La liberté sous caution (2011-2012) – Julian Assange

JULIAN ASSANGE, UNE VIE
Épisode 23

Julian Assange était entré en clandestinité dès l’émission par la Suède d’un mandat d’arrêt international, le 18 novembre 2010 … Il avait lancé le Cablegate depuis l’endroit où il se réfugiait. Il était si stressé qu’il en avait perdu le sommeil : d’un côté le Cablegate le propulsait au rang de star mondiale du journalisme et, de l’autre, son nom figurait sur les fichiers d’Interpol et la police le recherchait. Début décembre, il décide de se rendre et, d’après ses associés, s’endort aussitôt.

Tôt le matin, le 7 décembre 2010, accompagné de Jennifer Robinson et Mark Stephens, ses avocats, Julian se rend dans un commissariat londonien. On l’arrête : la Cour doit statuer sur son sort dans l’après-midi. Julian et ses avocats sont confiants. Ils s’attendent à une libération sous caution et Julian n’a même pas emporté sa brosse à dents. Mais le juge Riddl en décide autrement. La décision d’emprisonnement tombe comme un coup de marteau… et Julian est écroué à la prison de Wandsworth.

A l’audience du 16 décembre, Vaughan Smith, ami de Julian, fondateur du club journalistique « Frontline Club », et descendant d’une lignée de militaires au service de la monarchie anglaise, se porte garant de sa libération sous caution. Il propose d’accueillir Julian dans sa vaste propriété au manoir d’Ellingham Hall, à 200 km au Nord de Londres. Parmi les autres personnalités présentes à l’audience, on trouve Ken Loach, Jemima Goldsmith ainsi que l’indéfectible ami de Julian, John Pilger. Ils contribueront au paiement de la caution de 240.000 livres (283.000 euros). Après 9 jours d’emprisonnement, la libération sous caution est enfin prononcée. Julian sort de prison. Ce jour-là, il neigeait sur Londres. Et voir la neige tomber l’a apaisé.

Julian est donc accueilli dans le manoir d’Ellingham hall, petit château à l’ameublement seigneurial qui abrite une dizaine de chambres et un salon orné de confortables fauteuils. Ce dernier donne sur un parc fermé où trône un cèdre bleu… Mais Julian est interdit de quitter le territoire. Il est astreint au port d’un bracelet électronique et à un couvre-feu. Chaque jour entre 14 et 17 heures, il doit se présenter au commissariat de Beccles. Ce confinement forcé sera le début de longues années de privation de liberté pour Julian. Plus tard, le groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires jugera qu’elles s’apparentent à une détention arbitraire.

L’audience sur la demande d’extradition de la Suède a lieu le 7 février 2011. Si Julian redoute que la justice anglaise consente à l’extrader – et que la Suède soit la première étape de son extradition vers les USA -, beaucoup d’éléments de son dossier permettent de considérer que la requête d’extradition est abusive et disproportionnée. En effet, la justice suédoise n’a nul besoin de l’extrader pour l’entendre : une simple demande d’interrogatoire à la justice britannique aurait suffi. D’autant plus que Julian a plusieurs fois proposé d’organiser un entretien en visioconférence avec la procureure suédoise  Marianne Ny – une procédure banale… Pourtant la justice britannique décide de l’extrader en Suède. C’est un coup très dur pour lui.

Julian décide de recourir contre cette décision, fort de solides arguments. D’abord, le mandat d’arrêt européen ne semble pas émis dans des conditions régulières – en particulier, Julian n’est pas encore inculpé en Suède. Ensuite, les faits qui lui sont reprochés – notamment le fameux « viol par surprise » – , ne constituent pas des délits au regard de la loi  britannique – une condition nécessaire pour que l’extradition soit prononcée… Et puis, on peut argumenter que le procès en Suède ne serait pas équitable : la procédure se déroulerait à huis clos   – comme c’est toujours le cas pour les affaires de mœurs en Suède. De surcroît, Julian a déjà été sali par des manœuvres et fuites douteuses vers la presse, provenant du parquet et du monde politique. Enfin, la défense de Julian Assange estime qu’il y a un “risque réel” qu’une fois extradé en Suède, le fondateur de Wikileaks soit envoyé aux États-Unis où il risque une sanction très lourde, voire la peine capitale.

Dans l’attente du résultat du recours, et pendant toute la durée du séjour de Julian au manoir, Wikileaks poursuit la publication du Cablegate, qui entraîne une onde de choc planétaire (voir les derniers épisodes de WANTED). Comme il ne peut plus voyager, Julian crée un show télévisé politique – l’occasion de faire venir à lui des personnalités qui l’intéressent. « The World Tomorrow » est une série d’émissions de 26 minutes où sont discutées les idées révolutionnaires susceptibles de changer le monde. Parmi les invités figurent Noam Chomsky, le président équatorien Rafael Correa, l’ancien prisonnier de Guantanamo Moazzam Begg, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nazrallah,…Le directeur de Google, Eric Schmidt prendra pour sa part l’initiative d’une rencontre « au sommet » au manoir, avec Julian Assange et Jared Cohen, le directeur de Google Ideas – think/do tank de Google -, au prétexte d’un ouvrage qu’il rédige. Julian écrira à son tour un livre suite à cette entrevue, où il analyse dans le détail la collusion entre Google et le gouvernement américain. Nous vous en recommandons vivement la lecture.

