Ce n’est pas encore une tradition mais c’est déjà la quatrième fois que se tiennent les rencontres des « alternatives conviviales des rouges, verts et décroissants ». Cette année, ce sera le dimanche 26 août que ces militants politiques d’un nouveau genre échangeront sur base d’une volonté de convergence de trois valeurs qui leur semblent chères : autonomie – frugalité – solidarité.
Le dernier week-end d’août semble propice aux réflexions politiques de fond. Alors que les écologistes se retrouveront à Liège pour leurs traditionnelles « Rencontres écologiques d’été » et les sociaux-démocrates à la citadelle de Namur pour leur « Festival des solidarités », les décroissants et écosocialistes passeront une journée ensemble dans un cadre champêtre. Après une ferme-château à Daussois dans l’entre Sambre-et-Meuse et un gîte rural à Modave dans la Condroz namurois, ce seront des Jardins partagés de Villers-la-Ville en Brabant wallon qui les verront débattre cette année.
L’urgence face aux menaces toujours plus évidentes qui planent au-dessus de nos sociétés semble motiver le thème de cette année : « Nous vivons un moment historique, celui qui réclame à chacun de participer à une transformation radicale de notre société. Nous devrons demain être plus frugaux, économes notamment des ressources biologiques et fossiles. Certes. Mais nous souhaitons aussi gagner en autonomie et solidarité. »
Alors que les partis sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates, autrefois dominants en Europe, sont à bout de souffle, alors que les écologistes hésitent entre radicalité et keynésianisme vert, une manière nouvelle de concevoir le combat politique dit « de gauche » émerge ces derniers temps. Le constat de l’accélération de deux évolutions très négatives, la dégradation de l’environnement et de graves reculs sociaux, amène certains à unir leurs forces pour lutter contre ce qu’ils jugent comme la cause unique de ces menaces : le néolibéralisme. Qu’ils l’appellent capitalisme financiarisé ou société thermo-industrielle selon leurs sensibilités plus socialistes ou plus écologistes, c’est bien la même domination d’une logique de profits à court terme de quelques-uns qu’ils jugent insupportable.
Alors que les formations politiques traditionnelles semblent incapables de dépasser leurs anciennes divisions, des activistes de terrain, proches des pensées de l’altermondialisme, de l’écologie radicale, de la lutte contre les dérèglements climatiques œuvrent sur les plans théoriques et concrets au rapprochement de ceux qui affrontent un même ennemi. Ceux qui suivent les réseaux dits « sociaux » et les blogs de réflexion de fond voient émerger, depuis une décennie ou deux, une manière nouvelle de concevoir comment il convient d’être anticapitaliste au XXIe siècle. Afin de ne plus répéter les erreurs et horreurs du « socialisme réellement existant », les références historiques auxquelles se rattachent ces « explorateurs du possible » sont les socialistes utopiques (Owen, Fourrier, Leroux), les anarchistes (Proudhon, Kropotkine) et le meilleur de Marx (avant 1870 ?). Le programme de l’édition 2018 des rencontres des rouges-verts commence d’ailleurs par la présentation de 9 penseurs qui ont inspiré la réflexion de la mouvance. On y trouvera des noms apparemment aussi divers qu’Antonio Gramsci, Nicholas Georgescu-Roegen, Arne Naes, Hannah Arendt ou Paul Lafargue.
Par la suite, après une auberge espagnole, les participants se répartiront dans différents ateliers avec des sujets comme « Quel accueil pour l’autre, quelle diversité humaine? », « L’école et la culture demain » « Message, actions, média et transformations culturelles ». Signalons que cet atelier sera animé par les rédac-chefs de deux médias alternatifs (qui contrairement aux médias dominants parlent de l’anticapitalisme au XXIe siècle) : Alexandre Penasse de Kairos et Jean-Claude Garot de POUR.
Un quatrième atelier titré « Une nouvelle conscience par le local? » traitera lui de questions que nous avions déjà abordées dans le Cahier d’analyse « Quelle transition vivrons-nous ? » puisqu’il est présenté comme suit : « Le système politique actuel reste lui aussi soumis à l’idéologie capitaliste. Les plus optimistes entrevoient néanmoins dans certaines expériences municipalistes (Barcelone, Grenoble, Québec, Gand…) la possibilité de changer le monde par le local. Parallèlement se développent de nombreuses initiatives alternatives décentralisées : mouvement de la Transition, GASAP, SEL, repair café, coopératives, monnaies locales… Cela suffira-t-il à faire émerger la nécessaire conscience structurelle et holistique des enjeux sociaux et écologiques ? Pourra-t-on recréer un imaginaire collectif ? L’affrontement avec l’ordre capitaliste sera-t-il évitable ? Quelle stratégie pour les communs ? ». A quelques semaines des élections communales, ces questions reviendront sûrement sur le devant de l’actualité.
On peut d’ailleurs constater que quelques-uns de ceux qui animent les débats précités prendront le risque de jouer sur le terrain de la politique institutionnelle à l’occasion des très prochaines élections. Ils ne le feront pas seuls mais, en cohérence avec leur volonté de convergence rouge-verte : ils seront sur des listes rassemblant des citoyens, des membres d’ECOLO et des écosocialistes du mouvement Demain. Nous aurons certainement l’occasion de revenir bientôt sur ces initiatives originales, telles que les listes Vert Ardent à Liège, Visons demain à Visé ou Cap communal à Ham-sur-Heure/-Nalinnes.
Alain Adriaens