La Résistance armée au franquisme (1936-1952). Espaces, représentations, mémoires

Le livre de Virginie Gautier N’Dah-Sékou comporte trois parties, pour un total de onze chapitres. La première partie (« La résistance armée contre le franquisme : acteurs, stratégies spatiales, représentations »), la plus longue, est composée de cinq chapitres : « Vers une définition de la résistance armée au franquisme : bandits, maquisards ou guérilleros » ; « Étapes de la résistance armée au franquisme » ; « Les acteurs de la lutte armée contre le régime franquiste : huidos, guérilleros et agents de liaison » ; « De la « territorialisation » de la lutte à l’isolement de la guérilla » ; « La réponse du régime franquiste à la guérilla »).

Cette partie montre d’abord les stratégies du pouvoir franquiste pour effacer toute composante politique de cette résistance, la cantonnant aux crimes de droit commun, du banditisme. Le travail s’intéresse ensuite à la qualification de « maquis », après 1944, et à l’idée d’une guérilla comme expression d’un « banditisme social » (33) qui, cependant, n’aurait jamais été un phénomène généralisé. L’auteur signale ensuite la tendance plus récente à analyser cette guérilla sous un prisme plus sociologique, comme l’expression d’une action collective à caractère politique. Elle aurait été la concrétisation d’une revendication sociale, poussée à la violence par la répression. Il faudrait donc l’appréhender dans une double logique, à la fois diachronique (dans le cadre des mobilisations des XIXe et XXe siècles en Espagne) et synchronique (comme manifestation de résistance au fascisme). Dans le deuxième chapitre, sont passées en revue les différentes phases de la résistance armée, perçue comme une « histoire de “micro-événements” ». Le travail met ainsi en lumière son caractère dynamique, aux fluctuations néanmoins évidentes en fonction des périodes et des zones géographiques. Quatre étapes sont alors établies (1936-1939 ; 1939-1944 ; 1944-1947 et 1947-1952) au cours desquelles sont étudiées les réalités politiques, sociales et militaires de la lutte. On serait ainsi passé d’une phase purement défensive à une autre offensive, que l’inertie des démocraties et l’obstination de la direction du Parti Communiste Espagnol, principale force politique de cette guérilla, auraient finalement conduit à l’échec face à une répression sans quartier. Le troisième chapitre développe l’idée d’une hétérogénéité des combattants, qui aurait également nui à la poursuite de la lutte. Une hétérogénéité politique et culturelle, mais qui se serait doublée – du fait des caractéristiques propres des conditions de la résistance – d’une autre, sociale et géographique. Pour parvenir à définir le plus précisément possible qui intégrait vraiment cette résistance, l’auteur a recours à la distinction entre une « résistance-organisation », faite de combattants armés, et une « résistance-mouvement » où se seraient retrouvés les soutiens civils. L’analyse socio-professionnelle démontre que, pour une très large majorité, il s’agissait de paysans, ce qui amène l’auteur à qualifier la guérilla de « résistance des pauvres » (p. 47). À partir de là, le travail développe une étude à travers trois facteurs : l’intentionnalité, la fonctionnalité et la rationalité, lorsque l’entrée en résistance est le fruit d’un « calcul rationnel » (p. 48), motivé par une prise de conscience d’un plus grand danger à choisir la passivité. C’est donc sur ces bases-là que sont alors abordés les « moteurs de l’entrée en résistance » (p. 49) : héritage familial, question générationnelle, solidarité, etc. L’auteur considère qu’il ne convient pas d’analyser cette résistance en termes de « lutte des classes » car cela ne permettrait pas de comprendre la très grande complexité des raisons ayant conduit, les uns et les autres, à ce périlleux engagement. Avec le quatrième chapitre, on comprend la mécanique d’ancrage de la guérilla dans un espace délimité et ses conséquences sur la capacité d’impact de cette résistance, fatalement cantonnée à une sphère réduite. Le travail met en rapport la réalité de l’espace occupé et le type d’action privilégié, faisant ainsi ressortir aussi bien les « stratégies spatiales « (p. 62) des guérilleros que leurs « pratiques spatiales » (p. 62). S’ensuit une description des différentes modalités d’évitement de la menace répressive franquiste : de la réclusion volontaire de ceux qui seront surnommés les topos à la clandestinité dans les montagnes. Toutes ces alternatives, à leur niveau, furent autant de moyens de fuite, mais est assimilé à une résistance quand le simple fait de rester en vie était déjà en soi un moyen de combat.

Pierre-Paul Grégorio,
Professeur, Université de Bourgogne

« La Résistance armée au franquisme (1936-1952). Espaces, représentations, mémoires »Cahiers de civilisation espagnole contemporaine [En ligne], 26 | 2021, mis en ligne le 05 juillet 2021, consulté le 06 juin 2024.

Source : http://journals.openedition.org/ccec/11873 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ccec.11873


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