Une histoire populaire des mouvements noirs américains (1945-1970)

Tout est vrai dans mon récit et pourtant rien n’est juste.
« Il était une fois, en 1955, à Montgomery (Alabama), une ouvrière noire épuisée par sa journée de travail, refusa obstinément de céder sa place dans le bus à un homme blanc. Ainsi débuta le mouvement non-violent des droits civiques… » Tout est vrai dans mon récit et pourtant rien n’est juste.

Olivier Mahéo, De Rosa Parks au Black Power. Une histoire populaire des mouvements noirs, 1945-1970, Presses universitaires de Rennes, 2023

Pour souligner tout l’intérêt du livre que nous propose l’historien Olivier Mahéo, De Rosa Parks au Black Power. Une histoire populaire des mouvements noirs, 1945-1970, je pourrais raconter l’histoire suivante.

Il était une fois, en 1955, dans la ville de Montgomery (Alabama), symbole de l’Amérique de la ségrégation raciale, une ouvrière noire du nom de Rosa Parks qui, épuisée par sa journée de travail, refusa obstinément de céder sa place dans le bus à un homme blanc. Par ce geste aussi spontané, inédit que rebelle, et grâce à un pasteur noir du nom de Martin Luther King, elle lança bien involontairement le mouvement non-violent des droits civiques qui allait changer le visage de l’Amérique.

Tout est vrai dans mon récit : l’année, le lieu, le geste fort, Parks et King, le mouvement des droits civiques. Tout est vrai et pourtant rien n’est juste. Comme le souligne la préfacière :

les lacunes et simplifications occultent des pans entiers des mouvements noirs en un récit qui se veut largement consensuel et apaisé.

La classe ouvrière noire a joué un rôle majeur dès lors que la porte des syndicats lui fut ouverte et que la répression étatique ne la marginalisa pas complètement
Dans ce livre, l’auteur s’en prend au récit dominant qui met en avant des figures masculines, héroïques et charismatiques, issues de la petite élite intellectuelle noire, qui insiste sur le rejet de la violence comme moteur du changement social et donc sur les vertus du dialogue pour faire évoluer la société américaine. Olivier Mahéo resitue le mouvement des droits civiques dans l’histoire longue du combat émancipateur au sein duquel la classe ouvrière noire1 a joué un rôle majeur dès lors que la porte des syndicats lui fut ouverte et que la répression étatique ne la marginalisa pas complètement.