Dans des précédentes publications, vous avez pu lire les deux premier volets d’une analyse (Premier volet, deuxième volet) réalisée par Fabio Bruschi de l’asbl d’éducation permanente Action et Recherche culturelles (ARC). Ayant fait le constat que les opprimés inventent, avec leurs moyens, un « communisme de tous les jours » qui permet de survivre dans les situations très difficiles, dans ce troisième et dernier volet, il esquisse les voies d’une résilience collective s’inspirant du « do it yourself » des transitionneurs et du bricolage pragmatique opprimés. |
Des pistes pour une résilience collective
Les réflexions qui nous semblent le mieux développer cette perspective stratégique ont été formulées par un « collectif transatlantique qui écrit dans, contre et par-delà l’empire écocidaire », collectif dénommé Out of the Woods[1].
Le présupposé de sa perspective est que les désastres qui vont prochainement se multiplier produiront si peu un dépassement du capitalisme que ce dernier se nourrit du désastre. Pour exprimer cette idée, ils proposent d’introduire la distinction entre « désastre-événement » et « désastre-condition » : « les conditions donnent lieu à des événements qui, en retour, renforcent davantage les conditions. Le but de l’État-nation pendant et dans la suite immédiate de désastres extraordinaires exacerbe généralement le désastre constant du capitalisme »[2]. D’abord, il n’y a pas de catastrophe naturelle : mêmes les catastrophes dues à des phénomènes naturels, non seulement sont, surtout dans leur fréquence et violence actuelles, dues aux activités humaines suscitées par la course capitaliste à la valorisation de la valeur, mais aussi frappent de manière différentielle les populations en fonction des inégalités produites en grande partie par le capitalisme. Par ailleurs, les formes d’entraide spontanées qui émergent du désastre maintiennent un fonctionnement minimal de la vie sociale sans coûts pour l’État et le marché, fonctionnement sur lequel ceux-ci peuvent ensuite se brancher pour le détourner à leur profit. Aussi, en général, de tels rapports ne se maintiennent en place que pour une période courte, tant que d’autres formes d’organisation sociale ne reprennent pas le dessus. Enfin, comme Naomi Klein l’a démontré dans La stratégie du choc, les désastres créent un terrain parfait pour l’extraction de surprofits, à travers la reconstruction des bâtiments et des infrastructures détruites qui rend possible une augmentation des prix et qui aboutit à la gentrification et à l’expulsion des populations vulnérables vers des endroits où elles sont encore plus vulnérables aux désastres à venir[3]. De sorte que, bien loin d’être des événements ponctuels, les catastrophes sont la cristallisation du désastre quotidien du régime capitaliste.