Le 2 novembre 2011, la Haute Cour de Londres confirme l’extradition vers la Suède. En bref, la justice britannique suit pour l’essentiel la demande du parquet suédois. Elle accepte la définition des délits avancés par la Suède. Elle estime que, malgré les éléments de preuve avancés par la défense, Julian Assange s’est soustrait aux interrogatoires en Suède. Elle valide les arguments du procureur suédois : même s’il ne s’agit que d’interroger Julian Assange, sa présence physique est nécessaire. Et puis la Cour accepte l’argument de la procureure suédoise pour qui, même s’il n’y a pas d’inculpation formelle, on est au-delà d’une enquête préliminaire et en bonne voie vers une inculpation. L’instance d’appel estime enfin que, comme c’est un juge suédois qui a validé le mandat d’arrêt européen, c’est à la justice suédoise de se prononcer sur sa légalité. La Cour ne se prononce pas sur l’éventuelle extradition de Julian vers les États-Unis.

Julian et ses avocats intentent un dernier recours devant la Cour suprême. Celle-ci accepte, pour des « raisons d’intérêt général », de se pencher sur la question de principe soulevée par les avocats de Julian Assange, qui contestent la légalité du mandat d’arrêt européen, émis par un procureur agissant pour le compte de l’État suédois, et non par un juge neutre et indépendant – par la suite, le Royaume Uni adaptera sa législation pour éviter de telles ambiguïtés légales. Ce recours devant la Cour Suprême représente la dernière chance de Julian Assange pour éviter l’extradition… Son sort ne tient plus qu’à un fil…

Voilà, c’était le 23ième épisode de WANTED, la série qui vous emmène au cœur du réacteur de notre monde pour vous en dévoiler les secrets… Demain, WikiLeaks affrontera un des épisodes les plus délicats de son histoire : l’organisation spécialisée dans la protection des fuites sera elle-même victime de fuites… !

Belgium4Assange

Texte écrit par Delphine Noels,
Avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir

Le 4 janvier 2021 sera une date historique : à Londres, la justice britannique rendra son verdict dans le procès d’extradition de Julian Assange. Quels sont les enjeux de ce procès ? En quoi nous concernent-t-ils directement ? Difficile d’avoir les idées claires à ce sujet tant la mésinformation et la désinformation ont été grandes.

A partir du 1er décembre et jusqu’au 4 janvier, Belgium4Assange diffusera quotidiennement un épisode de WANTED, série Facebook qui raconte la vie de Julian Assange en 34 épisodes.

Source, pour en savoir plus :

The most dangerous man in the world, Andrew Fowler, Skyhorse Publishing, 2011

The unauthorized autobiography, Julian Assange, Canongate Books Ltd, 2011.

WikiLeaks, la fin du secret, David Leigh, Luke Harding, 2011.

A Propos de la rencontre de Julian avec le président de GOOGLE :

https://wikileaks.org/google-is-not-what-it-seems/

PDF du livre en anglais :

https://challengepower.info/_media/books/julian-assange-when-google-met-wikileaks.pdf

Retranscription de l’interview de Julian Assange par Schmidt :

https://www.wikileaks.org/Transcript-Meeting-Assange-Schmidt.html

Google contre WikiLeaks, Julian Assange, RING EDITION, 2018

http://archive.vn/gHMzq

Sur la collaboration entre Google et le gouvernement américain dans la traque de WikiLeaks :

https://www.mediapart.fr/journal/international/270115/contre-wikileaks-google-collabore-avec-la-justice-americaine

A propos de l’émission “The World Tomorrow”:

Interview de Julian Assange à propos de la création de « The World Tomorrow »

https://www.google.be/…/456280-julian-assange-rt-show/amp/

The World tomorrow, Julian Assange’s show:

https://www.youtube.com/watch?v=i85fX9-sKYo

Lien vers la page WikiLeaks où se trouvent les épisodes de The World Tomorrow (+accès possible à la totalité des rushes):

https://worldtomorrow.wikileaks.org

Un article sur Vaughan Smith : https://www.edp24.co.uk/news/crime/ellingham-hall-s-vaughan-smith-delighted-julian-assange-given-political-asylum-and-speaks-of-life-living-with-him-1-1486580

A propos des Palestine Papers :

https://www.leparisien.fr/international/tout-comprendre-aux-palestine-papers-07-11-2017-7379004.php