Alors que l’année 2024 touchait à sa fin, la Coalition internationale pour l’accès à la terre (ILC), dont les membres peuvent être des agences financées par des gouvernements comme la Banque mondiale et le WWF, mais aussi des groupes comme Slow Food ou le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest, a largement diffusé un nouveau rapport. Ce document affirme que les données fournies par les partenaires de l’ILC, combinées à l’amélioration des droits fonciers, montrent qu’il est possible de transformer l’accaparement massif des terres lié aux projets de compensation carbone en situation gagnant-gagnant. Cette affirmation est illusoire et fausse.
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Le rapport, intitulé Africa’s carbon land deals and the hidden tenure challenge, commence par résumer les très nombreuses données montrant que les communautés africaines sont déplacées et lésées par les marchés du carbone et que les projets de compensation carbone détournent dangereusement notre attention des vraies solutions à la crise climatique. L’étude met en évidence le fait qu’une personne sur quatre en Afrique (26 %) vit dans la peur d’être chassée de ses terres. Elle souligne également que les communautés rurales sont de plus en plus directement menacées par les projets de compensation carbone. Toutefois, elle change ensuite d’orientation, affirmant que les données recueillies sur un cas au Ghana par Land Matrix, un partenaire de l’ILC, prouvent qu’une bonne gouvernance foncière pourrait « permettre des transactions carbone durables et inclusives ».
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Les
données de Land Matrix, une base de données sur les transactions foncières à grande échelle, concernant cette plantation d’arbres de grande ampleur mise en place par la société britannique Miro Forestry au Ghana, sont bâclées. Elles omettent de prendre en compte au moins cinq publications disponibles en ligne qui répertorient les préjudices causés aux communautés locales, notamment un procès intenté par plus de 100 agriculteurs et agricultrices de la région qui accusent l’entreprise d’avoir détruit leurs fermes (voir encadré.) L’ILC affirme que
« dans le cas de Miro Forestry, les droits fonciers des communautés locales n’ont pas été touchés et [que] personne n’a été expulsé », ce qui est tout simplement faux.
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En septembre 2024, GRAIN a publié un
ensemble de données sur des centaines de transactions foncières liées à des plantations de compensation carbone. Les données portaient sur les transactions conclues depuis 2016 à travers le monde, notamment en Afrique, où elles représentaient plus de 5,2 millions d’hectares. L’un des principaux enseignements que nous avons tirés de cette recherche est qu’il existe très peu d’informations publiques sur la plupart des projets et que les informations existantes sont principalement de la propagande émanant des promoteurs. L’absence d’informations en ligne sur les préjudices ne prouve pas l’absence de préjudice. En réalité, les rares enquêtes indépendantes menées sur le terrain concernant ces projets ont presque toujours révélé des problèmes majeurs et de graves préjudices pour les communautés locales.
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Mais il ne s’agit pas seulement d’un problème de données. L’ILC tente de démontrer que le problème réside dans la faiblesse des droits fonciers, et non dans la stratégie consistant à attribuer de vastes étendues de terres en Afrique pour produire des crédits carbone destinés à un marché international non réglementé, qui sert les intérêts des entreprises étrangères et ne contribue en rien à la lutte contre la crise climatique. Priver les populations de leurs terres pour produire un nouveau produit fallacieux – dont les communautés directement impactées ne contrôlent pas le prix – n’est jamais une bonne idée, quel que soit le cadre juridique. L’obsession de l’ILC pour les droits fonciers et la confiance exagérée qu’elle accorde à ses propres données semblent l’avoir aveuglée sur cette réalité toute simple.
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Les publications essentielles manquantes sur Miro sont les suivantes :
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GRAIN.org
Source : https://grain.org/e/7233
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A LIRE, sur le sujet, sur POUR, en accès libre.
●”Histoire des crédits carbone, vie et mort d’une fausse bonne idée ?”, 22 août 2024.
●”Des accapareurs de terres aux cowboys du carbone : nouvelles ruées sur les terres communautaires”, 4 octobre 2024.
●”La Zeclaf et le foncier en Afrique : vers une accélération des accaparements de terre ?”, 25 janvier 2025.
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Publication intégrale autorisée des articles de GRAIN.org.
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