JULIAN ASSANGE, UNE VIE
Épisode 14
Le besoin de mieux sécuriser WikiLeaks se fait pressant. La meilleure solution serait un cadre légal solide qui protège le journalisme, la liberté de presse et les lanceurs d’alerte…
Les membres de WikiLeaks sont désormais sur écoute, suivis… Le besoin de mieux sécuriser WikiLeaks se fait pressant. La meilleure solution serait un cadre légal solide qui protège le journalisme, la liberté de presse et les lanceurs d’alerte…
Lors d’une conférence en Malaisie sur l’histoire du journalisme, qui aux yeux de Julian doit être appréhendée comme une histoire des leaks, Julian Assange se laisse aller à imaginer un « WikiLeaks button » qui figurerait sur les sites internet de toutes les organisations du monde. Il suffirait de cliquer dessus pour dénoncer de manière anonyme un phénomène de corruption, et envoyer des documents dont la divulgation servirait le bien commun.
Ce paradis serait à l’information et la liberté de la presse ce qu’un paradis fiscal est aux évasions fiscales et à la fraude
Ses réflexions sur les paradis fiscaux et la lecture de Cryptonomicon, le roman culte cypherpunk de Neal Stephenson, inspirent à Julian l’idée d’un «
paradis de l’information ». À ses yeux, ce paradis serait à l’information et la liberté de la presse ce qu’un paradis fiscal est aux évasions fiscales et à la fraude… Sauf qu’à l’opacité des paradis fiscaux, Julian Assange oppose la transparence du paradis de l’information. Un tel lieu n’existe pas encore, mais il pourrait être créé… Julian le rêve en Afrique, mais le climat est trop chaud pour les serveurs informatiques.
Pendant l’été 2009, des leaks parviennent à WikiLeaks en provenance d’Islande. Il s’agissait de documents internes compromettants pour la Kaupthing Bank, la plus grande banque islandaise, devenue insolvable pendant la crise de 2008. Ils décrivent différents emprunts de qualité douteuse que la banque aurait autorisés, quelques jours avant d’être nationalisée. La population islandaise se saisit de leur publication par Wikileaks pour faire tomber les responsables de la crise économique en Islande… Elle est soutenue par les médias islandais : un jour, la RUV, équivalent islandais de la BBC, va même remplacer son journal télévisé par le logo WikiLeaks, avec pour tout commentaire : c’est là que nous devons aller chercher nos informations !!!
En décembre 2009, Julian Assange est invité à donner une conférence en Islande « On digital Freedom ». Une fois sur place, il comprend que les conditions sont réunies pour créer le paradis de l’information : le pays dispose d’une longue tradition de liberté d’expression. Sa population est la plus connectée du monde occidental. La crise bancaire dévastatrice l’a préparée au changement. Par ailleurs, le pays est équidistant entre l’Europe et les États-Unis. Il dispose de l’électricité la moins chère d’Europe… et il y fait froid, ce qui est excellent pour la climatisation des serveurs. Enfin, c’est une petite île perdue dans le nord de l’Atlantique, juste l’inverse des îles du Pacifique transformées en paradis fiscaux, ce qui ravit le sens de l’humour de Julian.
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Julian présente donc son projet en Islande. Il propose de faire du pays un centre international pour la publication de journalisme d’investigation, en adoptant le meilleur arsenal législatif au monde de protection des sources et de la liberté d’expression :
Nous pourrions adopter les lois de protection des sources de la Suède, par exemple, le premier amendement des États-Unis, les lois belges de protection des journalistes, et assembler tout cela pour constituer la législation islandaise.
Le projet fait mouche. La population se montre enthousiaste et le parlement adopte à l’unanimité une résolution approuvant l’Icelandic Modern Media Initiative (IMMI), chargeant le gouvernement islandais d’apporter les modifications juridiques nécessaires dans tous les domaines afin de faire de l’Islande un havre de sécurité numérique.
Mais, cette phase d’enthousiasme unanime passée, traduire tout cela en une législation fonctionnelle pour l’Islande se révèle une tâche monumentale… Qu’est devenu le projet aujourd’hui ? Il est piloté désormais par l’Institut international des médias modernes, une fondation à but non lucratif dont l’objectif déclaré est de rechercher et de promouvoir une meilleure législation sur les médias dans le monde entier et de s’assurer que toutes les lois IMMI que le Parlement islandais avait décidé d’élaborer ou de modifier en 2010 seront adoptées.
Birgitta Jonsdottir est une parlementaire islandaise et grande amie de Julian : elle a fait partie de l’équipe WikiLeaks. Elle a informé Belgium4Assange que
Nous y sommes presque, mais il reste encore un obstacle majeur à franchir, à savoir la rétention des données. Une législation islandaise exige en effet que les entreprises de télécommunications conservent les données pendant 6 mois, afin que la police puisse éventuellement les utiliser. La même exigence que celle qui figurait dans une directive de l’Union européenne, mais qui a été invalidée en 2014 par une décision de la Cour de Justice de l’UE parce qu’elle était trop invasive….
Voilà. C’était le 14ème épisode de WANTED, la série qui vous emmène au cœur du réacteur de notre monde et vous en dévoilera les faces cachées… Demain, WikiLeaks va recevoir des leaks de la plus haute importance… : de la « bombe atomique » !
Belgium4Assange
Texte écrit par Delphine Noels,
Avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir
Le 4 janvier 2021 sera une date historique : à Londres, la justice britannique rendra son verdict dans le procès d’extradition de Julian Assange. Quels sont les enjeux de ce procès ? En quoi nous concernent-t-ils directement ? Difficile d’avoir les idées claires à ce sujet tant la mésinformation et la désinformation ont été grandes.
A partir du 1er décembre et jusqu’au 4 janvier, Belgium4Assange diffusera quotidiennement un épisode de WANTED, série Facebook qui raconte la vie de Julian Assange en 34 épisodes.
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Sources / Pour en savoir plus
The most dangerous man in the world, Andrew Fowler, Skyhorse Publishing, 2011.
The unauthorized autobiography, Julian Assange, Canongate Books Ltd, 2011.
Julian Assange présente le projet de l’IMMI : https://youtu.be/VWNfIvG4z-g
Article détaillé sur l’IMMI : https://www.niemanlab.org/2010/02/iceland-aims-to-become-an-offshore-haven-for-journalists-and-leakers/
Pour en savoir plus sur l’IMMI : https://en.immi.is/immi-resolution/
Sur la directive « Data retention » de l’UE : https://www.loc.gov/law/help/eu-data-retention-directive/eu.php .