Frédéric Lenoir est l’intellectuel français qui a vendu le plus de livres sur une période de 5 ans[1]. Il a une soixantaine d’années et a fait des études de philosophie et de sociologie dans les plus hautes écoles. Il s’est orienté vers des écrits traitant du bonheur, du bien-être, de la spiritualité. Cela fait que certains le critiquent et le classent, avec d’autres (Conte-Sponville, Ferry, Onfray…), dans la catégorie des « prêtres » de la « philo-bonheur ». Ceux-ci sont accusés de considérer que l’objectif principal de la philosophie serait la recherche du bonheur. Cet auteur médiatique et touche-à-tout a aussi cofondé des associations défendant les causes écologique, animale et enseignant le savoir-vivre à des jeunes.
Alors, lisons un de ses livres emblématiques, La guérison du monde afin de découvrir ce que défend Lenoir et comment.
La première partie du livre recense et détaille les diverses crises que traversent nos sociétés développées et qui, mises ensemble, dessinent une crise systémique. Tout lecteur averti n’y apprendra pas grand-chose, ce qui indique que c’est le « grand public » peu politisé que vise l’auteur. Une seconde partie titrée « L’aube d’une renaissance » aborde d’abord une série d’initiatives qui s’organisent collectivement contre l’une ou l’autre des dérives su système. Lenoir imagine, comme d’autres, que ces îlots de résistance pourraient s’unir en un archipel préfigurant une société future bien meilleure que l’actuelle. Lenoir envisage cela avec un optimisme et un enthousiasme qui le font paraître quelque peu naïf.
Enfin, il aborde les changements individuels qui permettraient les évolutions collectives désirées. (C’est la formule bien connue : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde ». Un militant politique y verrait une logique proche de celle des Colibris et, d’ailleurs, Pierre Rahbi est un des exemples d’initiatives positives qu’il développe largement. On peut décrire ce qu’il prône en listant les titres des sous-chapitres : « De la convoitise à la sobriété heureuse ; Du découragement à l’engagement ; De la peur à l’amour ; De l’extériorité à l’intériorité ; Du cerveau gauche au cerveau droit ; Du masculin au féminin »). On voit que certains thèmes recoupent les espoirs des militants progressistes mas pas tous. À la décharge de Lenoir, il faut constater que ses lignes sont souvent truffées de dénonciations de l’homo economicus, de critiques du capitalisme prédateur qu’il considère comme l’obstacle majeur aux changements tant espérés. Si beaucoup de références sont des auteurs grecs (matérialistes ou idéalistes), il en est d’autres qui peuvent plaire aux écologistes ou aux décroissants : Morin, Elul, Charneau, Frijof Capra ou Jean-Louis Laville.
Au final, il ressort du livre une tonalité optimiste, à l’opposé d’un discours collapsologique et où l’on sent, sans que cela ne soit jamais dit, une tonalité d’un christianisme progressiste. Lenoir est donc assez ambigu, mais s’il peut convaincre des gens en quête de mieux-être ou de bonheur que le chemin pour y parvenir n’est certainement pas dans la logique matérialiste et du toujours plus que veut nous imposer le productivisme, c’est une bonne chose.
Alain Adriaens
La guérison du monde
Frédéric Lenoir
327 pages, mars 2014
Le Livre de Poche, 7,95 euros
[1] Il faut dire que Lenoir a produit plus de 20 essais, une dizaine de romans, a collaboré à des revues importantes (L’Express, Le monde des religions, Philosophie magazine) et a animé des émissions de radio.