Effet de la « loi du “Mort au kilomètre” » ou d’un « racisme structurel » ?
Peu nombreux encore sont ceux qui savent qu’au tout début de l’« Âge des extrêmesC. à d. le XXe siècle, selon la formule de l’historien britannique Eric J. Hobsbawm : L’âge des extrêmes. Histoire du court XXe siècle, Ed. Complexe/Monde Diplomatique, 1999. », un génocide a été perpétré contre les Herero et les Nama, dans l’actuelle Namibie, avant donc celui des Arméniens de 1915-1916 que, pourtant, politiques, médias et « stars du JT » ont systématiquement présenté comme « le premier génocide du siècle » lors des commémorations de son centenaire. Pourquoi ce crime contre l’Humanité, commis par l’armée impériale allemande, a-t-il si longtemps été occulté des histoires officielles ? Effet de la « loi du “Mort au kilomètre” » ou d’un « racisme structurel » ? Retour sur cette tragédie.Une première version de cet article, quelque peu remanié et complété, est parue sur le Forum de La Libre, le 7 mai 2015.
Le génocide se caractérise, non pas tant par le nombre de ses victimes, mais par « l’intention d’extermination, totale ou partielle, d’une population ».
Le génocide, selon la définition de Rafael Lemkin (1944), se caractérise, non pas tant par le nombre de ses victimes, mais par «
l’intention d’extermination, totale ou partielle, d’une population ». Lemkin avait entamé dans l’entre-deux-guerres des travaux eux-mêmes inspirés par le génocide arménien et les massacres des Assyriens d’Irak, en 1933, travaux qui furent alors ignorés ou écartés. Quoique né en 1900, le juriste polonais n’avait-il pas eu vent de la tragédie sud-ouest-africaine ? Il est vrai que c’était avant la décolonisation… Et que « seuls » quelque 85.000 Hereros et 20.000 Namas périrent entre 1885, début de la conquête allemande du Sud-ouest africain (aujourd’hui Namibie), et 1911.
Résistances africaines
Le public européen n’est guère familiarisé avec les faits de résistance dont les Africains firent preuve face à la colonisation européenne
Le public européen n’est guère familiarisé avec les faits de résistance dont les Africains firent preuve face à la colonisation européenne et à sa « mission civilisatrice ». En dehors de grandes figures maghrébines, comme Abdelkader ou Abdelkrim, qui chez nous a entendu parler d’Omar Tall ou de Samory pour l’Afrique occidentale « française » ? Ces derniers ne furent – ne sont – le plus souvent dépeints que sous les traits de satrapes fanatiques, cruels, polygames et esclavagistes. Les Mau-mau kenyans n’ont laissé que le souvenir de leurs atrocités, l’Europe « zappant » celles de leur répression. Seul le Negus d’Éthiopie a échappé à cette diabolisation : il est vrai qu’il s’était rangé du côté des Alliés…et était chrétien.
Paul Delmotte,
Professeur de politique internationale et d’Histoire contemporaine retraité de l’IHECS