Les révoltes en Haïti, année après année – Deuxième partie : 1793-1804

 1793 

Dès janvier, Lavaux lança une offensive contre les combattants de Jean-François et Biassou, qu’il battit à la Morne Pelé et au fort de La Tannerie[1]. Les insurgés se replièrent alors dans la partie espagnole de l’île. Parallèlement, le 25 janvier, Port-au-Prince fut investie par des milices d’esclaves armés par les colons et des troupes royalistes. Les « grands blancs » adressèrent un message à Londres, se disant disposés à accepter une souveraineté britannique à condition que les Anglais maintiennent leurs prérogatives. Des troupes loyales aux commissaires assiégèrent Port-au-Prince qu’elles reprirent le 14 avril 1793. Sonthonax envoya plusieurs opposants en exil.

Une nouvelle révolte de colons eut alors lieu à Jérémie, au sud, où les « libres de couleur » furent massacrés. En riposte, les commissaires levèrent une armée commandée par Rigaud, elle aussi composée en partie d’esclaves. Elle s’empara de Jacmel, mais échoua devant Jérémie.

Dès le 1er février 1793, suite à l’exécution de Louis XVI, l’Angleterre et l’Espagne déclarèrent la guerre à la France et leurs troupes s’emparèrent rapidement de la plus grande partie de l’île. Parallèlement, dès le mois de mars, la fièvre jaune décima les troupes de Lavaux. Un général notera que la moitié de celles-ci « ont été moissonnées ».

POUR lance un “Dossier décolonisation” au sein duquel nous analyserons, durant plusieurs mois, le fonctionnement de nos sociétés occidentales sous le prisme décolonial. Chaque mercredi, nous vous proposerons un nouvel article ou vidéo qui participera à approfondir ce sujet plus que jamais d’actualité.

[1] Où Toussaint parvint à assurer la retraite de ses chefs.
[2] Selon la loi, un créole ne peut assurer de fonctions publiques.
[3] Notamment parce qu’il leur était interdit de rester à terre de nuit.
[4] Né Kongo, Macaya était le second du chef militaire dit Pierrot.
[5] Selon Victor Schœlcher, Vie de Toussaint Louverture, Karthala, 1889..
[6] Madison Smatt-Bell, Toussaint Louverture.
[7] Art. cit.
[8] Jean-Baptiste Mills (1749-1806), mulâtre libre élu en septembre 1793 député de Saint-Domingue à la Convention.
[9] Le régime que connut la France révolutionnaire du 21 septembre 1792 à 1795.
[10] Qui ne s’appliquera en fait qu’à la Guadeloupe et en Guyane.
[11] Il sera emprisonné et relégué dans sa région natale après le 18-Brumaire.
[12] Gabriel Marie Théodore Joseph Hédouville (1755-1825).
[13] Louverture accordera l’amnistie à tous les citoyens français qui n’avaient pas pris les armes aux côtés des Britanniques, aux noirs qui avaient été enrôlés dans leurs troupes ainsi qu’aux « émigrés » qui les avaient abandonnés avant l’ouverture des négociations
[14] Ce coup d’Etat militaire mené par le général Napoléon Bonaparte, appuyé par le Directeur Joseph-Emmanuel Sieyès, marqua la fin du régime du Directoire et le début de celui du Consulat (1799-1804)
[15] Le premier (1796) convenait d’un engagement de défense et d’attaque mutuelles entre la France et l’Espagne, inquiète des menaces anglaises contre ses liens avec les Amériques, contre l’Angleterre.
[16] La Guerre de Sept ans fut, selon Jean-Pierre Bois (Les guerres en Europe. 1494-1792, Belin, coll. Histoire sup’, 1993), la première « guerre mondiale » dans le sens où les armées européennes se combattirent à la fois sur le continent, mais aussi aux Amériques et aux Indes. Elle opposa d’un côté la France, alliée à l’Autriche, à l’Espagne, la Suède et la Russie à, de l’autre, la Prusse alliée à l’Angleterre.
[17] En échange d’une promesse française d’obtenir un Royaume d’Étrurie en Italie et de l’engagement de Madrid à mettre sa flotte (Armada real) à la disposition de la France contre l’Angleterre et à entrer en guerre contre le Portugal : ce fut la Guerre des Oranges.
[18] Il fallait à l’époque quelque 6 semaines pour qu’un navire relie la France aux Antilles.
[19] Notons que François Duvalier aura la même idée. Sous sa dictature et celle de son fils (1964-1986), le drapeau deviendra rouge et noir.
[20]« A l’exception des prêtres, médecins, chirurgiens, pharmaciens et autres Français professant des arts ou métiers susceptibles d’être utiles à la population, ainsi que les Polonais et les Allemands », selon le décret du 22 février 1804 (Pierre Pluchon et Lucien-René Abénon, Histoire des Antilles et de la Guyane, Privat, 1982 – Wikipédia). Ce faisant, les successeurs de Toussaint Louverture rompaient avec l’attitude de ce dernier qui voulait faire revenir les colons pour raisons économiques (Jérôme Gautheret, Haïti, la malédiction, in Le Monde, 15.01.10.


By Paul Delmotte

Professeur de Politique internationale, d'Histoire contemporaine et titulaire d'un cours sur le Monde arabe à l'IHECS, animé un séminaire sur le conflit israélo-palestinien à l'ULB. Retraité en 2014.