Alors que le mouvement étudiant de solidarité avec les Palestiniens et de dénonciation de leur génocide par Israël s’intensifie aux États-Unis et s’étend maintenant à toute la planète, il y a des indices croissants qu’il arrive à influencer les rapports des forces centraux tandis qu’il est en train d’être reconnu comme un facteur majeur des développements internationaux d’importance décisive ! Ainsi, la « soudaine » prise des distances de Washington à l’égard du gouvernement Netanyahou qui a suivi (ou peut-être… précédé) l’acceptation par le Hamas du plan de paix du Qatar et de l’Égypte, est principalement attribuée à la pression asphyxiante exercée sur le président Biden et l’establishment de la superpuissance mondiale par le mouvement de solidarité au peuple palestinien des étudiants américains.
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Ce n’est donc pas un hasard si Marwan Bishara lui-même, le commentateur en chef d’Al Jazeera (que Netanyahu vient d’interdire en Israël), attribue l’accélération soudaine des développements politiques au Moyen-Orient et aux États-Unis au mouvement étudiant qui fait tache d’huile dans les universités américaines. Un mouvement qu’il qualifie, avec une insistance éloquente, de “facteur majeur” dans la succession des événements qui ont conduit le journal israélien Haaretz à titrer en première page que “Le Hamas a piégée Netanyahou”...
Certes, ce mouvement, qui s’est étendu à plus de 120 universités et collèges américains, a comme toute première priorité le soutien au peuple palestinien. Cependant, il constitue aussi d’ores et déjà – de l’avis commun – un facteur majeur des développements cataclysmiques qui vont suivre les élections présidentielles de novembre prochain, et cela quel que soit leur vainqueur. Plus concrètement, l’émergence du mouvement de masse des jeunes en tant que troisième force indépendante, combatif et radicale face aux deux grands partis traditionnels états-uniens est en train de remodeler la carte politique et sociale des États-Unis, renforçant la gauche, les syndicats ouvriers, les mouvements sociaux et les autres forces déjà existantes dans leur conflit civil avec le trumpisme fascisant et ses milices qui se profile à l’horizon. Un conflit civil au cœur même du capitalisme mondial, de l’issue duquel dépendra en grande partie l’avenir voire le sort du reste de l’humanité…
Entre-temps, la prolifération de ce mouvement des jeunes américains dans au moins 40 pays (à l’heure où nous écrivons ces lignes), constitue un événement d’une ampleur historique qui manifestement inquiète et même terrifie les possédants et leurs chancelleries. La preuve en est que presque partout, des États-Unis, de l’Allemagne et de la France au Maroc et au Nigeria, et de la Corée du Sud
et de l’Inde aux Pays-Bas et au Kenya, la répression de ce mouvement non seulement dépasse en brutalité tous ce qu’on a connu précédemment (par exemple, la répression en Mai 68) et foule aux pieds cyniquement les droits démocratiques les plus élémentaires, mais elle est aussi combinée avec une campagne médiatique hystérique de dénigrement, visant à accoutumer les citoyens à ce que leurs libertés démocratiques ne soient plus qu’un lointain souvenir…
Pays où le mouvement étudiant de soutien aux Palestiniens s’est répandu
États-Unis, Grande-Bretagne, France, Belgique, Allemagne, Italie, Espagne, Danemark, Suisse, Inde, Australie, Bangladesh, Indonésie, Japon, Nouvelle-Zélande, Finlande, Mexique, Costa Rica, Jordanie, Liban, Espagne, Suisse, Suisse, Irak, Turquie, Tunisie, Canada, Argentine, Irlande, Pays-Bas, Autriche, Brésil, Corée du Sud, Thaïlande, Portugal, Suède, Afrique du Sud, Maroc, Algérie, Nigeria, Kenya, Bosnie, Serbie…
Cependant, la liste des pays où ce mouvement de jeunesse a déjà proliféré ne nous remplit seulement d’optimisme. Elle nous remplit aussi de tristesse car il en manque un pays, notre pays, le mouvement étudiant grec ! Et ce n’est pas seulement que cette absence grecque constitue une infamie, une grande honte qui marquera la gauche grecque pour les années à venir. C’est aussi que le mouvement étudiant et la gauche grecque ratent aujourd’hui une occasion en or pour dénoncer en actes les relations très coupables entretenues par les universités grecques avec Israël et ses institutions. Qu’ils ratent également une bonne occasion pour dénoncer enfin (!) le soutien scandaleux offert par la Grèce de Mitsotakis à l’Israël de Netanyahou, ce qui fait de la Grèce le plus fidèle des alliés d’Israël en Méditerranée orientale et peut-être dans toute l’Europe. Et qu’ils sont finalement en train de manquer une opportunité historique de se joindre et de lutter ensemble avec ce qu’il y a de mieux aujourd’hui sur notre planète, afin de tenter de changer non seulement notre réalité grecque mais aussi le monde entier ! Vraiment, qu’attend le mouvement étudiant grec pour sortir de son apathie et répondre aux attentes qui sont maintenant exprimées quotidiennement par ces Palestiniens bombardés et affamés de la bande de Gaza martyrisée, quand ils déclarent que leur seul véritable espoir est maintenant ceux qu’ils appellent “nos frères”, les étudiants en Amérique et dans le monde entier qui expriment leur solidarité et leur soutien par des actes et pas seulement par des mots ?
