A l’heure où j’écris ces lignes, on est le mercredi 5 décembre à minuit 6, le gouvernement de la « suédoise », dont bien des citoyens appelaient la chute de leurs vœux depuis 4 ans, est en état de mort clinique. Et sur quel enjeu ? La politique migratoire. Nous disons depuis longtemps que cet enjeu est devenu central dans la vie politique mondiale, européenne et belge. La façon dont les pays du Nord vont vivre la migration est en effet déterminante sur le plan économique (avec les pans entiers de l’activité qui dépendent du travail surexploité appelé « travail au noir », dans des secteurs comme la cueillette, le nettoyage domestique et industriel, le bâtiment, l’horeca…), mais aussi politique. Les extrêmes droites italienne, hongroise, française, autrichienne, flamande, et autres, font de la migration, et de facteurs anxiogènes qu’elles nourrissent, leur fonds de commerce principal, se permettant des succès électoraux qui servent de base à des politiques antipopulaires beaucoup plus larges (voir la campagne anti-SDF, Hongrois compris, du gouvernement de Budapest aujourd’hui).
La NVA, dont l’une des figures emblématiques déclare publiquement s’inspirer du Vlaams Belang, ne peut en aucun cas accepter que la Belgique aille à Marrakech en décembre, même avec une déclaration d’adhésion au Pacte migratoire mondial de l’ONU complétée par une lecture interprétative. En effet, après avoir imposé sa vision de la politique migratoire pendant 4 ans, avec un refus de toute concertation avec les acteurs concernés, des campagnes mensongères, et d’intimidation vers les demandeurs d’asile, la criminalisation des sans-papiers et de leurs soutiens, des restrictions de toute sorte sur les procédures de régularisation, d’asile, de regroupement familial, la fabrication de « crises migratoires » de toute pièce, en limitant le nombre de dossiers traités par jour, comme en 2015 et aujourd’hui, la réduction drastique de places en centre d’accueil, le doublement des places en centre fermé, dont celui de Steenokerzeel, pour des familles et des enfants… la NVA constate que les résultats électoraux d’octobre passé se traduisent par une perte de 7% de son électorat, et par un gain de 7% au Vlaams Belang, en cas d’élections fédérales.
Le Pacte, qui n’est ni contraignant, ni un manifeste pro-migratoire échevelé, promeut la gestion responsable de la migration mondiale appuyée sur des études scientifiques, des comparaisons entre pays, des éléments de preuve, sur une approche multilatérale et globale, sur la négociation et le dialogue, notamment concernant la migration climatique. Tous aspects en contradiction profonde avec la vision de la NVA. Charles Michel, peut-être conscient de l’impasse à laquelle mène cette vision, ne peut quant à lui en aucun cas accepter de manger une parole qu’il a donnée pour la Belgique sur le plan international. La crise et la fin de la coalition gouvernementale à laquelle nous allons assister (sauf si Michel et ses comparses s’écrasent une fois encore, comme ils le font depuis 4 ans), quelle que soit la formule plus ou moins bancale qu’elle va prendre jusqu’en mai (gouvernement minoritaire, affaires courantes, ou toute autre acrobatie institutionnelle dont notre pays est friand), ouvre des perspectives nouvelles aux partisans d’une politique humaine et réaliste de la migration. Soyons attentifs. D’autant que cette ouverture, qui devra se concrétiser à travers les urnes, peut avoir des conséquences non négligeables sur des combats locaux.
« Droit au logement pour tous ! »
Le vendredi 14 décembre prochain, l’ association SOS Migrants propose son événement annuel sur le thème du droit au logement. Avec un panel de témoins et d’experts (voir ci-dessous), une réflexion sur ce droit fondamental, consacré par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et la Constitution belge, pourtant dénié à des milliers de personnes en Belgique (SDF, sans-papiers, familles mal logées, citoyens attendant depuis des années un logement social…), sera menée avec le public. Mettant en avant la lutte du Collectif Voix des sans-papiers qui, depuis deux ans, a dû déménager 11 fois. A ce jour il occupe un bâtiment vide depuis 2014, à Molenbeek, et risque l’expulsion forcée le 13 décembre, la veille de l’événement. La nouvelle bourgmestre de Molenbeek déclare ces jours-ci que ce dossier est pour elle prioritaire, qu’elle mettra tout en œuvre pour que les 90 personnes du collectif, hommes, femmes (dont deux enceintes) et enfants ne se retrouvent pas à la rue cet hiver. L’expérience de lutte de VSP est particulièrement éprouvante – on imagine le stress et l’angoisse des membres du groupe à l’approche de tout nouveau déménagement, mais aussi exemplaire, avec les occupations publiques, médiatisées et festives, le large réseau de soutiens que le collectif a su créer… Une mobilisation originale, arcboutée sur les réseaux de soutiens locaux, dont le comité molenbeekois des Communes hospitalières, sur des formes incisives et conviviales, comme la veillée citoyenne d’hier soir, le 4 décembre, et la marche vers le Conseil communal d’aujourd’hui, se poursuivra jusqu’au 13 décembre, avec un point d’orgue le 14. Vous voulez en savoir plus ? Ecrivez-nous un mail.
Serge Noël
Illustration de Frédéric Moreau du Bellaing – Bellaing.be
« Droit au logement pour tous ! »
Fête annuelle de SOS Migrants
En partenariat avec « Interpôle » asbl et Espace Magh
Vendredi 14 décembre 2018
Espace Magh – 17 rue du Poinçon à 1000 Bruxelles
Ouverture des portes : 18h
18h30 : Projection du documentaire de Pierre Delagrange : « Suivons les femmes sans-papiers »
19h : Conférence débat – Droit au logement pour tous !
Intervenants :
-Abdul Azim Azad, collectif des Afghans
-Véronique Gérard, FEBUL
-Rim Idmiloud, asbl « Chez Nous »
-Anne-Catherine De Neve, hébergeuse, Plate-forme citoyenne de soutien aux réfugiés
-Modou Ndiaye, Voix des Sans-papiers Bruxelles
-Mamadou Diallo, Voix des Sans-papiers St Josse
-Violaine Alonso, Réseau ADES
Modération : Saïdou Ly, SOS Migrants
20h30 : Pause
21h : Théâtre
Extrait du nouveau spectacle d’Interpôle et SOS Migrants
sur le droit au logement
21h15 : Concerts
Gueladio Ba, musique africaine
Alaa et Mohamed Larbi, musique orientale
Petite restauration
Entrée : 5 euros – gratuit pour les sans-papiers
Contact : serge_noel1@hotmail.com