Les clés de l’élection de Bolsonaro : les évangélistes et WhatsApp

Chronique brésilienne - partie 2

Dans notre première chronique sur l’élection de Bolsonaro comme futur président du Brésil, nous vous avons expliqué le contexte politique des dernières années : l’absence de tradition démocratique, le rôle des médias, les formidables avancées économiques et sociales des années Lula, puis la revanche de la droite contre sa successeure Dilma Rousseff. Nous vous avons aussi parlé des deux hydres qui ravagent ce pays: la violence et la corruption. Dans cette 2ème chronique nous dévoilons la stratégie mise en place par Bolsonaro pour se faire élire.

Le Trump brésilien ?

Bolsonaro est souvent appelé le Trump brésilien car, en effet, il partage avec Trump l’extrême agressivité de son discours, le simplisme de ses arguments, le besoin constant de la provocation. Mais là où Trump semble avoir eu envie de devenir président des États-Unis un peu sur un coup de tête, comme un enfant gâté qui estime que lui aussi a bien le droit de devenir président, Bolsonaro développe une stratégie de pouvoir depuis de longues années. Il veut depuis longtemps rétablir la loi et l’ordre dans un pays qu’il estime gangrené par les dérives sociales et surtout morales. Il est particulièrement choqué par les réformes des années Lula et Rousseff qui ont élargi les droits humains, qui ont donné des droits aux membres de la communauté LGBT et, pire encore, qui ont inscrit l’éducation sexuelle des enfants dans les programmes scolaires. La haine de Bolsonaro envers les homosexuels est sans limite puisqu’il a avoué que si son fils s’avérait être homosexuel, il préférerait le voir mourir. Pour Bolsonaro, les droits humains ne servent que d’alibi pour protéger les criminels, les femmes sont avant tout des machines à fabriquer des enfants et il est donc normal qu’elles soient moins bien rémunérées que les hommes, les homosexuels sont des menaces pour la famille et les valeurs chrétiennes.

Bolsonaro et les Evangélistes

Bolsonaro, qui est catholique, a compris l’intérêt qu’il avait à construire sa prise de pouvoir en s’appuyant sur les églises évangéliques. Mais qui sont donc ces évangélistes ? Tout comme aux États-Unis, les églises évangéliques, qui sont d’obédience protestante et s’apparentent à des sectes, ont connu une ascension fulgurante au Brésil. En 1970, 90% de la population brésilienne se disait catholique. Aujourd’hui ils ne sont plus que 65%, alors que 27% de la population se déclare membre d’une église évangélique. Tout comme aux États-Unis, ces églises sont le plus souvent des entreprises commerciales dirigées par des pasteurs auto-proclamés qui possèdent des chaînes de télévision et des journaux qui leur servent à propager leur message.

Pendant des années, les églises évangéliques se sont présentées comme apolitiques. Leur programme: la défense de dieu, de la famille et de la patrie. Elles se sont fortement implantées dans les quartiers pauvres affectés par la violence et le crime lié au trafic de la drogue. Elles ont alors développé un discours prônant la loi et l’ordre, le recours à la force pour tuer tous ceux qui sont soupçonnés d’être des délinquants, puis l’appel aux militaires pour rétablir l’ordre dans les quartiers où les moyens policiers étaient insuffisants.

Balle, Bœuf et Bible

Mais elles ont ensuite compris tout l’intérêt de porter leur message dans l’espace politique. Au cours des 10 dernières années, ces églises ont fait élire des nombres croissants de leurs membres dans les parlements, au niveau fédéral et des États. Leur cri de ralliement est devenu BBB, pour “Bala, Boi e Bíblia“, qui veut dire “Balle, Bœuf et Bible“. Une balle pour tuer les criminels, revendiquant ainsi le droit de porter les armes ; le bœuf pour symboliser les revendications de l’industrie agro-alimentaire à exploiter les terres réservées aux populations indigènes ; et la bible comme l’arme de dieu qui doit protéger le peuple brésilien contre le droit à l’avortement ou le mariage entre personnes de même sexe.

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Michel Gevers
Correspondant de POUR au Brésil


[1] On notera en passant que cette technique est utilisée de la même manière par les partis de droite en Belgique, puisque depuis que le PTB flamand participe à une majorité communale à Zelzate, ces partis brandissent à nouveau l’épouvantail du communisme, alors qu’on pensait que le parti communiste avait disparu de la scène politique belge depuis des décennies.