Dans ma précédente chronique j’annonçais que, suite à une analyse aussi complète que possible, de l’impossibilité physique de toute croissance continue pour tous, et de la folie d’y croire, que, nous allions voir dans la présente, pourquoi et comment les dites « théories » enseignées et entretenues en économie et en management[1], non seulement n’en sont pas[2] en termes des canons de « la science »[3], mais ne sont et n’ont toujours été qu’idéologies au service des dominants et des riches[4]. Mais aussi comment et pourquoi cette pseudoscience (économie-management) néglige gravement les alternatives à une économie basée quasi strictement sur l’impossible postulat de croissance continue et infinie pour tous. Ce sont donc essentiellement ces alternatives – et les faits et méfaits qui les justifient – que nous examinerons à partir de cette chronique, et dans la suivante. En attendant voyons, en complément à la chronique précédente, quelques implications aussi absurdes que majeures, en termes de Passion de Détruire[5], de la folie liée à la course à la croissance.
Omar Dr Aktouf, PhD
Professeur titulaire-honoraire HEC Montréal
[1] Management qui, je le rappelle n’est que « le bras armé » de la pensée économique dominante qui l’encadre et lui fournit ses concepts généraux.
[2] J ’ai déjà indiqué et démontré à plusieurs fois pourquoi Il ne S’agit en fait que d’idéologies au service de ceux qui en profitent : les classes dominantes à l’échelle mondiale. Ce qu’un Michel Geoffroy, entre autres, confirme avec forte justesse de vue et rigoureuse analyse, dans son récent livre : La super classe mondiale contre les peuples.
[3] Et ce même si on admet – ce qui est loin de faire l’unanimité dans le monde académique – que le terme science renvoie aux canons dominants de « science positiviste » consistant essentiellement à observer, mesurer, quantifier, consigner, soumettre à tests statistiques, et valider, « prouver » le plus souvent en abusant des mathématiques, en plus de pouvoir cumuler, répéter à l’identique démarches et résultats…
[4] Chose sur laquelle nous reviendrons plus en détails et en profondeur lors de la prochaine chronique qui portera sur les abus et les raccourcis épistémologiques pris par un certain Léon Walras, père de la pensée économique moderne.
[5] Pour reprendre le titre du tout aussi passionnant livre de Eric Fromm, traitant de la mortifère tendance de l’humain à la destruction plutôt que l’inverse.
[6] Et non pas “Dérèglement” ou “Changement » ! Car c’est encore là une façon de mal nommer les faits afin de détourner l’attention de la vraie nature des choses et donc des lieux et des sources de responsabilité de cette nouvelle « nature des choses » : ceux qui ont profité de la course à la croissance mondiale sans limites.
[7] Voir par exemple les incroyables thèses antiécologiques et antiresponsabilité des activités économiques humaines dans le saccage de la planète, développées dans ce très (trop) utilisé ou brandi, livre de Bjorn Lomborg publié en 2002 : The Skeptical Environmentalist.
[8] Qui les trouvent soit incongrus par rapport au contexte dans lequel ils se donnent, soit « folkloriques » et « inutiles-déconnectés », en tous cas en quasi-totale contradiction avec tout ce qui s’enseigne « autour ».
[9] Bien des organismes de « classement » et de notation d’écoles d’économies et de gestion exigent que seulement certains termes figurent dans les intitulés de au moins un ou deux cours (sur des dizaines), des termes tels que « critique », « environnement », « social »… rien de plus, afin de pouvoir afficher les (paraît-il) prestigieux logos de ces organismes dans le site et les documents officiels représentant les institutions qui désirent faire partie des « nec plus ultra » de leurs catégories.
[10] Cette idée de décroissance devant indubitablement impliquer celle de non-profits !
[11] Dans le sens psychopathologique du mot collusion qui signifie, faire semblant de croire que l’on croit en quelque chose auquel on ne croit pas du tout, ou faire semblant de prendre l’autre au sérieux quand on sait que chacun sait que ce n’est pas sérieux : les étudiants font semblant de croire à la responsabilité sociale, le professeur fait semblant de croire que les étudiants y croient, tout en faisant semblant d’y croire lui-même. Ce phénomène bien connu en psychopathologie et pathologie linguistique, est fort bien résumé par cette formule en langue anglaise : « How to play the game of not seeing that we are playing the game ? » (Comment jouer à ne pas voir qu’on joue un jeu ?).
[12]À ce sujet : Voir et revoir, lire et relire les indémodables références que sont Manufacturing Consent de Noam Chomsky et La reproduction de Pierre Bourdieu.
[13] Bien que guerre perdue d’avance au vu des milieux qui contrôlent désormais de façon bien verrouillée les leviers de la superstructure : le discours politique, les médias, les productions dites culturelles, les institutions d’enseignement…
[14] Sans parler de l’immense Tour de Babel qui règne dans ces milieux où mille et une « écoles », convictions, conceptions de modes d’actions… se côtoient et s’entre-déchirent !
[15] Voir certaines de mes précédentes chroniques, notamment sur la nature du profit et sur l’origine et source de la dite croissance.
[16] Un rapport récent (mi-octobre) a montré que, aux USA, le « crise » du Covid, a jusque-là enrichi les plus riches de… 40%, et que le palmarès (ou classement) Forbes qui liste les milliardaires du monde, s’est lui, « enrichi » de 44 nouveaux noms… un record depuis 2007 ! Ajoutons à cela une hausse – disent les chiffres officiels – d’une, sinon quelques centaines de millions de personnes en état de pauvreté extrême, une hausse de quelques dizaines sinon centaines de milliards dans le montant de l’évasion fiscale mondiale…
Lire, entre autres, le livre de Hervé Kempf : Comment les riches détruisent la planète, ou celui de Brigitte Alepin : Ces riches qui ne paient pas d’impôts.
[17] Voir notamment le chap. 6 de mon livre La stratégie de l’autruche, et aussi une de mes premières chroniques qui portait sur la nature et le « statut épistémologique-scientifique » du profit.
[18] Qui nous vient tout droit « made in US » et qu’on dénomme leadership : j’en ai déjà traité dans un Webinaire et aussi je pense dans une précédente chronique, sinon ce sera dans une prochaine. Bien entendu je ne veux surtout pas généraliser indûment, bien que hélas ! c’est plutôt bien général ! Il n’y a là que glorification idéologique au service de ceux qui en profitent. Comme le dit J. Stiglitz (dans The Roaring Nineteens) : « On leur (les patrons) a fait tellement croire qu’ils servaient la société, qu’ils n’hésitent plus à se servir sans limites ! ».
[19] Rappelons tout de même que dans ce livre et selon leurs simulations de continuation des pratiques « économiques » de fin des années 1970, ils prévoyaient un évènement écologique destructeur autour des années 2015 – 20 ( !!).