LE PREMIER GÉNOCIDE DU XXe SIÈCLE

Effet de la « loi du “Mort au kilomètre” » ou d’un « racisme structurel » ?
Peu nombreux encore sont ceux qui savent qu’au tout début de l’« Âge des extrêmes », un génocide a été perpétré contre les Herero et les Nama, dans l’actuelle Namibie, avant donc celui des Arméniens de 1915-1916 que, pourtant, politiques, médias et « stars du JT » ont systématiquement présenté comme « le premier génocide du siècle » lors des commémorations de son centenaire. Pourquoi ce crime contre l’Humanité, commis par l’armée impériale allemande, a-t-il si longtemps été occulté des histoires officielles ? Effet de la « loi du “Mort au kilomètre” » ou d’un « racisme structurel » ? Retour sur cette tragédie.

 

Le génocide se caractérise, non pas tant par le nombre de ses victimes, mais par « l’intention d’extermination, totale ou partielle, d’une population ».
Le génocide, selon la définition de Rafael Lemkin (1944), se caractérise, non pas tant par le nombre de ses victimes, mais par « l’intention d’extermination, totale ou partielle, d’une population ». Lemkin avait entamé dans l’entre-deux-guerres des travaux eux-mêmes inspirés par le génocide arménien et les massacres des Assyriens d’Irak, en 1933, travaux qui furent alors ignorés ou écartés. Quoique né en 1900, le juriste polonais n’avait-il pas eu vent de la tragédie sud-ouest-africaine ? Il est vrai que c’était avant la décolonisation… Et que « seuls » quelque 85.000 Hereros et 20.000 Namas périrent entre 1885, début de la conquête allemande du Sud-ouest africain (aujourd’hui Namibie), et 1911.

 

Résistances africaines

Le public européen n’est guère familiarisé avec les faits de résistance dont les Africains firent preuve face à la colonisation européenne
Le public européen n’est guère familiarisé avec les faits de résistance dont les Africains firent preuve face à la colonisation européenne et à sa « mission civilisatrice ». En dehors de grandes figures maghrébines, comme Abdelkader ou Abdelkrim, qui chez nous a entendu parler d’Omar Tall ou de Samory pour l’Afrique occidentale « française » ? Ces derniers ne furent – ne sont – le plus souvent dépeints que sous les traits de satrapes fanatiques, cruels, polygames et esclavagistes. Les Mau-mau kenyans n’ont laissé que le souvenir de leurs atrocités, l’Europe « zappant » celles de leur répression. Seul le Negus d’Éthiopie a échappé à cette diabolisation : il est vrai qu’il s’était rangé du côté des Alliés…et était chrétien.

By Paul Delmotte

Professeur de Politique internationale, d'Histoire contemporaine et titulaire d'un cours sur le Monde arabe à l'IHECS, animé un séminaire sur le conflit israélo-palestinien à l'ULB. Retraité en 2014.