Après l’acharnement quantitativiste,
l’obsession de la prédiction des « comportements »
J’ai déjà assez largement commencé, dans mes précédentes chroniques, à déconstruire l’usage de toute une panoplie de procédés, de concepts, de modes de calculs et de mesures, absolument faussement scientifiques, dont se servent abondamment les dites pseudos sciences économiques et managériales. Je dois cependant signaler à l’aimable lecteur que le tour de ces illégitimes et faux emprunts aux sciences dites exactes ou dures, est bien loin d’être terminé. Il y en a hélas encore autant sinon plus à déconstruire que ce qui a été fait jusque-là. Dans le cadre de la présente chronique j’aimerais, dans un premier temps, inviter à une réflexion autour de l’omniprésence en économie-gestion de ce que je dénomme « l’erreur épistémologique du troisième type »[2]. Et, dans un second temps, convier à nous pencher sur l’acharnement à vouloir non seulement tout quantifier, mais aussi à pratiquement tout prédire, lorsque nous avons affaire en fait à des phénomènes, par nature, quasi ineffables et inatteignables « en ce qu’ils sont », et encore moins prédictibles.
L’omniprésence de l’erreur de troisième type en économie-gestion
Je rappelle que je donne comme définition à cette « erreur épistémologique » de troisième type, le fait d’appliquer les bonnes méthodes mais aux mauvais problèmes, ou à des problèmes incorrectement formulés, « ontologiquement » inadéquatement définis ou connus. Il est en effet, épistémologiquement parlant, parfaitement légitime et justifié d’appliquer aux faits sociaux et humains des méthodes et des techniques[3] telles que l’observation, l’expérimentation, les simulations, les entretiens directifs, non directifs, semi-directifs, toute une panoplie de questionnaires, d’échelles d’opinions ou d’attitudes… Mais, car il y a un « mais » : dans l’immense majorité des cas il est fait comme si l’adéquation entre instruments d’observation et nature (ontologie) de l’objet de l’observation allait de soi. Bien évidemment il n’en est rien ! Sauf, condition cardinale – comme j’ai déjà eu à le souligner- si le but de la recherche entreprise est strictement de procéder à une description circonstanciée. Par exemple noter ce qui se passe lors d’interactions sociales précises et cernées, appréhender des « profils » de gens qui s’adonnent ou non à tels types d’activités, tels types d’achats, qui sont satisfaits ou non de tels types de situations, tels types de gestion. Cela est fort éloigné –hélas confusion bien courante- de toute prétention à « comprendre » ce qui se passe ou ce qu’on observe (pourquoi tels types de « profils » préfèrent tels produits ou non, pourquoi ils aiment ou non tels types d’activités, tel types de gestion…). C’est toute la différence qu’il y a par exemple entre « statistiques descriptives » et statistiques à « inférences probabilistes ». Tant que l’on se cantonne au champ d’application de la statistique descriptive, il n’y a pratiquement aucune faute épistémologique. Cependant dès que l’on entre dans la prétention de vouloir « inférer », déduire, induire… une « signification », un sens, une réponse à la question « pourquoi » en ce qui a trait à des faits humains, alors on est dans l’erreur souvent totale. La raison en est la faiblesse – sinon le manque complet- d’effort de définition rigoureuse de la nature, de « l’ontologie » de cet « objet humain » dont on prétend pouvoir « comprendre » les raisons de ce qu’il fait, pense, craint, ne fait pas, désire ou ne désire pas, aime ou non… Cette erreur du troisième type consiste donc ici à appliquer des techniques de recherche ou de recueil de données adéquates quant à leur objet d’investigation, mais totalement inadéquates quant à leur capacité à saisir cet « objet » dans l’entièreté de ce qu’il « est » ; ou plus précisément dans son intrinsèque diversité de « facettes » qu’il peut donner à observer. Pour être encore plus précis, disons que l’erreur réside dans le fait de ne pas prendre de précautions spécifiques quant aux définitions du (des) « type de facette » que l’on vise à appréhender dans l’objet observé.
