ENQUÊTE SUR UN SCANDALE AUX DROITS DE SUCCESSION
ÉVASION FISCALE – L’affaire Verbruggen – Épisode 2/11
On retrouve aussi d’autres personnages dont on a pu voir qu’ils jouent un rôle clé dans l’affaire de succession et ceux- là sont bien souvent les mêmes soit par la profession qu’ils exercent (avocats, experts-comptables, réviseurs, commissaires réviseurs, notaires, juge d’instruction, experts judiciaires, enquêteurs judiciaires, etc.), soit carrément les mêmes par leur identité. Et dans cette galerie de protagonistes, le moindre n’est certes pas la juge d’instruction Silvania Verstreken, saisie dès le 22 janvier 2001 de ce braquage familial (suite à la plainte de Luc) que nous allons vous raconter, puis saisie le 12 décembre 2002, (suite à la plainte de Luc et de son frère Jack) de la question du fabuleux héritage, le décès du richissime notaire Robert Verbruggen étant survenu le 12 avril 2002.
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Deux frères associés dont l’un a entrepris de tuer économiquement l’autre.
Il s’agit donc de deux associés en affaires, Marc et Luc contrôlant à parts égales la totalité du capital de deux sociétés. L’une (Verbruggen Frères) est active dans l’entreprise générale de bâtiments, l’autre (Buprogérim) est une société patrimoniale qui détient des actifs très importants de l’ordre de 15 millions € à l’époque ainsi que 50% d’une société (Immo Cascade) propriétaire d’un terrain de 2,5 hectares à Uccle lui permettant d’effectuer la promotion d’un ensemble de villas de grand luxe représentant 10.000m2 de constructions réalisées par Verbruggen Frères. Les deux associés se sont réparti les rôles : à Marc la gérance ou l’administration déléguée incluant notamment la direction des services comptables, administratifs et financiers, à Luc la prospection commerciale et la direction des chantiers.
Bilans maquillés et faux en écritures destinés à nuire à l’un des deux coassociés, c’est ce que conclut un réviseur d’entreprise le 18 mars 1999
Plainte pénale déposée le 22 janvier2001 par Luc à l’encontre de son frère Marc, 15 mois avant le décès du père le 12 avril 2002. Des découvertes accablantes pour Marc, faites jusqu’en juillet 2002
- «de l’examen des comptes annuels de 1995 à ce jour et des pièces comptables remises en partie seulement, il s’avère que ces comptes annuels contiennent plusieurs anomalies de sorte qu’il nous semble évident que ceux-ci ne répondent pas à leur véritable image et ne soient fidèles à la vérité ;
- de l’examen approfondi des bilans de 1995 à ce jour, nous constatons un grand nombre d’anomalies qui ont influencé les résultats de façon plus que déterminante, c’est ainsi que nous avons constaté des manœuvres comptables qui ont permis à la société d’éluder la TVA de plusieurs millions de francs belges et aussi les cotisations patronales et salariales se rapportant aux vrais chiffres ;
- de l’étude des justificatifs comptables qui nous ont été fournis, nous constatons que ces pièces vont tout à fait à l’encontre des lois relatives au droit comptable et de la réalité, de sorte que ces pièces peuvent être qualifiées de faux ;
- de l’inventaire des réponses obtenues à nos demandes, nous constatons que Marc Verbruggen et son comptable Frank Van Nunen, n’ont pas répondu convenablement à toutes nos demandes. Les pièces demandées nous ont été communiquées uniquement en partie. »
Répondant à une lettre de l’avocat de Luc, le Procureur du Roi Christophe Caliman confirme par courrier du 22 novembre 2001 qu’il partage le point de vue de ce dernier quant à la nécessité de désigner un administrateur provisoire pour les sociétés Verbruggen Frères et Brupogerim, eu égard aux éléments de l’instruction pénale en cours. Simple avis, mais avis important qui n’influera cependant pas significativement sur la suite des événements. Et l’on ne parlera plus jamais du Procureur Christophe Caliman dans cette affaire. Les enquêteurs judiciaires poursuivent leur travail et interrogent le 26 novembre 2001 le comptable des deux sociétés, Frank Van Nunen, qui passe aux aveux à propos des fraudes organisées au sein des deux sociétés. La juge d’instruction Silvania Verstreken nomme, le 18 mars 2002, une sommité de l’expertise comptable, Raymond Krockaert (ancien Président de l’IEC (Institut des Experts-comptables et Conseils fiscaux), toujours président honoraire) et lui demande de produire un rapport de ses constatations dans les meilleurs délais, au regard notamment de ce que ses enquêteurs ont établi dans leur synthèse du 17 septembre 2001.
