Gilets jaunes : la révolution ne sera pas que sociale et environnementale

Je me réjouis des débats et des engagements que la marche pour le climat et les mobilisations des gilets jaunes font naitre chez tout un chacun depuis quelques semaines. Cela dit, je m’interroge une fois encore sur notre capacité à faire la jonction entre la dénonciation des inégalités et injustices sociales (la grande précarité grandissante, la diminution du soutien aux personnes : santé, culture, emploi, hausse du prix de la vie…) et l’urgence climatique qui menace notre époque.

Nous sommes quelques-un.e.s à partager la conviction (ou plutôt la déception en ce moment) que le seul avenir possible et la seule force capable d’amorcer un changement structurel (qui renouvellera les fondements mêmes de notre modèle de société) vers plus de justice sociale ET de justice environnementale est la rencontre des différents acteurs autour de besoins et projets communs. En d’autres termes, le passage de privations, de frustrations et de colères vers une convergence des mobilisations menant à une convergence des luttes.  Personnellement, je pense que faire ce constat n’est pas suffisant. La révolution de notre époque ne sera pas que sociale et environnementale, elle sera aussi culturelle et spirituelle.

La création de sens commun entre les groupes sociaux qui se mobilisent prioritairement autour des luttes sociales et de ceux qui se mobilisent prioritairement autour des luttes environnementales passe en grande partie par « la culture ».

La dimension prioritaire me semble être la lutte contre l’hégémonie culturelle qui désinforme et sépare les gens. Cette hégémonie (un système d’acteurs politiques luttant pour la sauvegarde de leurs intérêts en utilisant notamment certains médias, l’art et les représentations culturelles au sens large), dans le cas qui nous préoccupe, exerce notamment son influence sur l’opinion publique en ramenant la mobilisation des gilets jaunes à la stricte hausse du carburant, créant ainsi de facto une dichotomie à priori irréversible entre « la lutte des classes » et « l’écologie ». Bien entendu, le mouvement « giletiste » est inscrit dans un processus de revendication plus large et plus long qui peut tout à fait inclure une dimension d’écologie politique dans les fondements de ses valeurs. A l’inverse, le « mouvement écologiste », tout aussi large et ancien, peut être tout à fait porteur d’une ferme défense des plus dominés sur l’échiquier social.

La « culture » peut exercer sa fonction de contre-pouvoir via des actions concrètes et palpables comme celles des derniers jours mais aussi et surtout par celles qui vont vers le changement des mentalités à plus long terme. J’identifie notamment deux axes prioritaires. D’un côté, une éducation (scolaire et populaire) connectée aux enjeux de citoyenneté actuels prévoyant des contenus et des dispositifs pédagogiques visant l’émergence de l’esprit critique, la rencontre/confrontation de l’autre et l’expression des réalités vécues. Que ce soit par les contenus de « citoyenneté » qui sont à inclure progressivement dans tous les programmes de cours de nos enseignements secondaires et supérieurs ou que ce soit par le soutien à la capacité (financière, matérielle, formative) de la société civile à mener des actions de sensibilisation, d’(in)formation et de création de lien social autour de ces deux grands enjeux contemporains : le creusement des inégalités et l’urgence environnementale.

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Pierre Beaulieu


[1] Du réalisateur Yannis Youlountas : http://lamouretlarevolution.net


By Pierre Beaulieu

Pierre Beaulieu Doctorant en sciences politiques et en sociologie des mouvements sociaux, animateur et porteur de projets socio-culturels, musicien dans plusieurs formations, Pierre Beaulieu s'investit et travaille beaucoup dans différents projets liés à l'interculturalité, à la réduction des inégalités, à l'amélioration de la participation politique ou encore au dialogue Orient-Occident.