De la nature ontologiquement quasi « ineffable » de l’humain et du fait humain
Disons ici d’emblée qu’il est bien évident qu’il ne saurait être question de prétendre cerner ce que signifie être un humain, ce que signifie un fait humain, ce que veut dire et ce qu’implique l’observation de l’humain par… l’humain. Vaste chantier à l’horizon toujours fuyant ! Chantier sur lequel nous reviendrons en de prochaines chroniques. Nous nous contenterons donc pour le présent propos de nous intéresser aux aspects les plus « immédiatement problématiques » dans le fait de vouloir dire quoi que ce soit de prétendument « vrai », « exact », « scientifique » sur ce que fait – ou ne fait pas- un être humain. En tout premier lieu il convient de bien comprendre que dans tout ce qui touche à l’humain, rien, absolument rien, ne saurait être réduit à ce que la simple observation en donne. Encore une fois si l’objectif en est un qui se limite à simplement effectuer une « description » de ce qui est « observable / mesurable », la question du caractère polymorphe, polysémique, quasi ineffable du fait humain n’est pas un problème. Cela en devient un dès que l’on cherche à « mettre du sens » dans ce que l’on observe. Dès que l’on cherche à répondre à la question « pourquoi », et non plus simplement aux questions de type : « qui », « combien », « comment »… Car la question de savoir pourquoi un être humain fait ou ne fait pas telle chose, aime ou n’aime pas… est une question qui renvoie au « sens » que l’on peut accoler à ce qui est observé. Or, et c’est là un écueil ontologique – épistémologique fondamental-, quasi insurmontable : le sens de tout fait humain observable est toujours « caché » derrière le « signe » observé ! Le même « signe observé » d’un humain à un autre peut signifier mille et une choses différentes ! C’est toute la question de la célèbre distinction kantienne entre « phénomènes » et « noumènes ». Ce qui relève du champ des « noumènes » dans les faits et actions humains nous échappe… et peut même, souvent, échapper à celui-là même qui agit, s’exprime, s’explique ![4] Sauf à se résoudre à mettre en action des méthodes idoines relevant de la psychosociologie, de la psychologie clinique, de la psychanalyse, de la psycholinguistique, de l’ethnologie, de la sémiotique[5]… L’affaire est loin d’être ni simple, ni facile, ni triviale ! Comment donc est-il possible d’entretenir la prétention, en économie-gestion, de pouvoir dire, exposer, expliquer, comprendre… les sous-bassement, les « motivations »… derrières les actes humains observés, dénombrés, consignés ? Les faits et les récurrences des faits, en tant que phénomènes et « signes » observables[6], seront toujours accessibles à toutes formes de descriptions, dénombrements, tris, classements, catégorisations… mais jamais à une compréhension ni à une mise de sens ! Voilà un des aspects du caractère indicible – ineffable de tout fait humain sur lequel viennent buter nos pseudos sciences économiques et managériales. Ignorant qu’elles appliquent, certes, les bonnes méthodes et techniques (puisqu’elles atteignent le but qui consiste à recueillir des données ou des réponses de la part de l’objet soumis à investigation) mais à un objet d’investigation fort partiellement connu, ou défini en ce qu’il est ontologiquement. L’affaire devient alors grave : sait-on vraiment de quoi on parle lorsque l’on avance que dans telles ou telles circonstances économiques ou gestionnaires, la personne humaine fait, ressent, ferait, ressentirait, apprécierait… ceci ou cela ? Comment alors s’étonner que tant de choses, en économie – gestion, ne fonctionnent pas du tout, ou ne se réalisent pas du tout comme on le prétend ? C’est tout simplement une conséquence de l’ignorance du fait que l’on commet cette erreur que je dénomme de troisième type : les méthodes mises en œuvre peuvent effectivement atteindre une certaine « saisie » de certaines caractéristiques propres à l’objet observé (validité partielle), mais elles en méconnaissent nombre d’autres qui peuvent largement relativiser ou même invalider tout ce qui est inféré ou déduit des observations recueillies. Ce qui pourrait nous amener à appliquer à l’économie-gestion la formule que Bertrand Russel réservait à la mathématique : « Tout économiste ou spécialiste de gestion qui fait des observations et des déductions sur les comportements humains, ne sait pas de quoi il parle, ni si ce qu’il en dit est vrai » !
De quelques « mises en situation » illustratives
Je vais utiliser ici des « anecdotes-mises en situation » tout à fait adéquates quant à notre présent propos, et très clairement illustratives des éléments ci-haut développés. Je les emprunte à l’éminent physicien et philosophe Henri Atlan[7]
- Qui a tort et qui a raison ?
