Tout Autre Chose et les gilets jaunes

Depuis plusieurs jours, un mouvement entamé par des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens français a occupé l’actualité. Démarré par l’augmentation par le gouvernement français de la taxation des carburants, les débats, revendications et indignations suscités ont rapidement dépassé ce cadre, ainsi que la frontière.

Ce sont le déficit démocratique entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés (et en particulier l’annulation de facto par notre gouvernement fédéral des lieux de concertation), le gouffre grandissant des inégalités sociales, la précarisation toujours plus massive et enfin la politique d’écologie hypocrite et minimaliste qui n’a d’environnementale que le nom, qui sont au cœur aujourd’hui de ces mobilisations. La question des taxations de carburant a ouvert la brèche, a donné la parole à des couches de la population trop souvent niées et méprisées et a amené le focus de l’actualité sur un débat profond de société.

Tout Autre Chose se positionne

Tout Autre Chose, en tant que mouvement citoyen, se positionne à nouveau aujourd’hui sur ces importantes questions. Récemment encore, nos balises affirmaient clairement notre volonté de participer à la construction d’une société écologique, juste et égalitaire. Dans nos textes d’horizons, le combat pour une société démocratique et solidaire a encore été réaffirmé.

Depuis des années, nous dénonçons les politiques d’austérité qui fragilisent encore un peu plus les plus faibles et qui amènent une partie croissante de la classe moyenne à s’inquiéter de son avenir. D’autre part, la politique de transition écologique, dont l’impératif est assené avec plus de force, mois après mois, par les scientifiques du monde entier, est reléguée au stade de projet de communication et de mesures symboliques voire contre-productives. Les transports en commun, en particulier, sont au mieux laissés dans leur état de sous-financement chronique, au pire la cible de politiques d’austérité, qui en réduisent l’offre et les conditions de travail. Les emplois des chemins de fer se dégradent, les retards toujours plus nombreux, les petites lignes supprimées et des dizaines de gares sont peu à peu fermées.

Dans le même temps enfin, les lobbies industriels et patronaux, visant à limiter les objectifs écologiques des différents gouvernements comme de l’Union Européenne ou à défendre l’industrie des énergies fossiles, maintiennent leur emprise dans l’indifférence quasi générale. Leur influence avait déjà amené le Ministre d’État, Mr Nicolas Hulot, à démissionner du gouvernement français il y a quelques mois. À l’approche de la marche pour le climat du 2 décembre, à laquelle Tout Autre Chose appelle à prendre part, le défi écologique et la pression à exercer sur nos gouvernements sont plus importants que jamais.

Tout Autre Chose affirme avec force que les politiques de transition écologiques ne peuvent s’effectuer sur le dos des plus précaires. Pas seulement parce qu’il s’agirait d’une approche injuste de la situation, mais également parce qu’elle serait dès lors condamnée à l’impuissance voire à la contre-productivité.

Les épaules les plus larges doivent supporter le poids le plus lourd

Les épaules les plus larges doivent supporter le poids le plus lourd et les plus faibles doivent être protégés et non pointés du doigt. De même, les entreprises et les grandes fortunes, aussi puissantes soient-elles, ne peuvent pas continuer à bénéficier de la passivité complice de notre gouvernement au sujet de l’évasion fiscale, dont l’estimation la plus faible, réalisée par la Banque Nationale de Belgique et mise en lumière dans un récent rapport de l’Observatoire belge des inégalités, s’élève à 6,6 milliards d’€ par an. Tout cela à l’heure où le gouvernement fédéral a décidé de 2,8 milliards d’€ d’économies à la SNCB et où un de nos concitoyen.n.es sur 5 vit sous le seuil de pauvreté. Cette pauvreté montante est le cœur de la campagne « Article 23 » portée par la Campagne TAM-TAM à laquelle nous participons activement.

Cet état de fait n’est pas le résultat de la politique d’un gouvernement seul ou d’un unique parti. Il est la conséquence de décennies d’une idéologie néolibérale qui a amené les plus pauvres à se monter les uns contre les autres, les inégalités à se creuser, et à l’écologie de rester le parent pauvre de la politique lorsqu’elle n’est pas un simple cosmétique politicien. Mais il a été très largement amplifié par la politique néolibérale très brutale menée par l’actuel gouvernement. Le gouvernement fédéral actuel s’inscrit malheureusement avec un acharnement aveugle dans cette vision, tout en asseyant sa majorité politique sur une alliance avec des éléments dont les dérives et positionnement d’extrême-droite sont de plus en plus évidents.

Tout Autre Chose souhaite participer à porter ces thèmes et ces revendications dans la société, à l’heure où les urgences démocratique, sociale et climatique s’additionnent, et où s’ouvre peut-être en Belgique une phase large de débats, de questionnements et de mobilisations.

Nicolas Pierre