Défendre les droits universels et la justice mondiale
Signataires, pour l’Agora des Habitants de la Terre, Riccardo Petrella, Catherine Schlitz, Pierre Galand, Mady Ledant, Alain Dangoisse, Alain Adriaens, Maria Palatine, Antoinette Brouyaux, Pietro Pizzuti, Christine Pagnoulle, Fabrice Delvaux, Bernard Tirtiaux – 25 janvier 2021
Les pays les plus riches se sont empressés de réserver 60% des doses de vaccin anti-Covid disponibles pour 2021. Cette marchandisation au détriment de la santé des habitants des pays les plus démunis doit cesser.
Ce lundi 18 janvier, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS a affirmé avec force et courage : « Le monde est au bord d’un échec moral catastrophique ».
Il a dénoncé les États riches et puissants du monde ainsi que les entreprises pharmaceutiques mondiales dominantes pour ne pas avoir respecté les engagements pris dès mars dernier en faveur de l’accès pour tous aux vaccins et traitements anti-Covid-19 « sans laisser personne de côté », comme ils l’avaient proclamé à l’unisson.
Avant même la conception des vaccins, les 15 pays plus riches du monde (environ 14% de la population mondiale) avaient acheté aux entreprises privées, bien placées dans la course aux brevets, 60% des doses estimées disponibles en 2021 dans le but d’assurer les vaccins à leur propre population, laissant ainsi 40% des doses aux 86% restants d’êtres humains de la Terre. 30% seulement de la population mondiale seront vaccinés en 2021. Devinez lesquels! 39 millions de doses des deux premiers vaccins (Pfizer, Moderna) mis en circulation ont été distribuées dans 49 pays riches, alors que le pays le plus pauvre ne dispose que de… 25 doses ! En Israël, plus de 20% de la population ont été vaccinés (plus de 2 millions de personnes), mais seule une toute petite fraction de Palestiniens (notamment les détenus !).
Une rupture du contrat social mondial
Il ne s’agit plus seulement d’égoïsmes nationaux, de priorité donnée à la « sécurité nationale », d’un sentiment de peur face au danger ou d’avidité des riches. Il s’agit d’une politique violente de déni du droit universel à la vie à la majorité de la population mondiale. Une véritable rupture du contrat social au sein des habitants de la Terre, sous l’égide d’une alliance cynique entre les actuels pouvoirs publics des États, émiettés, affaiblis, d’une part, et les pouvoirs privés des puissantes oligarchies mondiales financières, industrielles et militaires, d’autre part. Le mépris à peine caché de ces puissances vis-à-vis des vaccins chinois, russe, cubain… n’est qu’un petit exemple.
La santé pour tous passe par la rupture de cette alliance et la reconstruction sur des bases nouvelles de l’alliance entre les citoyens, entre tous les habitants de la Terre. Jusqu’à présent, les appels et les propositions de plusieurs dizaines de chefs d’État et de gouvernements, de plusieurs centaines de personnalités du monde de la science, de l’économie et de la culture, les récentes déclarations de pape François en faveur de la primauté des droits sur les « lois » du marché et les brevets, n’ont pas servi à grand-chose. Les requêtes de plus de 110 États sur les 164 membres de l’OMC ont été balayées d’un coup de rejet par les tout-puissants États du « Nord » par deux fois, en septembre et décembre derniers. Insoutenable.
Trois objectifs à défendre
En tant qu’Agora des habitants de la Terre, nous invitons tous les mouvements et les autres associations engagées en faveur des droits universels, de la justice, de l’égalité et de la fraternité, à se battre avec toujours plus de conviction et détermination pour la poursuite de trois objectifs concrets immédiats.
- Les citoyens doivent exiger des États les plus enrichis qu’ils laissent tout pays libre d’appliquer le droit de licence obligatoire, c’est-à-dire de suspendre l’application des brevets sur les vaccins et les traitements médicaux dans le but de promouvoir et préserver le droit à la vie de tous les citoyens. Oui aux vaccins biens communs publics mondiaux, aux vaccins (non obligatoires) des peuples. Non au « droit » de souveraineté absolue des entreprises privées sur les connaissances et les technologies du vivant. La connaissance est un bien commun public de l’humanité, « patrimoine » de tous les habitants de la Terre. La suspension des brevets doit conduire à moyen terme à l’abolition des brevets. Non à la compétitivité pour la survie des plus forts.
- Les citoyens doivent obtenir de leurs États une restructuration profonde de la finance de la santé, afin de ne plus utiliser l’argent public des citoyens pour payer au moins deux fois (lors de la conception et du développement, puis de nouveau lors de la production et commercialisation des médicaments et vaccins) les entreprises pharmaceutiques et ainsi alimenter leurs profits. Sans l’argent des citoyens, les entreprises multinationales occidentales n’auraient pu développer les traitements proposés. Non au vol de l’argent public. La finance publique au service des droits et des responsabilités des communautés humaines doit primer sur la finance privée qui est au service des intérêts des groupes sociaux les plus puissants. L’État doit redevenir res publica au service du bien commun et non pas rester au service de la santé financière des intérêts corporatifs des plus forts.
- Les citoyens doivent sommer les États de mettre en œuvre un plan d’urgence de vaccination mondiale coopératif (dans le cadre d’une politique mondiale commune publique de la santé) sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) libérée de l’emprise des grandes entreprises multinationales et des « grands » États. Autrement dit, dans le domaine des droits à la vie, la primauté doit revenir à l’OMS et à l’ONU sur l’OMC et la Banque mondiale. Cette primauté implique que des modifications importantes soient apportées, par exemple, au rôle du Covax (GAVI, CEPI, Fondation Gates…), instrument typique de l’alliance autocratique entre les États les plus riches et les entreprises mondiales les plus puissantes, ainsi qu’au rôle du Conseil de Sécurité. À cet égard, nous pensons en particulier qu’il est urgent de créer un Conseil Citoyen de Sécurité des Biens Communs Publics Mondiaux, dont l’eau potable, les soins de santé, la connaissance.
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