Il s’agit d’un échange entre un sage, maître, philosophe et juge Chinois d’une part, et ses disciples d’autre part, au cours d’une séance de reddition de justice lors d’un procès opposant deux adversaires irréductibles. Le juge écoute attentivement et longuement les arguments de chacun des plaignants. Lorsque chacun d’eux eut fini de plaider sa cause, le juge répondait exactement et littéralement à chacun d’entre eux la même et unique phrase : « Vous avez raison ! ». Or ils avaient, bien entendu, dit chacun le strict contraire de ce que l’autre prétendait. Devant une telle situation si incongrue, les disciples ne pouvaient résister à la fort compréhensible pulsion de demander au maître : « Comment se fait-il que chacun des deux plaignants puisse avoir raison, puisqu’ils disent le contraire l’un de l’autre ? ». La réponse du maître aux disciples, qui va en désarçonner plus d’un, fut un tranchant et laconique : « Vous avez raison ! ». Bien entendu, notre premier réflexe consisterait à nous dire qu’il n’est pas « logiquement » possible que tout ce monde ait raison en même temps ! Et pourtant si ! Chacun selon sa position et son point de vue, selon sa vérité, a raison : les deux protagonistes[8], les disciples, et le juge. Tous ont raison, de leur point de vue.
- Les poissons sont-ils heureux ?
Il est question cette fois de deux philosophes – toujours Chinois- devisant tout en se promenant sur les bords d’un magnifique ruisseau regorgeant de poissons sautillants et frétillants. Interrompant le cours de la conversation, l’un des deux philosophes déclara à l’autre : « Regarde comme ces poissons sont heureux ! » ; le second philosophe, un court instant pensif, lui répondit péremptoirement : « Comment peux-tu dire que ces poissons sont heureux puisque tu n’es pas poisson ? » ; le premier rétorqua sans se démonter : « Mais, comment peux-tu toi, pouvoir affirmer que je ne peux, moi, prétendre que ces poissons sont heureux, puisque toi, tu n’es tout simplement pas moi ? ». Ici il est question de l’ineffabilité de « l’expérience intime » de chacun, de son inaccessibilité à l’autre… mais aussi de l’insurmontable différence de perception d’une même situation par différentes personnes ayant, par nature et par définition, des sensibilités, des visions du monde, des penchants, des préjugés… forcément différents, et qui sont autant de « prismes déformants-personnels » qui vont distordre tout « réel observable », même prétendu objectif.
- Légitime défense ou homicide ?
Là c’est à une de ces fulgurantes « expériences imaginaires » d’Albert Einstein que nous sommes conviés. Cela se réfère à sa célèbre argumentation à propos du point de vue relatif (voire différent) quant à un même fait ou à une même situation, selon « la position de l’observateur ». Il y est mis en scène un train en circulation ; un voyageur situé au milieu du train ; deux autres à chacune des extrémités du train ; et un non voyageur le long du rail. À un moment donné il se produit une mort d’homme par balle dans le train. L’un des deux voyageurs aux extrémités est retrouvé mort atteint d’un projectile d’arme de poing. Einstein nous demande d’imaginer que les deux personnes aux extrémités sont chacune armées d’un pistolet ; que l’une d’elle est retrouvée décédée ; que cela se produit pendant que le train est en marche ; au moment précis où ce train passe devant le non voyageur au bord du rail alors qu’il se trouve au niveau du milieu du train. L’enquêteur diligenté par les services de police interroge le « suspect » armé, disons de l’avant du train ; celui-ci jure tous ses dieux qu’il y a eu un différend entre lui et le passager décédé ; qu’ils se sont provoqué en duel ; et que, chacun d’une extrémité et l’autre du train devait viser et tirer sur l’autre ; il en résultat qu’ils tirèrent en même temps. Circonstance qui fait du « survivant » une personne en « légitime défense ». L’enquêteur interroge alors les témoins. Il n’y en a que deux : le voyageur du milieu du train et le non voyageur le long des rails. Le premier jura dur comme fer avoir entendu les deux coups en même temps, tandis que le second jurait tout aussi dur qu’il a entendu d’abord le coup de feu de l’arrière du train, puis un instant significatif plus tard, celui de l’avant du train.
Qui dit vrai ? Si c’est le premier témoin, il y a légitime défense. Mais si c’est le second, il peut y avoir absence de légitime défense et même homicide. Einstein nous demande de comprendre que les deux témoins disent vrai ! Chacun « selon sa position » et chacun selon le « système de référence » à partir duquel il parle. Et en effet, il y a deux vérités ! La première vérité est celle du premier témoin qui, à juste titre, dit avoir entendu les coups en même temps, ce qui peut-être strictement exact du fait qu’il « voyage » à la vitesse du train et que l’air qui porte les sons des tirs est pour lui uniforme. La seconde vérité est celle du non voyageur se trouvant au niveau du milieu du train lorsque les deux coups sont tirés ; pour lui il y a d’une part, le son du coup de l’arrière du train qui lui arrive à une vélocité constituée de la vitesse du train additionnée à celle du coup de feu ; et celle de l’avant du train qui lui parvient selon une vélocité cette fois constituée de la vitesse du train diminuée de celle du coup de feu. Il est donc normal qu’il entende un coup après l’autre. Les deux témoins disent vrai, chacun selon la position à partir de laquelle il a vécu et relate les faits !
