Le sexe sur les écrans des Plats Pays : entre censure et libéralité bien encadrée

Les Pays-Bas ont longtemps été considérés comme progressistes en ce qui concerne les films à caractère sexuel. Ils doivent en grande partie cette réputation à des films néerlandais comme Les AffaméesMira et Turkish Délices, qui ont fait sensation dans les années 1970 en affichant nudité et sexe décomplexé. La légende veut également que les Pays-Bas soient plus tolérants que leur voisin du sud en matière de sexe à l’écran. Un regard historique sur le contrôle cinématographique dans les Plats Pays mène cependant à un autre constat.

Gand, Woodrow Wilsonplein 4, samedi 24 janvier 1976 après-midi. Le procureur du roi et le commissaire de la police judiciaire investissent le cinéma Select dans une démonstration de force. Les hommes du tribunal ordonnent l’arrêt de la projection du film Anthologie du plaisir (titre original, History of the Blue movie, 1970). Après un quart d’heure, ils quittent la salle sous les huées du public, non sans avoir confisqué la copie du film et le matériel de projection.

Anthologie du plaisir devait être l’une des pièces maîtresses de la troisième édition du Gentse Filmgebeuren (Événement cinématographique de Gand). L’équipe organisatrice de ce festival audacieux présente cette production américaine comme un documentaire sur l’histoire du cinéma pornographique. En effet, le film consiste en un montage d’extraits d’anciennes images explicitement pornographiques, accompagné de commentaires pseudoscientifiques. L’un des programmateurs de ce festival, le jeune Néerlandais Ben ter Elst, avait atterri à Gand après de nombreuses pérégrinations et y avait fondé en 1970 le Studio Skoop, un cinéma d’art et d’essai unique en son genre, où se rencontrent étudiants, cinéphiles et artistes progressistes gantois. Il avait vraisemblablement remarqué Anthologie du plaisir aux Pays-Bas, où le film avait été projeté un an plus tôt.

Pour les cercles flamands de gauche et libres-penseurs, cette histoire de saisie, d’amende et d’emprisonnement pour avoir projeté un film est une nouvelle preuve que les Pays-Bas donnent le ton en matière d’éthique. Les voisins du Nord sont beaucoup plus permissifs, comme le prouvent les récits abracadabrantesques de bus bondés acheminant des cinéphiles de l’autre côté de la frontière pour aller visionner Anthologie du plaisir et autres films osés.

 

Peut-être pas si tolérants

Cependant, l’image des Pays-Bas en tant que pays tolérant et progressiste du grand écran est un mythe, du moins si l’on remonte un peu plus loin dans les Trente Glorieuses (1945-1973), période connue pour sa forte croissance économique, son consumérisme effréné et sa libération culturelle et morale. La projection d’Anthologie du plaisir
provoque bel et bien un vif émoi aux Pays-Bas. Dans certaines villes néerlandaises, des associations cinématographiques qui osent diffuser
Anthologie du plaisir
 le font uniquement en cercle fermé, pour les personnes acceptant d’acheter une carte de membre pour une durée de 24 h. Cette stratégie de «projections privées» avait déjà été utilisée pour contourner les lois relatives à l’attentat à la pudeur. Il s’agit également d’une tactique permettant d’éviter l’œil sévère de la Rijksfilmkeuring (Classification cinématographique néerlandaise).

(…)

Pour lire la suite, rendez-vous sur le site les Plats Pays : https://www.les-plats-pays.com/article/le-sexe-sur-les-ecrans-des-plats-pays/

Par Daniel Biltereyst, traduit par Sophie Hennuy


Source :

Publication partielle autorisée par la Revue Les Plats Pays.