Taxe carbone : une mesure « à la fois injuste et très peu efficace, voire contre-productive »

Propos recueillis par Guillaume Lohest

Nous reproduisons cette interview réalisée par Guillaume Lohest pour la revue Valériane (magazine de Nature et Progrès, n°148, mars 2021) avec l’aimable autorisation de son auteur. Ces analyses sont le produit du travail réalisé au sein du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP). C‘est au travers de l’organisation de la participation des populations en pauvreté que le RWLP travaille. Par l’éducation populaire et permanente, par la reconnaissance de l’expertise du vécu des personnes, par leur inclusion dans les processus politiques démocratiques, le RWLP vise à leur permettre les outils et le rapport de force indispensables pour combattre les privations de droits et de moyens d’existence qui génèrent la pauvreté.

Le « monde d’après », beaucoup en rêvent. Un monde plus juste, respectueux des écosystèmes, moins compétitif, relocalisé, démocratique, soutenable… Une utopie, quoi ! Nous sommes habitués à penser qu’il est essentiel de visualiser un autre monde pour qu’il nous attire à lui comme un aimant. Ici, on proposera l’inverse. Autrement dit, partir du monde présent, questionner sa paralysie, s’interroger non pas sur une destination fantasmée, mais sur le premier pas à faire, sur la condition de toute avancée collective.

La « taxe carbone » est une mesure présentée par beaucoup comme incontournable dans la lutte contre le réchauffement climatique. On s’interroge ici sur ses limites avec Merlin Gevers[i], qui a eu l’amabilité de nous détailler la position du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (RWLP), telle qu’elle est construite à partir du terrain, avec des témoins du vécu.

Guillaume Lohest : Comment définir la taxe carbone ? On en entend beaucoup parler depuis quelques années, notamment en France…

Merlin Gevers : Il faut faire la distinction entre plusieurs choses : la taxe carbone, la taxe carbone aux frontières, le mécanisme ETS, etc. Quand on parle de fiscalité environnementale, il y a plusieurs choses à ne pas confondre. Revenons-en aux bases… Qu’est-ce qu’une taxe ? Un prélèvement, ici sur la consommation, qui est décidé par l’État. C’est une source de financement pour une série de politiques. C’est donc une forme d’impôt. Et ici, elle ne va porter ni sur les revenus des personnes, ni sur des patrimoines ou sur l’activité d’entreprises, mais elle va s’appliquer sur les produits de consommation d’un acteur économique : un individu, une entreprise. Cela peut prendre plusieurs formes.

Il y a les fameuses accises : ce sont des taxes fixées en fonction d’une quantité de matière achetée. La TVA, elle, fonctionne avec un pourcentage ajouté par rapport à un prix. Le RWLP n’est pas du tout opposé au principe de la taxation ou de l’imposition évidemment. Il y a une nécessité de prélever de l’argent, là où c’est utile de le faire, pour financer les services publics, pour faire fonctionner la solidarité dans notre société. La question, c’est comment, de façon à ce que la taxation ou l’imposition soit juste ?

 

La taxe carbone, concrètement…