8 questions/réponses sur la dette du Sud et le Coronavirus

8 questions/réponses sur la dette du Sud et le Coronavirus

Renaud Vivien1

Le 5 mai, la représentante de la Belgique à la Banque mondiale est auditionnée à la Chambre des représentants sur la question de l’annulation de la dette des pays du Sud dans le contexte de crise du Coronavirus. Entraide et Fraternité se réjouit de cette audition qui fait suite à ses interpellations politiques2 et une demande de deux parlementaires d’ECOLO-GROEN3. A cette occasion, nous publions 8 questions/réponses sur la dette du Sud et le Coronavirus pour saisir la réalité des engagements des créanciers dont fait partie la Banque mondiale, au-delà de leurs effets d’annonce.

Question 1 : Est-ce que la Belgique et les autres États créanciers se sont engagés à annuler des dettes de pays du Sud pour les aider à lutter contre la crise sanitaire, économique et sociale du Covid-19 ?

Non. Les États créanciers membres du G20 et du Club de Paris4 (groupe réunissant 22 des plus grands États créanciers, dont fait partie la Belgique) ont seulement annoncé une suspension provisoire du remboursement des dettes bilatérales pour 73 pays classés parmi les « plus pauvres5 ». Ce moratoire a pris effet le 1er mai 2020 et ne concerne que les sommes dues pour les 8 derniers mois de l’année 20206.

Il s’agit donc d’un report de paiement réservé à certains pays « à faible revenu » leur permettant de sortir la tête de l’eau pendant une très courte durée. Les créanciers ne font que reporter le problème. En effet, le remboursement des sommes dues pour 2020 sera étalé sur 3 ans (de 2022 à 2024) et s’ajoutera aux autres paiements qui étaient déjà prévus sur cette période. A noter également que les remboursements prévus pour l’année 2021 ne sont pas suspendus. On est donc très loin de l’« annulation massive des dettes africaines » annoncée par le président français Emmanuel Macron dans son allocution du 13 avril 20207.

Question 2 : Quel est le montant total de dettes suspendues pour l’année 2020 ?

Le moratoire, qui ne concerne que 73 pays, porte potentiellement sur 14 milliards de dollars de dettes bilatérales, selon les données de la Banque mondiale et du FMI (citées par le Ministre Alexander De Croo dans sa réponse aux questions parlementaires posées le 22 avril en Commission des relations extérieures8). Ce moratoire est très limité puisqu’il ne couvre que 3% des paiements prévus en 2020 au titre du service de la dette des pays en développement. Le seul service de la dette des Etats africains prévu en 2020 s’élevait déjà à 44 milliards $, soit plus que le triple du montant concerné par la suspension9. Le moratoire pourrait éventuellement porter en 2020 à 40 milliards si tous les créanciers multilatéraux (dont la Banque mondiale) et privés s’y joignaient. Ce qui n’est pas le cas actuellement.