We have a dream…

Il devient de plus en plus évident que le changement climatique a déjà et aura encore bien plus des effets désastreux sur nos vies. Aussi, des mobilisations de tous types se multiplient. Il y a ceux qui espèrent que les partis politiques défendent enfin des positions radicales enfin à la hauteur des défis à relever et ceux qui s’organisent pour préparer solidairement les lendemains qui déchantent… Et puis, certains, comme Extinction Rébellion, considèrent que, face à l’apathie et l’immobilisme des gouvernements, la rébellion voire l’insurrection sont des droits ou même des devoirs. Nous relayons ici un texte-manifeste qui définit leur position.

We have a dream1

Les principes de Nuremberg2 impliquent que toute personne ayant connaissance de crimes contre l’humanité et ayant la possibilité de s’y opposer est dans l’obligation d’intervenir. Ni les ordres d’un supérieur ni une législation nationale (y compris le droit pénal) ne représentent une justification pour ne pas agir.

Cet été, plus encore que n’importe quel été, nous constatons chaque jour de nouvelles atteintes à notre environnement et de nouvelles perturbations du climat : canicules, sécheresses, incendies dévastateurs, disparition galopante des espèces… Tout cela dans un manque total de réaction efficace et pertinente de tous les dirigeants, qu’ils soient politiques, chefs d’entreprises ou membres de familles royales (à quelques rares exceptions près).

Les liens entre les activités humaines, le réchauffement planétaire et l’altération dramatique de la biodiversité ne sont plus à démontrer. Les accords de Paris ne sont pas respectés et sont déjà considérés comme largement insuffisants pour maintenir le seuil de 2°C. Les émissions mondiales continuent à augmenter, de même que la destruction de l’environnement et de la biodiversité. On parle d’écocide, de crime contre l’ensemble du vivant, ce qui inclut aussi l’humanité, une humanité en péril. L’humanité est menacée par les risques très réels et concrets liés au réchauffement. Ces risques sont aujourd’hui bien connus de tous. L’humanité est menacée par les risques réels et concrets liés à la destruction de la biodiversité dont elle dépend pour sa survie. L’humanité est menacée par les risques réels et concrets liés à l’altération de son seul habitat, la Terre (déforestation, érosion des sols, pollutions…)

L’un des crimes contre l’humanité est celui d’extermination. Il se définit par le fait « d’imposer intentionnellement des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population3. » L’impact de notre société capitaliste est tel que la non-action peut et doit être reconnue comme un crime contre l’humanité. Bien que l’on n’accuse ici personne de vouloir expressément exterminer l’humanité tout entière, à partir du moment où le danger est réel et les actes aggravant ce danger bien connus, ne pas prendre les mesures qui s’imposent peut être assimilé à un acte intentionnel.

Les principes de Nuremberg impliquent que toute personne ayant connaissance de crimes contre l’humanité et ayant la possibilité de s’y opposer est dans l’obligation d’intervenir. Ni les ordres d’un supérieur ni une législation nationale (y compris le droit pénal) ne représentent une justification pour ne pas agir.

Nous faisons le rêve que chacun prenne conscience de cet état de fait et de son obligation morale d’intervention. Nous faisons le rêve que les humains se révoltent au nom des valeurs universelles les plus fondamentales que l’humanité n’ait jamais défendues.

Au crépuscule d’une des pages les plus sombres de notre histoire, après la chute du régime nazi, lors du procès de Nuremberg, l’humanité a agi au nom de tels principes. Face au danger du réchauffement climatique – et d’extinction – la rébellion n’est plus un choix, mais une nécessité et un devoir. « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs. »4 En l’occurrence notre droit fondamental à la vie et à la sécurité est actuellement violé par le gouvernement de par l’absence de mesures contraignantes efficaces.

Comme le déclare Fred Vargas, qui ne mâche pas ses mots : « Le choix des lobbies et des gouvernants de passer outre les recommandations du GIEC et de l’ONU, et d’atteindre +2°C (et plus…) de réchauffement, de refuser la modification des systèmes de production actuels, revient à choisir de ce fait l’extinction de l’humanité d’ici la fin du siècle.”5

Nous faisons le rêve qu’au milieu du cauchemar, l’humanité s’éveille pour agir et se diriger vers un monde meilleur. C’est pourquoi, au sein du mouvement Extinction Rébellion Belgique6, nous demandons:

– que le gouvernement déclare l’urgence climatique et écologique, et reconnaissant la nécessité d’une transformation rapide de notre système économique.

– une assemblée des citoyens, dotant nos régions et nos communautés des ressources et de l’autorité nécessaires pour assurer une transition maîtrisée vers une société post-croissance équitable.

– que le gouvernement lance un Plan d’urgence national complet et juridiquement contraignant, qui élimine l’importation et l’extraction de combustibles fossiles d’ici 2025, tout en privilégiant la restauration de la biodiversité et la préservation de notre environnement naturel.

Notre mode d’action est l’action directe non-violente, qui, pour reprendre les mots de Martin Luther King, « a pour objectif de créer un sentiment de crise, une tension insupportable afin d’obliger la société à affronter le problème et à ouvrir la porte à des négociations sincères. »

Nous osons rêver d’un avenir pour nos enfants.

Collectif de membres d’Extinction Rébellion


1 En référence au célèbre discours “I have a dream” prononcé par Martin Luther King à Washington le 28 août 1963 devant plus de 250 000 manifestants.
2 Le procès de Nuremberg, du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946, a été intenté par les puissances alliées contre 24 des principaux responsables du Troisième Reich, accusés de complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Il constitue la première mise en œuvre d’une juridiction pénale internationale.
3 Statuts de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998.
4 Robespierre, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793.
5 In L’humanité en péril, Ed. Flammarion, 2019.
6 https://extinctionrebellion.be/fr.