Mais il n’y a pas problème seulement avec le mouvement étudiant grec et la gauche grecque. Il y a aussi problème avec ces gens de gauche de par le monde, qui se retranchent derrière les “arguments” les plus incroyables tels que “oui, mais il ne faut pas oublier les crimes du Hamas” ou “les crimes des Ayatollahs“, “oui, mais le mot d’ordre “de la rivière à la mer” est antisémite“, “oui mais qu’est-ce que je vais dire à mon oncle à Tel Aviv“, “oui mais Israël a aussi ses droits“, etc. pour justifier leur silence (prolongé) ou leur absence des manifestations contre ce qui est un véritable crime contre l’humanité perpétré à Gaza, la définition même du génocide ! Le problème avec toutes ces personnes n’est pas seulement qu’elles font preuve d’une monstrueuse insensibilité aux souffrances sans précédent infligées par l’armée israélienne et les colons israéliens à des centaines de milliers de civils palestiniens, en particulier des femmes et des enfants. Un autre problème, au moins aussi important, est qu’ils tournent le dos à un mouvement de jeunesse planétaire qui est actuellement la seule force tangible dont dispose l’humanité pour affronter, avec quelque espoir de succès, les crises majeures qui la menacent directement : la catastrophe climatique, le risque d’une guerre intra-impérialiste généralisée et la déferlante fasciste.
Mais, c’est précisément parce que ce mouvement de jeunesse constitue le seul espoir de l’humanité qu’il ne fait aucun doute qu’il sera réprimé avec la plus grande férocité par ses ennemis de classe. Toutefois, dans la terrible confrontation qui se profile déjà à l’horizon, ce mouvement planétaire ne sera pas seul, isolé. Déjà aux États-Unis, il attire autour de lui tant les grands mouvements sociaux antiracistes, climatiques, féministes et autres qui ont vu le jour surtout durant la dernière décennie, que le mouvement syndical revivifié qui est en train de remporter victoire sur victoire après plusieurs décennies de crise et de recul. Et ce n’est pas un hasard si, toutes proportions gardées, on commence à voir se profiler la même chose même dans cette Europe où l’extrême droite ne cesse de se renforcer. Comme par exemple en Belgique (Gand) où le mouvement de soutien aux Palestiniens et celui contre la catastrophe climatique unissent leurs forces et leurs revendications. Ou encore en France, où la mobilisation étudiante (Sorbonne) contre le génocide des Palestiniens est activement rejointe par le mouvement Youth for Climate (fondé par Greta Thunberg) et des jeunes des banlieues défavorisées, tandis que dans le même temps la mobilisation commence à s’étendre aussi aux lycées de tout le pays.
Finalement, qui oserait, en ce mois de mai 2024, prétendre que la jeune génération ne résiste pas et ne se bat pas bec et ongles contre la barbarie de nos temps néolibéraux ? Partout sur terre, à l’Est comme à l’Ouest, au Nord comme au Sud. Partout, ici et maintenant.
Yorgos Mitralias