- détournement par Marc d’une des branches d’activité (activité de sécurité) de Buprogerim ;
- infractions multiples (non prescrites) à la TVA commises par les deux sociétés pour près de 1.150.000€ et infractions à la TVA prescrites, toutes confirmées par le Directeur Principal de la Tva, Benoit Wets ;
- éléments de présomption que du « noir » aurait été effectué sur des ventes dans le cadre du projet Clos Papenkasteel, précisés par le directeur principal de la TVA, Benoit Wets ;
- saisie des documents attestant des manipulations comptables destinées à éluder la Tva, lors d’une perquisition effectuée au domicile de la réviseure Joëlle Bacq ;
- contrôles de la réviseure Joëlle Bacq effectués à la légère ;
- divergences entre les pièces publiées et les dires de la réviseure Joëlle Bacq ;
- absence de contrôle, tout au long de son mandat, de la part de la réviseure Joëlle Bacq sur les comptes-courants de Marc et Luc qui s’élèvent pourtant au total à 723.000€.
- comportement de la réviseure Joëlle Bacq permettant au gérant statutaire Marc Verbruggen de «tout faire dans le dos de son frère Luc sous couvert d’un rapport du réviseur » ;
- absence de réaction du réviseur Joëlle Bacq au courrier de Luc Verbruggen du 29 juin 1998 l’alertant sur les fraudes malgré les obligations légales qui lui imposent de réagir ;
- démission de la réviseure Joëlle Bacq non conforme à la loi.
- démission de la réviseur Joëlle Bacq causée par les éléments apportés par Luc Verbruggen et non à cause du conflit opposant les deux frères, contrairement aux dires du réviseur.
Curieuse décision de la juge d’instruction le 25 novembre 2002. Tout se ralentit
Luc avait manifesté son courroux auprès de son avocat le 13 septembre2004, celui-ci lui ayant appris par courrier du 31 août 2004 qu’une réunion très importante avait eu lieu le 8 octobre2003 sans qu’il ait été convié, et alors même qu’il n’a pas été entendu ni même tenu au courant des travaux de l’expert Krokaert, encore moins des observations de Marc alors que l’expertise était (étonnamment) contradictoire depuis le 25 novembre 2002 ! La mise à l’écart de Luc s’est accompagnée de celle des deux enquêteurs judiciaires qui eux aussi sont ignorés, alors même que Marc Verbruggen et le comptable Van Nunen ont eu de nombreux contacts avec lui. Luc consulte le dossier répressif les 13 et 14 avril 2005 et apprend le 24 octobre 2005 que la Procureure du Roi, Françoise Mahieu, a établi le 12 août 2005 un surprenant réquisitoire de non-lieu, sur base des conclusions de l’instruction de la juge Verstreken. Le réquisitoire est ainsi conclu : « Attendu qu’il n’existe aucune charge contre l’inculpé, requiert qu’il plaise à la Chambre du Conseil, Ouï Madame la juge d’instruction en son rapport, Déclarer n’y avoir lieu à poursuivre »
Le non-lieu est requis le 14 novembre 2005 et prononcé le 30 décembre 2005
- 1989 : Marc détourne secrètement du compte-courant de Luc une partie du profit qui lui revient dans l’opération Bemel via Buprogerim ;
- fin 1989 : Marc détourne secrètement 645.000€ du profit réalisé par Buprogerim sur la vente du complexe immobilier Mettewie.
