Séverine aime les plantes sauvages et entend bien les faire connaître. A la fois belge, française et péruvienne, la trentaine, mère de trois petits enfants, elle avance, encouragée par son compagnon, dans un projet original: la culture des plantes indigènes.
Au départ, elle avait le projet d’ouvrir une épicerie locale ou un GAC (groupe d’achat groupé) dans la maison qu’elle et David, son compagnon, avaient acquis à Solières. Une belle vieille maison où il y a toujours pas mal de travail de rénovation. Mais l’essentiel est sa situation au milieu des champs, avec des vaches en face de la fenêtre et des bois à cent mètres; la vie avec la nature, quoi! « Avant d’acheter la maison, dit Séverine, on a fait un tour dans le bois, et cela nous a décidés. Géologiquement, c’est très intéressant, Il y a même des roches très anciennes de l’ère primaire, et une grande richesse florale entre Solière et la Meuse. Mon plus grand plaisir est de récolter des graines en milieu naturel. Je serais bien devenue garde forestier mais ma famille m’a incitée à opter pour les études d’ingénieur en Eaux et Forêts. J’ai poursuivi comme assistante à Gembloux, puis j’ai pratiqué comme professeur à l’ISI, ensuite comme formatrice en parcs et jardins. Et puis… le chômage! Pas facile de retrouver du travail en étant enceinte avec enfants de six et trois ans, le petit dernier étant né il y a six mois ».
David poursuit: « Je l’ai vue chercher du travail à tout va, postuler, recevoir des réponses du genre “vous êtes super mais on a quelqu’un d’autre”. Les réponses étaient encourageantes et déprimantes à la fois. Heureusement que mon boulot dans un bureau d’urbanisme et environnement assurait la subsistance de la famille. Puis j’ai trouvé que le tour de Séverine était venu de se lancer dans un boulot et une structure qu’elle aurait décidés. Et j’ai pris un 4/5ème temps de congé parental. Pour tous les deux, l’important est le bien-être familial et professionnel.»
La marche en avant
« Ce que j’aime, dit Séverine, c’est ne pas être cloîtrée dans un bureau, mettre les mains dans la terre et observer. J’avais aussi envie de valoriser notre environnement et créer une dynamique locale ».
Séverine rencontre alors Isabelle Mélon de Creajob à Hotton et décide de s’orienter en premier lieu dans son projet de pépinière, ayant constaté que les plantes indigènes et vivaces répondent à des besoins actuels. L’ère du temps est aux économies de moyens, à la réduction des pesticides et les communes passent enfin à l’idée du zéro phyto. (NDLR : mot contradictoire en soi!)
La rencontre de Fanny Lebrun, semencière bio ayant lancé un projet, lui fait découvrir le Gal Pays des Condruses, et l’espace test à Strée où une structure héberge des personnes porteuses de projet, essentiellement de maraîchage biologique et autres innovations. Après un an de préparation de son « produit », Séverine vient d’être engagée, depuis ce premier avril, dans la couveuse d’entreprises de Creajob qui lui permet de garder son indemnité chômage tout en lançant sa production et les bases de son projet ApiFlora.
Pour le regard ou pour la saveur culinaire?
Les premières plantes cultivées que Séverine a envie de faire découvrir le sont pour leur aspect ornemental comme la centaurée si belle, facile mais non comestible, ou l’aspérule odorante et la brunelle, utilisées comme couvre-sol, en remplacement par exemple d’une pelouse envahie par de la mousse. Et pour la cuisine et les bonnes recettes : la verveine, la mauve, la pimprenelle, la menthe… et plein d’autres encore plus connues, l’origan, l’ail des ours. En gros, notre jeune pépiniériste propose une quarantaine de plantes en production pour la vente.
Retour au jardin de curé
« Dans mon premier flyer, j’avais envie de mettre en avant l’esprit « jardin de curé » où poussent des plantes à la fois belles et utiles. Le curé n’était-il pas le personnage instruit du village, parfois scientifique, et même un peu médecin! Je ne souhaite pas exclure des aromates très anciens comme la livèche, qui ne sont pas typiquement des indigènes mais qui ne posent pas de problème invasif étant utilisées depuis très longtemps. J’ai notamment inclus le pastel de teinturier qui permet de préparer un pigment bleu à partir de la graine bien que la fleur soit jaune! J’ai une optique de jardinage durable et économique, car les plantes vivaces vivent plusieurs années, entre trois et quatre-vingt ans. Si elles sont plantées au bon endroit, elles se maintiennent mieux, on peut les offrir à son voisin, les ressemer. Le fait d’opter en plus pour des indigènes, c’est écologique, on favorise notre patrimoine et ces plantes sont accueillantes pour les pollinisateurs. Elles sont de véritables relais écologiques. »
ApiFlora en piste
L’autre facette de son travail est de donner des formations aux jeunes agriculteurs et du coaching en jardinage écologique, de développer et revenir à l’aménagement de jardin. Pour le moment, il faut créer le marché. Mettre beaucoup à pousser. « Mon état d’esprit est de donner une bonne assise à ce que je fais. J’ai opté pour favoriser uniquement une bonne génétique naturelle. Revaloriser ce qu’on a ici. Ne pas uniformiser les plantes. Chaque lieu a sa génétique propre, sa sensibilité et ne pousse que dans les milieux qui lui sont propres. Les plantes sont vivantes et en lien avec les autres organismes et bactéries. Il ne faut pas trop les transplanter, et les stresser le moins possible sinon ce sont celles-ci qui sont mangées par les limaces ou ne poussent pas bien. On parle de plus en plus de mycorhizes, des champignons microscopiques, qui permettent aux plantes, via les racines, de se connecter et se protéger l’une l’autre. »
C’est pas joli ça? On peut bien en prendre de la graine, oui?