De la « position de l’observateur » à la prétention de prédire ou prévoir
Une des conséquences graves de la persévérance dans cette erreur de troisième type parait ici évidente : comment tenir compte – et rendre compte – de ce que l’observateur (le chercheur) recueille tout en incluant l’inévitable « biais » inhérent à la question de la position – posture, rôle, statut, idéologie, ego, convictions…– de celui qui s’exprime ? Aucune neutralité ni objectivité n’est envisageable. Sans pouvoir cerner un tant soit peu « ce que veut dire l’observé à partir de sa position »[9] tout ce qui peut être dit à propos de ce qui est observé a toutes les chances de n’être que pures, et à la limite arbitraires, projections – interprétations de la part de l’observateur ! L’affaire prend une dimension autrement plus grave lorsqu’il est question, en plus, de prétendre prédire ce que les observés feraient, ou ne feraient pas, seraient susceptibles de faire, ou ne pas faire… dans un futur déterminé.
Reposons ici la certitude[10] de ce que le fameux[11] ceteris paribus sic stantibus (toutes choses étant égales par ailleurs) n’existe nulle part et pour nulles choses en notre monde[12]. Toute tentative de prédiction de quoi que ce soit dans un futur donné, touchant aux humains[13] relèverait dès lors, au mieux de l’arbitraire le plus total, et au pire de l’affabulation idéologique[14], voire du délire rattaché aux convictions, intentions (même inconscientes), croyances… que le chercheur projette sur ce qu’il observe, ou interprète. Comme le disait un éminent épistémologue, si je ne m’abuse Gaston Bachelard : « Le réel et la nature répondent toujours dans le langage que nous utilisons pour l’interroger ». Ainsi, si nous « interrogeons » des situations et des comportements humains en langages « marketing » ou « motivationnel », ou « productiviste »… les « réponses » obtenues seront conformes à ce que sous-entend le vocabulaire utilisé dans les questions posées. Ni plus ni moins. Or la « réalité » elle, n’est stricto sensu ni marketing, ni motivationnelle, ni productiviste… Elle est tout cela à la fois et infiniment plus encore. C’est à dire éminemment complexe et quasi ineffable en l’état d’extériorité auquel nous sommes condamnés à être en rapport avec ce qui est observé.
Pour conclure, une illustration de l’erreur de troisième type : les clefs et l’éclairage… l’éléphant et les aveugles…
Il s’agit, pour commencer, d’une sorte d’adage – ou d’allégorie- bien connu en épistémologie et dans les milieux dédiés aux questions d’euristique, de validité de recherche, de production de connaissance… Cette allégorie est utilisée pour illustrer les immenses difficultés qu’il y a à prétendre « connaître », « comprendre », et encore moins « prévoir » quoi que ce soit de significatif (pour ne pas dire de sérieux) quant aux phénomènes dont on parle. Phénomènes que l’on observe – toujours – avec des « lunettes » ou « visières » inhérentes au mode d’observation retenu ; et que l’on interroge – toujours – avec un langage prédéterminé/connoté qui « imprègne » par avance le genre de réponses reçues. Elle s’exprime comme suit : une personne est en train de chercher, en pleine nuit noire, avec application et grande attention quelque chose sous un lampadaire. Passe une autre personne qui, observant son manège, lui demande : « Vous cherchez quelque chose?»; « Oui, répond la première personne : mes clefs de voiture que je ne retrouve plus » ; « Ah bon ! Répond la seconde, vous les avez égarées ici ? » ; « Non, reprend la première, je ne sais pas où elles ont été égarées, mais je cherche ici parce qu’il y a de l’éclairage… ». Voilà donc pour plus « clairement » conclure cette incursion dans la quasi impossibilité de connaître, comprendre, prédire… « En soi », tout phénomène touchant, en particulier, à cet « objet » foncièrement quasi impossible à appréhender « en ce qu’il est », ou pense, ou ressent, ou désire… Qu’est l’être humain. Toutes nos méthodes et techniques pour ce faire, tout spécialement en économie-gestion, ne sont que façons de « se réfugier sous des lampadaires » (théories du marketing, de l’homo aeconomicus rationnel, de la concurrence, de la maximisation des gains, des jeux à somme nulle…) dont la « lumière » nous fait commodément confondre ce que son éclairage peut éclairer, avec ce que la réalité de l’objet – supposément observé en ce qu’il est – manifeste !
