La panique économique grandit, elle se nourrit de sa propre sérotonine et son taux est devenu dangereusement bas. On est passé aux États-Unis à la monnaie hélicoptère. On distribue des sous aux ménages pour encourager leur consommation. Un vieux truc friedmanien. La consommation est, dans l’idée que je m’en fais, le dernier panneau du triptyque du capitalisme de poche. En premier se trouve le narcissisme (qui reconnaît l’extrême singularité de tout individu), en second le mimétisme (qui prône que cette singularité doit être mise à l’épreuve d’une compétition dont elle sortira la plus désirable) et enfin le consumérisme (qui offre la solution pour passer de l’un à l’autre et recommencer le cycle). Encourager la consommation des ménages, aujourd’hui, c’est plus trivialement favoriser l’achat de produits de première nécessité pour lesquels on voit chaque jour les files s’allonger aux portes des magasins. Cette position d’être partie et somme dans une file n’est pas neuve, on voit ainsi s’étirer des grappes de gens nerveux à l’ouverture de commerces de vêtements peu chers, pas durables et pas équitables ou à l’inauguration d’un maillon local d’une chaîne mondiale de hamburgers, avec fleurs et couronnes, quand on ne voit pas des hordes entières retenant leur souffle avant que ne soit coupé le cordon d’un nouveau môle ou d’un centre commercial. Mais cette expérience-ci est différente. Elle évoque moins un attroupement qu’une procession. Peut-être des pénitents d’une pénurie redoutée.

La monnaie hélicoptère, si elle existait afin de créer des emplois utiles, durables, choisis, ce serait autre chose qu’une nouvelle grimpette sur le Mont-Pèlerin. C’est un peu ce que proposent Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders chez les démocrates américains avec leur proposition de Green New Deal. Là aussi la planche à billets doit parler, mais pas pour encourager Wal-Mart ou Burger King : pour permettre à l’avenir de venir.

Paul Hermant – 28 mars 2020