Trois films sur l’Amérique désenchantée

Ce premier texte veut mettre l’accent sur l’envers du rêve américain à travers trois films mettant en scène des laissés-pour compte de l’Amérique contemporaine. Au-delà de l’aspect social, ces long-métrages se déroulent chacun dans des environnements et des espaces particuliers, voire extraordinaires (au sens littéral du terme), ce qui fait ressortir le propos et fait contraster le vécu des protagonistes d’avec le milieu dans lequel ils évoluent.

 

Nomadland (2020): les oubliés du néolibéralisme

Fern fait partie de ces milliers d’Étasuniens habitant dans leur véhicule. Loin de l’image angélique du routard taillant la route au gré de ses envies, ce choix, qui résulte d’abord de contraintes économiques liées à son parcours personnel (décès de son mari, perte de son emploi, succession de contrats déterminés, notamment au sein d’une célèbre entreprise de commerce en ligne) reflète à lui seul les ravages du capitalisme débridé: désindustrialisation, précarité de l’emploi, retraites et salaires insuffisants, coût du logement, inhumanité du système.

Fuyant la brutalité de ce néolibéralisme[1] étatsunien (qui ne diffère des autres que parce qu’il est poussé à son paroxysme), l’héroïne va trouver un certain réconfort auprès d’autres nomades des temps modernes, souvent eux-mêmes cabossés par la vie. Dans un pays où les amortisseurs sociaux sont pour une partie croissante de la population inexistants, et où le moindre imprévu peut vous faire basculer dans la galère, Fern va retrouver dans ce mode de vie et au sein de cette communauté une humanité faisant cruellement défaut au sein de ce capitalisme poussé à l’extrême.

L’espace, tout comme la route, jouent dans ce film un rôle central. L’illustration de la dureté de la vie (intérieur de la camionnette exigu, entrepôt morne et triste, chaîne de production robotisée, laideur des parkings situés sur des zones commerciales, etc.) contrastant sans cesse avec des paysages grandioses et au sein desquels le sentiment de liberté prend le pas sur les difficultés quotidiennes. Un espace qui devient ainsi un refuge pour des valeurs que l’on ne retrouve plus dans la société moderne, et qui permet, par-là, de guérir des blessures.

Bref, une partie des contradictions des États-Unis en moins de deux heures.