Au fond, pour terminer, et pour dire les choses autrement, nous nous comportons, en termes de recherche et de production de connaissances sur les faits humains, comme l’illustre cette autre allégorie qui met en scène un éléphant et un groupe d’aveugles. La réalité humaine dans toute sa complexité serait une sorte de « totalité », comme un énorme éléphant. Or voici qu’un groupe d’aveugles se trouvent en contact avec cet éléphant et cherchent à savoir ce dont il s’agit : celui qui attrapera la queue dira que c’est une limace géante, celui qui s’agrippera à une patte dira qu’il s’agit d’une colonne, celui qui se trouvera sous la trompe dira que c’est un gros tuyau… Ainsi vont nos façons de « saucissonner » la réalité humaine et sociale : d’employé moyen, à consommateur moyen, à citoyen moyen… nous parlons de… parties d’éléphant confondues avec l’éléphant, ou pire, « parties » auxquelles on réduit l’éléphant.
Notre prochaine chronique portera sur les aléas et insuffisances de méthodes et techniques plus précisément mathématiques – statistiques de prétention à la compréhension et à la prédiction de faits humains.
Omar Aktouf[1]
[1] Commentaires toujours bienvenus : omar.aktouf@hec.ca
[2] Dans ma précédente chronique, j’ai donné définitions et illustrations de ce que seraient les « erreurs de premier et de second type ».
[3] Nous reviendrons dans une prochaine chronique sur ce problème de différences entre « méthodes », « techniques »… Pour le lecteur intéressé à plus de détails, je renvoie à mon livre Méthodologie des Sciences Sociales et Approches Qualitatives des Organisations, Québec, PUL, 1987.
[4] Cf. tout ce qui relève des théories de l’inconscient, de la projection, de la rationalisation, des mécanismes et « idéologies » de défense… Voir entre autres : G. Devereux, De l’angoisse à la méthode ; C. Dejours, Le travail usure mentale, Psychopathologie du travail ; J.P. Sartre Question de méthode ; A. Freud, Le moi et les mécanismes de défense…
[5] Ou de plusieurs de ces disciplines à la fois : ce que l’on dénomme multidisciplinarité, interdisciplinarité, pluridisciplinarité, complémentarité… (Voir en particulier G. Devereux, op. cit. supra, et aussi Essai d’ethnopsychiatrie générale ; Essai d’ethnopsychanalyse comparée…
[6] Même les paroles, les explications, les justifications, les réponses à un questionnaire, à un entretien… ne sont que « phénomènes » et « signes » observables, audibles, lisibles… dont le « sens » nous échappe et est à rechercher « bien en arrière » de ce qui est exprimé.
[7] Notamment dans Entre le cristal et la fumée et À tort et à raison.
[8] J’ai l’habitude lorsque j’évoque ces « mises en situation » dans mes enseignements avec mes étudiants, de leur demander comment ils réagiraient et à qui ils donneraient raison dans une querelle de couple dont chacun des membres est ami d’enfance, aimé, estimé et respecté… pendant que chacun des deux s’acharne à lui décrire l’autre comme un monstre ? Qui croire ? Il est certain que, de son point de vue et de son vécu, chacun dit vrai !
[9] Ce que font – ou tout au moins tentent de faire- l’anthropologie, la psychanalyse, l’ethnologie… à travers les méthodes dites d’observation participante[9], d’analyse du transfert-contretransfert… etc.
[10] Ce que nous avons déjà vu dans une précédente chronique.
[11] Et si indispensable, dans leurs mesures, calculs, prédictions…, aux économistes et aux scientifiques de la gestion.
[12] Sauf – et encore avec moult limites et draconiennes conditions – dans les cas d’expérimentations à multiples paramètres contrôlés, et en vase clos tel que laboratoire, salle de confinement…
[13] « Objets » dotés de conscience, de sensibilité, de croyances, d’idéologies, de préjugés, d’intentions, d’attentes, de libre arbitre… Autant d’écueils et de sources d’énigmes pour tout chercheur ! Nous y reviendrons bientôt.
[14] Comme par exemple affubler le comportement humain de tout un ensemble de présupposés liés à l’idéologie néolibérale : dans le cadre d’un marché autorégulé, de besoins dits rationnels, de concurrence, de compétitivité, de systématiques intentions de « gains » ou de « maximisation »…