Faire connaître l’univers mortifère de la prison

Construite en 1844, la prison de Tongres est la plus ancienne de Belgique. En 2005, elle ferme ses portes pour se transformer en musée pédagogique et artistique d’intérêt public. Véritable outil de prévention et de sensibilisation à l’enfermement, le musée accueille dès 2006, de nombreux visiteurs. Riverains, jeunes, citoyens, acteurs du milieu social, éducatif et judiciaire… Ils sont près de 300.000 à se confronter aux réalités hostiles du milieu carcéral et à réfléchir au sens ou non-sens de la détention, remettre en question ses propres angles de vue, déconstruire les mythes, croyances et préjugés. Cette courageuse et précieuse initiative est stoppée dans ses élans après 3 ans pour laisser place à un centre d’enfermement pour mineurs. Des voix s’opposent, une lutte s’engage pour maintenir le musée et poursuivre son action axée sur une justice plus humaine. En vain.

Le livre Le musée de Tongres est mort ! Vive la prison ? témoigne de ce combat. Jean-Marc Mahy, ancien détenu devenu éduc’acteur et Luc Vervaert, enseignant en prison empêché, dirigent l’ouvrage avec pertinence. Ils s’expriment, avec force et humanité, sur leur parcours respectif, leur résistance, leurs espoirs. Ils donnent la parole à un large éventail de personnes concernées ou intéressées par la prison et son musée : aumônier, conseillère laïque, journaliste, éducateur, historien, ancien détenu… mais aussi à Linde Hermans, designer, qui a pris en charge la scénographie du musée avec une belle justesse. Les cellules ont été aménagées en étant associées à une émotion ou un sentiment lié à la détention. Comme l’espoir et le désespoir, le temps perdu, les regrets, ou encore les rêves, la justice et l’injustice. « La prison ne fait qu’amplifier ces sentiments parce que tu ne peux pas y échapper, explique Linde Hermans. Hors de la prison, parfois nous ne les laissons pas paraître ou nous ne les voyons tout simplement pas. Mais en prison, ce n’est pas possible, tu n’as pas le choix parce que tu te heurtes seulement à toi-même. Tu dois les subir. » Et le public les reçoit lui aussi, abruptement.