- 1990 : Marc détourne secrètement de Verbruggen Frères à son profit personnel tout l’actif du groupe Longchamps qui a été payé intégralement par Buprogerim détenue à 50/50 entre Marc et Luc et qu’il revend en 2006 avec un bénéfice d’au moins 12,4 millions € ;
- 1995 : Marc maquille les comptes courants de Luc via des faux en écritures ;
- 7 avril 1998 : Marc détourne la branche Actif Sécurité appartenant à Buprogerim depuis 1988 et exploitée par Verbruggen Frères ;
- 1998/2000 : Marc vend à l’insu de Luc pour 18,4 millions € d’actifs appartenant au groupe Verbruggen Frères qu’il partage finalement à 50% avec Luc ; Marc ne se contente pas de faux en écritures, il les utilise aussi pour lancer une multitude d’actions judiciaires contre Luc ;
- 17 juillet 2000 : Marc obtient un jugement sur base de faux en écritures, condamnant Luc à rembourser des comptes-courants de 74.000€ pour Verbruggen Frères et de 124.000€ pour Buprogerim, soit 198.000€ au total ;
- 2 novembre 2000 : Verbruggen Frères fait condamner Luc à payer la somme de 248.000€ (affaire du Richmond of Solent) suite à des manœuvres frauduleuses organisées par Marc (La Cour d’Appel annulera le jugement le 12 janvier 2006) ;
- 23 décembre 2000 : saisie du mobilier de la villa de Luc à Rhode St Genèse sur base de faux en écritures comptables organisés par Marc.
La durée de l’instruction (du 22 janvier 2001 au 30 décembre 2005) n’a pas interrompu les actions entreprises par Marc au détriment de son frère Luc, bien au contraire
- 27 avril 2001 : Marc obtient une ordonnance autorisant la vente publique des parts (50%) que Luc détient dans les entités Verbruggen Frères et Buprogerim sur base d’une fausse comptabilité ;
- 20 juillet 2001: vente publique à vil prix des 50% mentionnés ci-dessus appartenant à Luc pour 74.000€. L’acheteur est Jacques Mortelmans, ami de Marc et par ailleurs coactionnaire dans Longchamp. Ces parts avaient une valeur de 14,9 millions € ; Jacques Mortelmans est consul honoraire belge de la République des Seychelles (célèbre paradis fiscal) avec comme circonscription consulaire la Région wallonne et la Région de Bruxelles ;
- 11 janvier 2002 : le Tribunal de Commerce de Bruxelles nomme un expert judiciaire Mr Bikar, réviseur d’entreprise pour analyser les comptabilités litigieuses.
- L’expert judiciaire Bikar (expert-comptable) refuse à Luc de lui donner accès aux documents frauduleux. Il refuse aussi de produire au réviseur Gérard Delvaux, autre sommité des professionnels du chiffre, les documents demandés pour faire toute la lumière sur les comptabilités (à partir de 1989 !) et notamment les comptes courants de Luc et Marc.
- La juge Verstreken ne réagit pas non plus aux courriers de Maître Magnée, avocat de Luc, qui l’alerte sur le fait que Marc fait saisir le mobilier de Luc dans sa résidence de Knokke le 18 septembre 2003 (courrier de l’avocat du 2 octobre 2003) et fait ordonner des actions pour obtenir de Luc le remboursement de faux comptes-courants !
Aucun des arrêts relatifs aux jugements intervenus en faveur de Luc après le non-lieu de la procédure pénale n’a donné lieu à la moindre sanction à l’égard de Marc, ni à la moindre rectification des comptabilités entachées de faux. Tous les jugements et leurs arrêts correspondants, 8 au total, seront pourtant en sa faveur et annuleront 6 millions€ de fausses dettes qui lui avaient été imputées par des faux en écritures. Ainsi, le 12 octobre 2004, l’administration fiscale elle-même annule la taxation de 297.000€ établie à l’encontre de Luc sur base des faux comptes-courants organisés par Marc. Traiter du dossier de succession (du père comme de la mère) sans prendre connaissance de ce qui s’est passé avant dans cette autre affaire (affaire Verbruggen Frères et Buprogerim) ne permet pas d’appréhender les personnalités des uns et des autres, ni d’apprécier les méthodes et moyens utilisés dans les deux dossiers : faux en écritures, fausses déclarations, rétention d’informations, mépris délibéré pour les règles légales et statutaires des sociétés concernées, comptabilités non sincères et non véritables, dissimulation, détournement, etc., à l’origine desquelles se trouve omniprésent Marc Verbruggen, que rien n’arrête.
Christian Savestre
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