans-papiers et d’autres.

POUR : Vous avez tous vécu sur la ZAD ou vous veniez ponctuellement ?